Narcisse; Chevalier et Gheerbrant; Dictionnaire des symboles

Narcisse

L’étymologie (narké) d’où vient narcose, aide à comprendre le rapport de cette fleur avec les cultes infernaux, avec les cérémonies d’initiation, selon le culte de Déméter à Éleusis. On plante des narcisses sur les tombeaux. Il symbolisent l’engourdissement de la mort, mais d’une mort qui n’est peut-être qu’un sommeil.

On offrait des guirlande de narcisses au Furies, censées engourdir les scélérats. La fleur pousse au printemps, dans des endroits humides : ce qui la rattache à la symbolique des eaux et des rythmes saisonniers et, en conséquence, de la fécondité : ce qui signifie son ambivalence mort-sommeil-renaissance.

En Asie, le narcisse est un symbole du bonheur et sert à exprimer les souhaits de nouvel an.

Dans la Bible, le narcisse, comme le lis, caractérise le printemps et l’ère eschatologique1 (Cantique, 2, 1).

Cette fleur rappelle aussi – mais à un degré inférieur de symbolisation – la chute de Narcisse dans les eaux où il se mire avec complaisance : de la vient qu’on en ait fait, dans les interprétations moralisantes, l’emblème de la vanité, de l’égocentrisme, de l’amour et de la satisfaction de soi-même.

Les philosophes (L. Lavelle, G. Bachelard), les poètes (Paul Valéry) ont longuement étudié ce mythe, interprété généralement de façon un peu simple. L’eau sert de miroir sur les profondeurs du moi : le reflet du moi qu’on y trahit une tendance à l’idéalisation. Devant l’eau qui réfléchit son image, Narcisse sent que sa beauté continue, qu’elle n’est pas achevée, qu’il faut l’achever. Les miroirs de verre, dans la vive lumière de la chambre, donnent une image trop stable. Ils deviendront vivants et naturels quand on pourra les comparer à une eau vivante et naturelle, quand l’imagination renaturalisée pourra recevoir la participation des spectacles de la source et de la rivière (Bachelard Gaston, L’eau et les rêves, essai sur l’imagination de la matière, Paris, 1942, pg 35)

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Cette idéalisation se lie à une espérance d’une telle fragilité qu’elle s’efface au plus léger souffle.

Le moindre soupir

que j’exhalerais

me viendrait ravir

ce que j’adorais

sur l’eau bleue et blonde

et cieux et forêt

et rose de l’onde

(Paul Valéry, Narcisse)

A partir de ces vers et de l’étude de Joachim Gasquet, G. Bachelard découvre également un narcisse cosmique : c’est la forêt, le ciel qi se mirent dans l’eau avec Narcisse. Il n’est plus seul, l’univers se reflète avec lui et l’enveloppe en retour, il s’anime de l’âme même de Narcisse. Et comme le dit J. Gasquet : le monde est un immense narcisse en train de se penser. Où serait-il mieux que dans ses images ? Demande G. Bachelard. Dans le cristal des fontaines, un geste trouble les images, un repos les restitue. Le monde est la conquête du calme (Bachelard Gaston, L’eau et les rêves, essai sur l’imagination de la matière, Paris, 1942, pg 36 et s.).

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Pour les poètes arabes, le narcisse symbolise, en raison de sa hampe droite, l’homme debout, le serviteur assidu, le dévot qui veut consacrer sa vie au service de Dieu. Le mythe grec reste ici étranger à l’interprétation, qui déroule en de nombreux poèmes toutes les métaphores évoquées par l’apparence gracieuse et le parfum pénétrant.

1:eschatologique : relatif à l’étude des fins dernières de l’homme et du monde (Le Grand Robert)

Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Bouquins, Robert Laffont/Jupiter, 2008.

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