Poésie violente et guerrière teintée de tristesse sans fond; Le bouclier; Hésiode

(partie de description du bouclier d’Héraclès)

Au dessus,

des hommes se battaient

avec des armes de guerre.

Les uns voulaient

de leur ville et de leurs parents

éloigner le danger. Les autres

rêvaient de tout détruire.

Beaucoup était par terre ;

un plus grand nombre

continuait le combat. Les femmes

sur les solides remparts

de bronze poussaient des cris

aigus, se griffaient les joues,

pareilles à des vivantes :

travail du célèbre Héphaïstos.

Les hommes qui étaient vieux,

que l’âge avait saisis,

s’étaient réunis hors des portes.

Les bras levés,

ils suppliaient les dieux bienheureux,

car ils avaient peur

pour leurs enfants qui se battaient toujours.

Derrière eux

les tueuses noires

faisaient claquer leurs dents blanches,

affreuses, l’œil méchant,

sanglantes, repoussantes.

Elles se battaient autour des morts.

Elles avaient envie

toutes de boire le sang noir.

Celui qu’elles saisissaient,

déjà tombé à terre

ou blessé et s’écroulant,

elles jetaient sur lui leur grandes griffes,

et son âme descendait

vers l’Hadès, le Tartare où l’on gèle.

Enfin, repues de sang

humain, elles jetaient le mort

derrière le dos

et retournaient en toute hâte

dans le tumulte de la mêlée.

Clotho et Lachésis

étaient à leur tête. De taille moindre,

Atropos1 n’était pas

une déesse grande, mais pourtant

c’était les trois les plus respectée

et la plus âgée.

Toutes autour d’un homme,

elles se battaient férocement,

se lançant des regards terribles,

l’œil en furie.

Elles frappaient à coups de poing,

à coups de griffe.

Ténèbre-de-Mort était auprès d’elles,

lugubre et terrifiante,

verdâtre, flétrie,

ratatinée par la faim,

les genoux enflées,

au bout des doigts des ongles immenses.

De son nez coulaient des morves.

De ses joues le sang

dégouttait jusqu’à la terre.

Elle restait là, grimaçante.

Sur ses épaules

une épaisse couche de poussière

était mouillée de larmes.

1:Clotho, Lachésis et Atropos sont généralement appelées « Moires », en Grec Moïraï, ou, par recours à un mot latin, « Parques ». Le texte a l’air de les confondre parmi les Tueuses ou « Kères ».

La Tueuse: plus d’un traducteur calque le Grec et écrit: la Kère; d’autres préfèrent: la Destinée. La perception de ce que nous appelons « Destin » passe par l’image de la mort inattendue, notamment la mort dans un combat. « C’était son jour » dit-on en français

v 238 à 270

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