Frêne; Chevalier et Gheerbrant; Dictionnaire des symboles

Frêne

Chez les grecs, de l’époque d’Hésiode, le frêne est un symbole de solidité puissante. Dans le fameux mythes des races, c’est le frêne qui engendre la race de Bronze, bien différente de la race d’argent, fille des frêne, terrible et puissante. Le frêne, bois dont on faisait les hampes de lance, désigne aussi la lance elle-même.

Dans les traditions scandinaves, il est un symbole d’immortalité et de lien entre les trois niveaux du cosmos. Un poème scandinave (cité par de Champeaux G. Dom., Sterckx S.(O.S.B.), Introduction au monde des symboles, Paris, 1966, pg306) le décrit :

Cet arbre sagement édifié qui plonge jusqu’au sein de la terre…. Je sais qu’il existe un frêne qu’on appelle Yggdrasil. La cime de l’arbre est baignée dans de blanches vapeurs d’eau, de là découlent les gouttes de rosée qui tombent dans la vallée. Il se dresse éternellement vert au-dessus de la fontaine d’Urd. Il est le géant, dieu de la fécondité : Yggdrasil tremble, le frêne érecte, gémit le vieux tronc, et le géant se délivre ; tous frémissent sur les chemins d’enfer…. (traduction Régis Boyer)

Pour les peuples germaniques, le frêne Yggdrasil est l’arbre du monde : l’univers se déploie à l’ombre de ses branches, d’innombrables animaux s’y abritent, tous les êtres en dérivent. Il est toujours vert car il puise une force toujours vive et renaissante à la fontaine d’Urd. Il vit de cette eau et en fait vivre l’univers. La fontaine est gardée par une des Nornes, qui sont les maîtresses du destin.

Le frêne enfonce ses trois principales racines, l’une dans la fontaine d’Urd ; l’autre dans le pays des glaces, Niflheim, pour atteindre la fontaine d’Hvergelmir, origine des eaux qui s’écoulent dans tous les fleuves du monde ; la troisième dans le pays des Géants où chante la fontaine de la sagesse, Mimir. Les dieux germaniques se rassemble au pieds d’Yggdrasil comme les dieux grecs au sommet de l’Olympe, pour rendre la justice. Lors des grands bouleversements cosmiques , où un univers s’anéantit et cède la place à un autre univers, Yggdrasil reste immobile, debout, invincible. Ni les flammes, ni les glaces, ni les ténèbres ne l’ébranlent. Il sert de refuge à ceux qui, ayant échappé aux désastres, repeupleront la terre. Il est le symbole de la pérennité de la vie, que rien ne peut détruire.

Dans les anciennes religions baltes, frêne se dit d’un homme étourdi ou niais : car il est considéré comme aveugle. Il ne sait pas quand vient le printemps et reste très longtemps dénudé. Puis, à l’automne, craignant de paraître à nouveau ridicule, il se débarrasse de toutes ses feuilles d’un seul coup, et le premier (Latvi esu Tautas paskas un telkas, Riga, 1925-1937).

Le frêne est censé mettre en fuite les serpents : il exerçait sur eux une sorte de pouvoir magique, de telle sorte que si un serpent avait à choisir entre passer par les branches d’un frêne ou par les flammes d’un foyer, il choisirait le chemin de ces dernières. Pline et Dioscoride signalent ces particularités, ajoutant qu’une tisane de feuilles de frêne mélangée au vin est d’une grande efficacité contre la puissance du venin (Lanoe-Villene G., Le livre des symboles, 6 vol., Bordeaux-Paris, 1926-1935, 6, 2eme partie, 146-147).

En grande Kabylie, comme dans l’Europe nordique, nous retrouvons le frêne comme symbole de fécondité. Le frêne taslent est l’arbre de la femme par excellence, elle doit l’escalader pour couper les feuilles nécessaires à la nourriture des bœufs et des vaches ; c’est au frêne que doivent être suspendues certaines amulettes, tout particulièrement celle qui font battre le cœur des hommes. Premier arbre de la création, il n’est cependant que le second pour son utilité, venant tout de suite après l’olivier. Mais ce frêne fourrager n’est pas rassurant en tout point ; il est menaçant comme tout ce qui comporte des pouvoirs magiques. Si un homme plante un frêne, il perdra un mâle de sa famille, ou sa femme mettra au monde que des enfants mort-nés ; tout ce qui est fécondité et vie est aussi, par compensation, un risque de prélèvement de vie et de fécondité (Servier J., Les portes de l’année, Paris, 1962, 252).

Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Bouquins, Robert Laffont/Jupiter, 2008.

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