L’importance des vœux s’imposa plus clairement que jamais à mon esprit. Je me rendis compte qu’un vœu, loin de fermer la porte à la vraie liberté, l’ouvrait. Jusqu’alors, si j’avais échoué, c’était par manque de volonté, par manque de confiance en moi-même, par manque de foi dans la Grâce divine – d’où les tribulations de ma pensée sur les flots bouillonnants du doute. Je me rendis compte qu’en refusant de se vouer, l’homme se laisse entraîner vers la tentation ; et que de se lier par un vœu, c’était comme de passer du libertinage à la monogamie du vrai mariage. « Je crois dans l’effort, je refuse de me lier par des vœux », – telle est la mentalité du faible, qui trahit le désir subtil de la chose à éviter. Sinon où gît la difficulté de la résolution définitive ? Je fais vœu de fuir le serpent qui, je le sais me mordra – je ne fais pas seulement un effort. Je sais que l’effort pur et simple peut signifier certitude de mort. L’effort pur et simple signifie l’ignorance du fait certain que le serpent me donnera forcément la mort. Le fait donc, de pouvoir se contenter quiètement du seul effort, signifie que je n’ai pas encore compris clairement la nécessité de l’acte décisif.
-Mais si je viens à changer de façon de voir, dans la suite?- comment puis-je me lier par un vœu ?
Tel est le genre de doute qui, souvent, nous fait reculer. C’est là encore, précisément, un doute qui trahit une perception insuffisamment claire de la nécessité de renoncer à telle ou telle chose. Voilà pourquoi Nishkoulânand1 dit dans son chant :
Le renoncement ne tient pas sans le détachement…..
Où le désir n’est plus, pousse comme fruit de nature, inévitablement, le vœu de renoncement.
1:poète Goujrâti du début du XIX eme, brahmane originaire du Katch, disciple de Sahajânand. On lui attribue 23 poèmes et 3000 pada ou stances détachées, traitant généralement du thème du Vairâgya « détachement du monde et des sens »
pg 258-259
Autobiographie ou mes expériences de vérité; Mohandas Karamchand Gandhi; puf; 2007
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