Retrouvailles et épilogue; Hymne 2, pour Déméter ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Elle se rongeait du désir

de voir sa fille au vaste giron.

C’est une année effroyable

sur la terre nourrice

qu’elle imposa aux humains, et cruelle.

Déméter la Couronnée

tenait la semence cachée.

Aucune pousse ne paraissait.

Plus d’une fois les vaches tirèrent

la charrue dans les champs. En vain.

Plus d’une fois l’orge blanc

tomba dans la terre en pure perte.

Elle allait disparaître tout à fait,

la race des hommes éphémères,

à cause de la faim sinistre

et ceux qui habitent sur l’Olympe

n’auraient plus reçu d’honneurs,

de cadeaux et de sacrifices,

si Zeus n’avait pas réfléchi,

et médité au fond de son cœur.

Il envoya d’abord Iris

qui a des ailes dorées

vers Déméter aux longs cheveux,

belle, désirable mille fois.

Il dit. Et elle à l’ordre

de Zeus Nuages-Noirs le Kronide

obéit et à toutes jambes

elle traversa tout l’intervalle.

Elle arriva à la ville

d’Éleusis aux bonnes senteurs,

elle trouva dans son temple

Déméter sous sa mante noire.

Elle lui parla. Elle dit

ces paroles qui ont des ailes :

« Déméter, Zeus le père

qui sait des secrets éternels

t’appelle : reviens dans la famille

des dieux qui vivent toujours.

Viens, que ne soit pas vaine

ma parole qui est de Zeus. »

Voici ce qu’elle dit, suppliante,

mais sans pouvoir la persuader.

La père alors dit aux dieux bienheureux,

à ceux qui vivent toujours,

d’aller la prier tous. Un par un,

chacun son tour ils y allaient,

ils l’appelaient, lui promettaient

des cadeaux magnifiques,

tous les honneurs qu’elle voudrait

auprès de ceux qui ne meurent pas.

Mais personne ne pouvait

fléchir son cœur et son esprit,

car elle était fâchée.

Elle refusait durement leurs offres.

Elle proclama que jamais

elle n’irait sur l’Olympe

aux bonnes senteurs, que jamais

elle ne ferait naître les fruits

tant qu’elle n’aurait pas vu

de ses yeux sa fille au doux regard.

Lorsque Zeus l’eut entendue,

lui qui gronde au loin, lui le Voyant,

il envoya vers l’Érèbe

l’Argeïphontès1 à la baguette d’or,

pour que par des douces paroles

il persuade Hadès

de laisser Perséphone la Pure

quitter la brûle et les ténèbres

et monter vers la lumière, vers les dieux,

pour que sa mère

puisse la voir de ses yeux

et fasse cesser sa colère.

Hermès obéit ;

dans les profondeurs de la terre

vite il descendit,

quittant la maison de l’Olympe.

Il trouva le Seigneur

à l’intérieur de sa maison,

assis sur un lit

avec son épouse timide

(elle était là à contrecœur ;

elle regrettait sa mère,

qui songeait à se venger

de ce que lui avaient fait les dieux).

Argeïphontès le fort

s’approcha tout près et leur dit :

« Hadès aux cheveux noirs,

seigneur de ceux qui ont péri,

Zeus le père m’a chargé

de mener la belle Perséphone

hors de l’Érèbe, vers les dieux,

pour que sa mère la voie

de ses yeux et fasse cesser

sa colère affreuse et sa fureur

contre ceux qui ne meurent pas.

Elle a le grand projet

d’anéantir les tribus chétives

des hommes nés de la terre,

en cachant sous terre le grain

en supprimant les honneurs

qui nourrissent ceux qui ne meurent pas.

Sa colère est affreuse.

Elle ne veut plus voir les dieux.

Dans son temple, parmi les senteurs,

elle s’enferme toute seule, et règne

sur Éleusis la rocheuse. »

Voila ce qu’il dit ; le seigneur des morts,

Aïdoneus, en souriant

leva le sourcil et obéit

à l’édit de Zeus le roi.

Sans attendre il donna ses ordres

à Perséphone la sage :

« Va, Perséphone, va la voir

ta mère aux voiles noirs.

Que ton cœur soit sage dans ta poitrine,

serein ton esprit.

Ne te laisse pas aller

à une tristesse trop grande.

Je ne suis pas un époux méprisable

parmi les immortels.

Je suis le frère de Zeus le père.

Si tu restes ici,

tu commanderas à tout ce qui vit,

à tout ce qui rampe.

Tu auras les plus grands honneurs

parmi les immortels.

Tu pourras punir tous les jours

ceux qui t’auront fait du tort,

qui n’auront pas cherché à obtenir

ta grâce en t’offrant

en toute pureté des sacrifices

et tout ce qu’il convient. »

Voila ce qu’il dit.

La sage Perséphone en fut heureuse,

et dans sa joie, elle bondit

brusquement, mais il

lui donna à manger

un doux pépins de grenade,

sans qu’elle y prenne garde.

Il voulait empêcher qu’elle reste

à jamais auprès de Déméter

la vénérable aux voiles noirs.

À son char d’or il attela

sous ses yeux des chevaux

qui ne mourront pas, lui,

Aïdoneus, Maître des Foules.

Elle monta sur le char,

la fort Argeïphontès

à coté d’elle prit

dans ses mains les rênes et le fouet.

Il traversa le palais ;

les chevaux galopaient de bon cœur.

En peu de temps, ils parcoururent

un long chemin. Ni la mer,

ni l’eau des fleuves, ni les montagnes

n’arrêtèrent la course

de ces chevaux libres de mort.

Car ils fendaient l’air profond

dans leur élan vers les hauteurs.

Il les fit d’arrêter à l’endroit

où Déméter la couronnée

attendait devant son temple

pleins de bonnes odeurs. En les voyant

elle sursauta comme une ménade2

dans les taillis de la montagne.

Perséphone de son côté,

quand elle vit les beaux yeux

de sa mère quitta le char,

oublia les chevaux,

sauta, courut l’embrasser,

se pendit à son cou.

Mais elle, dès qu’elle tint

sa chère enfant dans ses bras,

comprit soudain la ruse,

fut prise d’une grande peur

et cessant de l’embrasser

lui posa la question :

« Mon enfant, n’as-tu pas,

pendant que tu étais là-bas,

mangé quelque chose ? Parle,

ne cache rien, il faut que nous sachions

si tu peux revenir

du monde d’Hadès le sinistre,

vivre avec moi et ton père,

le Kronide Maître-des-Nuages.

Et te feraient honneur

tous ceux qui ne meurent pas.

Mais si tu as mangé, tu t’en retourneras

sous la terre.

Tu habiteras là

pendant l’une des trois saisons,

et les deux autres avec moi,

avec ceux qui ne meurent pas.

Lorsque s’épanouiront

sur la terre les fleurs du printemps

avec leurs parfums divers,

tu monteras de la nuit obscure

et tu seras merveille pour les dieux

et pour les hommes qui meurent.

Raconte-moi comment t’a emportée

dans la brume sombre,

par quelle ruse forte t’a trompée

le Maître du Large Accueil. »

Alors Perséphone la belle

lui répondit ces mots :

« je vais te dire, mère,

exactement tout ce qui s’est passé.

Quand est venu Hermès le bienfaiteur,

le messager rapide

de la part de Zeus le Père

et de tous les autres Ouraniens,

me disant de sortir de l’Érèbe

pour que tu me voies de tes yeux

et que cesse ta colère,

ta fureur contre les Immortels,

j’ai tout de suite bondi de joie.

Mais, sans que j’y prenne garde,

il m’a mis dans la bouche

un doux pépins de grenade

et m’a contrainte par la force

à l’avaler malgré moi.

Comment il m’a prise grâce au piège

inventé par le Kronide

mon père, au fond de la terre

comment il m’a emportée,

je te le dirai, je répondrai

à toutes tes questions.

Nous étions toutes

dans une délicieuse prairie,

Leukippè, Phaïno,

Ianthé et Électre,

Mélitè et Iakhè,

Rhodéïa et Kallirhoè,

Lèlobosis et Tykhè,

Okyrhoè, belle comme une fleur,

Chryséis et Ianeïra,

Akastè et Admètè

et Rhodopè et Ploutô

et Calypso la désirable,

et Styx, et Ouranie

et l’aimable Galaxaurè

Pallas qui provoque les batailles,

Artémis qui aime les flèches,

nous jouions à cueillir

de nos mains de douces fleurs,

le beau crocus mêlé

aux flambes d’eau, aux jacinthes,

et la rose en bouton,

et les lys, merveille des yeux,

et le narcisse qu’a fait naître

comme le crocus la terre large.

Et moi je l’ai cueilli,

pleine de joie ; mais le sol s’est ouvert ; le prince en est sorti,

le maître du Large Accueil,

le puissant ; il m’a emportée

sur son char d’or au fond de la terre.

Je ne voulais pas. J’ai crié

à pleine voix ; mon cri montait.

Voilà toute la vérité ;

il me fait deuil de te la dire. »

Elles passèrent alors tout le jour,

leurs cœurs à l’unisson,

à se réconforter l’une l’autre,

à se réjouir ;

elles s’embrassaient sans cesse,

et leur chagrin s’effaçait ;

chacune recevait

et donnait à son tour de la joie.

Voici que s’approcha d’elles

Hécate (son diadème brille).

Elle embrassa longuement

la fille de Déméter la sainte.

Et c’est pourquoi la princesse

marche devant elle et derrière.

Zeus le Voyant qui gronde fort

leur envoya comme messagère

Rhéïa aux longs cheveux

pour faire revenir chez les dieux

Déméter aux voiles noires ;

Il promit de lui donner

tous les honneurs qu’elle souhaiterait

parmi ceux des Immortels.

Il accepta que sa fille,

de chaque année qui tourne

passe la troisième partie

dans la brume obscure,

et les deux autres près de sa mère

et les dieux qui ne meurent pas.

Voilà ce qu’il dit. À cet ordre

la déesse ne fut pas rebelle.

Elle s’élança soudain

depuis les sommets de l’Olympe,

alla jusqu’à Rharos, où étaient

autrefois les seins nourrissants

de la terre, mais depuis

ils ne nourrissaient plus.

Ils étaient stériles, sans verdure ;

cachant l’orge blanc

selon l’idée de Déméter

aux fines chevilles. Mais bientôt

la terre aurait une chevelure

de longs épis ;

le printemps s’épanouirait,

les riches sillons

dans la plaine seraient lourds

d’épis, à lier en gerbes.

C’est là qu’elle alla tout d’abord,

venue de l’éther infertile.

Elles eurent plaisir à se voir ;

leurs cœurs étaient en joie.

Voici ce que lui dit alors

Rhéïa (son diadème brille) :

« Viens ici, mon enfant ;

Zeus le voyant qui gronde fort

veut que tu reviennes chez les dieux ;

il promet de te donner

tous les honneurs que tu souhaiteras

parmi ceux des immortels.

Il accepte que ta fille

de chaque année qui tourne,

passe la troisième partie

dans la brume obscure,

et les deux autres près de toi

et des dieux qui ne meurent pas.

Il dit qu’il en serait ainsi ;

il a fait signe de la tête.

Allons, va, mon enfant,

obéis, cesse d’être en colère

si violemment contre le Kronide

Maître des Nuages Noirs.

Fais pousser tout de suite

le grain qui nourrit les hommes. »

Voilà ce qu’elle dit. Déméter

la couronnée obéit.

Elle fit pousser tout de suite

le grain dans les champs fertiles.

Toute la terre large s’alourdit

de feuilles et de fleurs.

Elle, aux rois qui rendent la justice

elle alla montrer

à Triptolémos, à Dioklès

l’habile cavalier,

à Eumolpos le fort, à Kéléïos

qui guide les peuples,

le déroulement des cérémonies ;

elle révéla les rites

(à Triptolémos et à Polyxénos, à Dioklès aussi).

Rites graves, on ne peut

ni les négliger, ni s’en enquérir,

ni en parler ; la piété pour les Déesses

retient la voix.

Heureux parmi les hommes de la terre

celui qui les a vus.

Celui qui n’a rien fait,

qui n’a pas pris part à rien, son sort

est différent, quand il est mort,

dans les ténèbres mouillées.

Puis quand elle eut tout mis en ordre,

la déesse des déesses,

elle s’en alla vers l’Olympe

à l’assemblée des dieux.

C’est là qu’elles habitent toutes

près de Zeus Joie-de-le-Foudre

les grandes, les Vénérables.

Bienheureux parmi les hommes

qui sont sur terre celui

qu’elles ont choisi d’aimer.

Soudain elles lui envoient

comme un hôte dans sa maison

Ploutos qui donne l’abondance

aux hommes qui mourront.

Et maintenant, maîtresse du pays,

d’Éleusis aux bonnes senteurs,

de Paros entourée par les vagues,

d’Antrôn la rocheuse,

souveraine, maîtresse des saisons,

douce bienfaitrice,

Princesse Déo, avec ta fille,

la belle Perséphone,,

prends soin de nourrir en joie ma vie

en récompense de mon chant.

Pour moi j’ai de toi souvenir,

mais d’autre chant aussi.

1: Hermès

2:voir articles sur les ménades ou les Bacchantes.

v.304-495

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