Description de Babylone; Enquête, Hérodote

Hérodote du parcourir la Mésopotamie vers 450 av JC quand Babylone existait encore, mais à demi ruinée depuis sa révolte contre Xerxès et son châtiment (en 478-7). Nommée plus de 200 fois dans la Bible, Babylone est le Babel de l’ancien testament, où les hommes veulent élever une tour jusqu’au ciel, la ville dont les livres d’Isaïe et de Jérémie prophétisent la destruction, « la grande prostituée de l’apocalypse ».

Voici la description de cette ville. Elle se trouve dans une vaste plaine et forme un carré de cent vingt stades de côté, ce qui fait une enceinte de 480 stades au total1. Tel est l’étendue de la cité de Babylone; pour l’ordonnance, aucune des villes que nous ne connaissons ne pouvait lui être comparée. Elle est entourée, d’abord, d’un fossé profond, large et plein d’eau, puis d’un mur large de cinquante coudées royales et haut de deux cents. (La coudée royale est plus longue que la coudée ordinaire de trois doigts)2.

Il me faut encore dire ce qu’on fit de la terre retirée du fossé, et comment on bâti le mur: à mesure que l’on creusait le fossé, la terre qui en provenait servait à faire des briques; quand on eut assez de briques, on les fit cuire dans des fours. Ensuite, avec du bitume chaud pour ciment et, toutes les trente couches de briques, un lit de roseau intercalé, on fit d’abord le revêtement du fossé, puis le mur, de la même façon. Au sommet du mur et sur deux bords, on éleva des constructions d’un seul étage, placées face à face, en laissant entre elles assez d’espace pour qu’un quadrige y pût circuler. Cette enceinte à cent portes qui sont en bronze, les montants et les linteaux aussi3. Il est une autre ville à huit jours de marche de Babylone: elle s’appelle Is; on y trouve une rivière de médiocre importance, qui s’appelle également Is et qui se jette dans l’Euphrate. En jaillissant du sol cette rivière entraîne avec ses eaux des grains de bitumes en abondance; de là provient le bitume qui a servi pour les murs de Babylone4.

Tels étaient les remparts de Babylone. La ville elle-même comprend deux quartiers; un fleuve la coupe en deux, l’Euphrate, un grand fleuve profond et rapide qui vient d’Arménie et se jette dans la mer Érythrée5. Sur les deux rives, le mur se prolonge par un coude jusqu’à l’eau; à partir de là, un mur de retour en briques cuites borde chaque berge. La cité elle-même est une agglomération de bâtiments à trois ou quatre étages, coupée de rues, qui parallèles au fleuve ou transversales, sont toutes rectilignes6. Les rues menant au fleuve aboutissaient à autant de poternes ouvertes dans le mur; ces poternes étaient en bronze, elles aussi, et donnaient directement sur le fleuve.

Cette muraille est vraiment la cuirasse de la ville, mais il existe un second mur intérieur, presque aussi solide que le premier s’il est plus étroit. Les deux quartiers de la ville avaient en leur centre chacun une enceinte fortifiée: dans l’un, le palais royal entouré d’un mur haut et solide, dans l’autre un sanctuaire de Zeus Bélos aux portes de bronze, qui existait encore de mon temps: c’est un carré de deux stades de coté; au milieu se dresse une tour massive, longue et large d’un stade, surmontée d’une autre tour qui en supporte une troisième, et ainsi de suite jusque ‘à huit tours. Une rampe extérieure monte en spirale jusqu’à la dernière tour; à mi-hauteur environ il y a un pallier et des sièges, pour qu’on puisse s’asseoir et se reposer au cours de l’ascension. La dernière tour contient une grande chapelle, et dans la chapelle on voit un lit richement dressé, et près de lui une table d’or. Mais il n’y a point de statue, et nul mortel n’y passe la nuit , sauf une seule personne, une femme du pays, celle que le dieu a choisi entre toutes, disent les Chaldéens qui sont les prêtres de cette divinité7.

Ils disent encore (mais je n’en crois rien) que le dieu vient en personne dans son temple et se repose sur ce lit comme cela se passe à Thèbes en Égypte, à en croire les Égyptiens -car là aussi une femme dort dans le temple de Zeus Thébain-; ces deux femmes n’ont, dit-on, de rapports avec aucun homme. La même chose se passe à Patares en Lycie pour la prophétesse du dieu (quand il y a lieu, car l’oracle ne fonctionne pas toujours): elle passe alors ses nuits enfermées dans le temple8.

Le sanctuaire de Babylone contient une autre chapelle, en bas, où l’on voit une grande statue en or de Zeus représenté assis; une grande table d’or est placée à coté; le piédestal et le trône du dieu sont d’or également; l’ensemble, disent les Chaldéens, pèse huit cent talents. Hors de la chapelle, il y a un autel en or, ainsi qu’un autre autel plus grand sur lequel on immole des animaux adultes; car sur l’autel d’or, on ne doit sacrifier que des bêtes qui ne sont pas encore sevrées.

1: 86 km. En fait le mur extérieur, englobant un vaste territoire non bâti, à l’est de l’Euphrate, mesurait 17 km environ.

2: 25 m de large et 100m de haut.

3: Les fouilles ont révélé, pour l’enceinte extérieure, un double rempart formé d’un mur intérieur en briques crues, large de 7 , et d’un mur extérieur revêtu de briques cuites, large de 7,80 m et distant du premier de 12 m; l’espace intermédiaire étant comblé, l’ensemble formait un rempart de 26,80 m de large, renforcé de tours cavalières, et haut de 12 à 20 m sans doute. Des canaux amenaient l’eau de l’Euphrate dans le fossé large de 100m qui précédait le rempart. Les lits de roseaux sont encore visibles, plus rapprochés que ne le dit Hérodote, intercalés tout les 8 ou 10 rangs de briques en général, et placés parfois à chaque rang. L’espace laissé libre entre les tours, au sommet du mur, ne devait pas être inférieure à 6 m et permettait le passage d’un char à 4 chevaux; ces tours épaisse de 8,50 m à la base, pouvaient avoir 30 m de haut. L’encadrement et les gonds des portes étaient en bronze, les vantaux, de bois simplement recouvert de bronze; le chiffre de 100 portes qu’indique Hérodote peut être fantaisiste, emprunté à une autre grande ville de l’antiquité, la Thèbes égyptienne appelée Thèbes au cent Portes, mais il peut comprendre les poternes, en plus des grandes portes de la ville qui étaient au nombre de huit.

4: Is=Hit, sur la rive droite de l’Euphrate, en amont de Babylone; les sources sulfureuse et bitumineuse y jaillissent toujours.

5:L’Euphrate coupait la ville obliquement; il s’est depuis déplacé vers l’ouest, et il a perdu son embouchure distincte sur le golfe persique (la mer d’Érythrée d’Hérodote): Tigre et Euphrate réunis forment à présent le Chatt el Arab et s’achèvent en un vaste delta marécageux.

6: Vers 550 ACN, Nabonide, fit élever le long de l’Euphrate un mur de 8 m environ de large. Les voies correspondant au portes de la ville se croisaient effectivement à angle droit, et les principaux quartiers des cités mésopotamiennes étaient construits en « damier »; les maisons pouvaient avoir plusieurs étages, les fouilles ayant révélés des restes d’escaliers de briques et de bois.

7: Ce temple, appelé l’Ésagil, la « Maison au toit élevé », occupait un quadrilatère de 458 m sur 312 m. La tour à étages, ou ziggurat, haute de 91 m, avait 7 étages de volume décroissant (8 pour Hérodote qui doit compter pour un étage la chapelle couronnant l’édifice), un escalier perpendiculaire à la façade, large de 9.35 m, qui devait donner accès au premier étage, et deux rampes de 8.30 m de large, adossées à la même façade. Les documents babyloniens appellent l’une des chapelle de la tour la « chapelle du lit » et mentionnent dans cette chapelle un lit et un trône. La femme une prêtresse, devait représenter l’épouse du dieu au cours des fêtes du nouvel an, où l’on célébrait les « Mystères de Mardouk » terminés par une « hiérogamie », le mariage symbolique du dieu. Les Chaldéens, habitant primitivement le bord du golfe Persique, se sont progressivement étendus sur toute la Mésopotamie; leurs sciences d’astrologues et devins est la source de la science orientale antique et leur nom devint plus tard synonyme d’astrologues-magicien.

8: Au temple d’Amon à Thèbes étaient attachées des prêtresses, les « Recluses d’Amon », qui logeaient dans le temple et formaient le harem du dieu, avec à leur tête la « divine adoratrice », appelée aussi « Divine Épouse d’Amon ». Patares, à l’embouchure du Xanthos, avait un sanctuaire d’Apollon Lycien où le Dieu était censé passer les mois d’hiver, s’il passait les mois d’été à Délos ou à Delphes.

pg 135-138

L’Enquête, Livre I, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.

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