Pierre (Partie 5)- Pierre de pluie
Les pierres de pluie personnifient l’esprit pétrifié des ancêtres (Leenhardt, Notes d’ethnologie néo-calédonienne, Paris, 1930, pg183) ; ce sont plutôt des symboles de l’habitat des ancêtres, ou de leur permanence indéfinie dans un lieu par leur force. La pierre fixe, pour ainsi dire, l’âme des ancêtres, l’apaise, le retient pour fertiliser le sol et attirer la pluie (pierres de pluie) ; elle est ainsi civilisatrice et en vient à présenter, avec les ancêtres, les héros et les dieux tutélaires. Des pierres et des rocher matérialisent une force spirituelle ; de là vient qu’elles soient aussi des objets de culte. De jeunes mariés les invoquent pour obtenir des enfants ; des femmes se frottent à elles pour être fécondées, peut-être par les ancêtres (pierres d’amour) ; des marchands les enduisent d’huile pour s’assurer la prospérité ; parfois, on les redoute comme gardiennes de la mort et on les implore pour la défense du foyer et du groupe.
Les pierres de pluie, également d’origine météorique, elles aussi, sont considérées comme les emblèmes de la fertilité. On leur fait des offrandes en cas de sécheresse ou au printemps pour assurer une bonne récolte. L’analyse serrée des innombrables pierres de pluie fait toujours ressortir l’existence d’une théorie expliquant la capacité qu’elles ont de commander les nuages ; il s’agit soit de leur forme, qui a une certaine sympathie avec les nuages et la foudre, soit de leur origine céleste (elle serait tombée du ciel), soit de leur appartenance aux ancêtres ; ou bien elles ont été trouvées dans l’eau ou leur forme rappelle celle des poissons, des grenouilles, des serpents ou n’importe quelle autre emblème aquatique. Jamais l’efficience de ces pierres ne réside en elle-même, elles participent à un principe ou incarnent un symbole…. Elles sont les signes d’une réalité spirituelle autre, ou les instruments d’une force sacrée, dont elles ne sont que les réceptacles (Eliade Mircea, Traité d’histoire des religions, Paris, 1949, nouvelle édition, 1964, pg 200).
Selon les chroniqueur Sahagun (SOUC, 228), les pierres de pluie appelée or de pluie par les anciens Mexicains étaient supposées protéger du tonnerre et guérir des chaleurs intérieures (fièvres). La plupart des villages bouriates possèdent une pierre du ciel, conservée dans une cassette accrochée au pilier, colonne céleste, qui est plantée au milieu du village. Au printemps, ces pierres sacrées sont rituellement aspergées et on leur fait des sacrifices pour faire venir la pluie et assurer la fertilité de l’été. Agapitov voit dans cette coutume une trace du culte phallique (Harva Uno, Les représentations religieuses des peuples altaïques, traduit de l’allemand par Jean-Jouis Perret, Paris, 1959, pg 110).
En Mongolie, on pense qu’on peut trouver, soit dans les montagnes, soit dans la tête d’un cerf, d’un oiseau aquatique ou d’un serpent, et parfois dans le ventre d’un bœuf, une pierre apportant le vent, la pluie, la neige et le gel (Harva Uno, Les représentations religieuses des peuples altaïques, traduit de l’allemand par Jean-Jouis Perret, Paris, 1959, pg 159). Des croissances similaires existent chez d’autres peuples d’origine altaïque, tels que les Yakoutes et les Tatars. En plein été, on en suspend à la crinière des chevaux pour protéger ceux-ci de la sécheresse ; pour amener la pluie, on les fait tremper dans un vase d’eau froide. La même croyance existait en Perse, ce qui explique que le mot désignant cette pierre chez les Tatars soit un mot d’origine Persane.
Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Bouquins, Robert Laffont/Jupiter, 2008.
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