La force de la coutume, Enquête, Hérodote

Ndlr : Au sujet des folies de Cambyse

En définitive, il me semble absolument évident que ce roi fut complètement fou ; sinon, il ne se serait pas permis de railler les choses que la piété ou la coutume commande de respecter. En effet, que l’on propose à tous les hommes de choisir, entre les coutumes qui existent, celles qui sont les plus belles et chacun désignera celles de son pays – tant chacun juge ses propres coutumes supérieures à toutes les autres. Il n’est donc pas normal, pour tout autre qu’un fou du moins, de tourner en dérision les choses de ce genre. – Tous les hommes sont convaincus de l’excellence de leurs coutumes, en voici une preuve entre bien d’autres ; au temps où Darius régnait, il fit un jour venir les Grecs qui se trouvaient dans son palais et leur demanda à quel prix ils consentiraient à manger, à sa mort, le corps de leur père : ils répondirent tous qu’il ne le feraient jamais, à aucun prix. Darius fit ensuite venir les Indiens qu’on appelle Callaties1, qui eux, mangent leurs parents ; devant les Grecs (qui suivaient l’entretien grâce à un interprète), il leur demanda à quel prix il se résoudraient à brûler sur un bûcher le corps de leur père : les Indiens poussèrent les hauts cris et le prièrent instamment de ne pas tenir de propos sacrilèges. Voila bien la force de la coutume, et Pindare a raison, à mon avis, de la nommer dans ses vers « la reine du monde » .

1:ou Callanties, peut-être identiques aux Padéens, mangeurs de viande crue. « Voici, dit-on leur coutume : quand l’un des leurs, homme ou femme, tombe malade, on le tue ; si c’est un homme, il es t achevé par des hommes, ses plus proches parents ou amis -car, disent-ils, la maladie le ferait aigrir et sa chair ne serait plus bonne. Le malade a beau nier son état, les autres refusent de l’écouter, le tuent, et s’en régalent. S’il s’agit d’une femme, ses meilleures amies agissent envers elle de la même façon. Ils ont coutume, en effet, de sacrifier et manger quiconque parvient à la vieillesse ; mais rares sont ceux qui arrivent jusque-là, car ils mettent à mort sans attendre davantage toute personne qui tombe malade. D’autres Indiens (des Yogis ou les ascètes du Jaïnisme ou du Bouddhisme.) ont des coutumes différentes : ils ne tuent aucun être animé, ne sèment pas, ignorent l’usage des maisons et se nourrissent d’herbes ; ils on tune graine de la grosseur du millet enfermées dans une cosse, et qui pousse sans culture (le riz), ils la recueillent, la font bouillir sans la décortiquer, et s’en nourrissent. Quand l’un d’eux tombe malade, il va se coucher à l’écart et personne ne s’occupe de lui, pas plus après sa mort que pendant sa maladie.

Pg 286-287

L’Enquête, Livre III, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.

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