Proche est une source aux belles eaux ;
c’est là que le prince,
le fils de Zeus, avec son arc puissant,
tua la Bête,
la grande , l’énorme monstre des champs,
qui avait fait
bien du mal aux hommes sur la terre,
bien du mal à eux d’abord,
bien du mal aux moutons qui ont les pattes fines.
Funeste fléau.
Elle avait nourri, l’ayant reçu
d’Héra (son trône est d’or),
Typhaôn le terrible, le cruel,
fléau de ceux qui meurent,
celui qu’Héra, en colère,
contre Zeus le père, avait enfanté,
quand le Kronide avait fait naître
Athéna la magnifique,
de sa tête. Héra le souveraine
se mit soudain en fureur
et devant les dieux assemblés
voici ce qu’elle dit :
« Écoutez-moi, vous tous, les dieux
et vous, toutes les déesses,
voyez comment m’a offensée
Zeus Maître-des-Nuages.
C’est lui qui a commencé. Moi, j’ai été
toujours une épouse parfaite.
Il a mis au monde sans moi
Athéna Yeux-de-chouette
qui se distingue au milieu
de tous les bienheureux immortels.
Mais au milieu de tous les dieux
il est né infirme,
mon fils Héphaïstos, il est bétourné,
lui que j’ai enfanté.
Je l’ai saisi de mes mains
je l’ai jeté dans la vaste mer.
Mais voici que la fille de Nérée
Thétis Pied-d’Argent,
l’a recueilli, a pris soin de lui
avec toutes ses sœurs.
Il y avait pourtant d’autres moyens
pour plaire aux dieux bienheureux.
Cruel, on ne sait pas ce que tu penses,
qu’es-tu en train d’inventer ?
Comment as-tu osé faire tout seul
Athéna Yeux-de-chouette ?
Je pouvais la faire, moi. Et on dit
que je suis ton épouse,
parmi ceux qui ne meurent pas,
ceux qui ont leur maison sur l’Olympe.
Prends garde : ce que je vais inventer
pourrait te faire mal.
Dès maintenant, moi, je vais m’arranger
pour que naisse
un fils à moi, qui se distingue parmi
tous les bienheureux immortels.
Je le ferai sans souiller ton lit,
qui est saint, ni le mien.
Non, je n’entrerai pas dans ton lit,
mais, séparée de toi,
je serai tout de même en compagnie
des dieux qui ne meurent pas. »
Voila ce qu’elle dit, et, en colère,
elle s’en alla loin des dieux.
En suite, elle lança le cri magique,
la reine Héra Yeux-de-vache ;
à main plate elle frappa
le sol et dit ces paroles :
« Écoutez-moi, Terre
et toi, Ciel, par-dessus,
et vous, dieux Titans,
vous qui habitez sous la terre
autour du vaste Tartare,
d’où viennent les hommes et les dieux ;
écoutez-moi, vous tous
et faites que j’aie un enfant
toute seule, sans Zeus,
qui ne soit pas moins fort que lui.
Qu’il soit à Zeus
ce que Zeus Tout-Voyant fut à Kronos. »
Ce disant de sa forte main
elle battit la terre.
La terre qui donne la vie en fut secouée. Ce que voyant
l’autre en eut grande joie en son cœur.
Elle croyait réussir.
Depuis ce moment-là
pendant une année tout entière
elle n’entra plus jamais
dans le lit de Zeus le subtil;
Elle ne s’assit plus jamais,
comme autrefois, sur la chaire
tout ornée de figures pour lui dire
ses profondes pensées.
Restant dans ses temples
où l’on ne cesse de prier,
elle prenait plaisir aux rites,
la souveraine Héra Yeux-de-vache.
Mais lorsque les mois
et les jours furent révolus,
lorsque l’année eut fait son tour
et que les saisons revinrent,
ce qu’elle enfanta ne ressemblait
ni au dieux ni aux mortels ;
c’était l’affreux Typhaôn,
malheur pour les mortels.
Elle le prit tout de suite,
la souveraine Héra Yeux-de-Vache,
et le donna, horreur, à une horreur
qui le reçut.
Il causait des maux sans nombre
aux fameuses tribus des hommes.
Pour la bête, qui la rencontrait
rencontrait le jour de sa mort,
jusqu’au moment où l’Archer,
le prince Apollon, lança la flèche
dure. Et saisie par les souffrances
qui la déchiraient,
la Bête se roula par terre
en haletant fortement.
Elle fit un cri prodigieux
(les mots ne le diraient pas).
Dans la forêt elle se tordit
sans cesse et en tout sens. Enfin
elle creva, crachant le sang.
Et Phoïbos Apollon la maudit :
« Pourris maintenant ici,
sur la terre qui nourrit les hommes.
Tu as fini d’être un malheur
sinistre pour les hommes
vivants. Eux, qui mangent les fruits
de la terre généreuse,
viendront ici pour le sacrifice
avec des victimes parfaites.
De la mort sans pitié personne
ne te sauvera,
ni Typhôeus, ni la Chimère
qu’il ne faut pas nommer. La terre
noire te fera pourrir ici
avec Hypérion rayonnant. »
Voila comment il la maudit.
Pour elle, l’obscur
voila ses yeux. La sainte force
du Soleil la fit pourrir
sur place. Et le lieu a nom Pythô
encore aujourd’hui. Le prince
est appelé Pythien, c’est son surnom,
car en ce lieu
la force vive du soleil
a fait pourrir le monstre.
V.300-374
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