Pierre (Partie 8)- Tas de Pierre; Chevalier et Gheerbrant; Dictionnaire des symboles

Pierre (Partie 8)- Tas de Pierre

Les pierres mises en tas revêtes aussi une valeur symbolique. Dans les cols des Andes péruviennes tout comme en Sibérie, la coutume veut que le voyageur ajoutent une pierre à des tas qui, avec le temps, prennent des dimensions pyramidales. Jean-Paul Roux voit dans cette tradition un exemple de l’âme collective : toutes accumulation d’objets modestes doués d’âmes renforce la potentialité de chacun d’eux et fini par créer une nouvelle âme extrêmement puissante. L’âme d’un caillou quelconque est faible. Mais elle s’ajoute à toutes les autres âmes d’innombrables cailloux et l’âme collective de l’amoncellement devient une grande force numineuse1. On constitue cette force en amassant des pierres en certains lieux choisis et, là encore, l’âme collective et sacrée de l’obo est inséparable de l’âme sacrée du sol sur lequel on l’a dressé (Roux Jean-Paul, Faune et Flore sacrée dans les sociétés Altaïques, Paris, 1966, pg 89).

Selon les traditions de l’Islam, au cours du Pèlerinage (Haji), on doit se rendre à Mina, et jeter des cailloux sur les bornes de Satan (Jimâr). L’usage de jeter des pierres sur un tombeau est très répandu. La lapidation est considérée comme un moyen de lutter contre la contagion mauvaise de la faute et de la mort. Ce rite magique s’est islamisé : on apporte en offrande symbolique une pierre à un marabout. On a coutume de jeter une pierre sur un tas de pierres pour chasser les revenants, l’âme du mort, les Djinns. Les malades (surtout les femmes) venant demander leur guérison à un marabout, frottent la partie malade avec une pierre. Ces pierres ne doivent pas être touchées, ensuite, car le mal s’y est transféré et peut-être redonné par contamination. Ces amoncellements de pierres peuvent avoir des significations différentes : tantôt, celle de simples signes indiquant une route, , un puits, une tombe, etc ; tantôt une sens commémoratif, rappelant un événement. On les élève sur le théâtre d’un meurtre, où bien au lieu où quelqu’un est mort d’une façon digne de pitié (on l’appelle menzeh). On élève aussi des menzeh sur les tombes dans les cimetières. On vient parfois prêter serment sur un tas de pierres. A l’endroit d’où l’on aperçoit les mausolées, surtout dans les lieux élevés et spécialement dans les cols de montagne, on trouve de petite pyramides de pierres. On en ajoute une ou deux pour l’honneur du saint, pour s’assurer un bon voyage. Certains tas représentent eux-mêmes symboliquement des tombeaux des saints.

Pour certains sociologues, il s’agit d’un sacrifice, d’une offrande aux dieux, aux génies, aux âmes des morts. Pour d’autres, comme E. Doutte, la pierre ajoutée au tas serait le symbole de l’union du croyant avec l’esprit ou le dieux du cairn ou tas sacré. Pour Frazer, le transfert du mal dans une pierre, ou bien dans un homme ou un animal, par l’intermédiaire d’une pierre, est une pratique magique commune à tous les primitifs du monde.

On se débarrasse des rêves de morts en racontant ces songes à la terre, sous une pierre qui recouvre ainsi le maléfice.

Les malédictions sont souvent incarnées dans des pierres : on jette sept pierre à quelqu’un ; ou l’on érige un tas de pierres de malédiction, qu’on disperse, en souhaitant que soient de même dispersées les choses qui rendaient heureuse la personne à qui l’on veut du mal (Westermarck E., Ritual and belief in Marocco, 2 vol., London, 1926, 2, pg 460).

1:numineuse : Adj. relatif au numineux; numineux : N.m. le sacré, conçu comme catégorie spécifique de l’expérience humaine, distincte aussi bien de la sphère éthique que de la sphère rationnelle.

Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Bouquins, Robert Laffont/Jupiter, 2008.

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