C’est précisément cette « simplicité » dans les relations humaines que l’organisme cuirassé ne parvient pas à comprendre. Or, tout ce qui est naturel et grand est aussi simple ! On sait que ce sont les lignes grandes et simples de l’expression du mouvement qui caractérisent les grands peintres, poètes, romanciers, savants. L’organisme cuirassé ignore la simplicité. Ses pulsions revêtent une forme si compliquée, leur trajectoire est si tortueuse et compliquée qu’il n’y a aucun organe pour l’expression du mouvement direct et simple. Le sens de la simplicité lui fait défaut. Son amour ne va pas sans haine et sans peur. L’organisme non-cuirassé aime simplement quand l’amour est de mise, hait quand il faut haïr, prend peur quand il a des raisons d’avoir peur. L’organisme cuirassé hait quand il devrait aimer, aime quand il devrait haïr, prend peur quand il devrait aimer ou haïr. La complication est l’expression vitale caractéristique de l’organisme cuirassé. L’organisme cuirassé s’empêtre en quelque sorte dans la broussaille des contradictions de son existence. Comme il aborde toutes les expériences personnelles avec sa structure caractérielle compliquée, ses expériences personnelles finissent par se compliquer. Il s’étonne des réalisations d’un organisme bien portant ou les attribue à un talent particulier auquel il n’a pas accès. Le « génie » est à ses yeux une sorte de « monstre » anormal parce qu’il ne comprend pas la grande simplicité de l’expression vitale du « génie ».
La sensation d’organe : instrument d’étude de la nature, pg 99-100
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