Si tu dis vrai, dit-il alors, je ne perd rien lorsque je perd la vie; Friedrich Wilhelm Nietzsche; Ainsi parlait Zarathoustra

Mais lors advint une chose qui rendit muette toute bouche, et tout œil immobile. Car cependant le funambule s’était mis à l’ouvrage : sorti d’une petite porte, il avançait sur la corde qui était entre deux tours tendue en sorte que sur la place publique et sur le peuple elle pendait. Lorsqu’il était tout juste à moitié de son chemin, de nouveau s’ouvrit la petite porte et un gaillard tout bariolé, pareil à un pantin, surgit de là et d’un pas rapide, suivit l’autre. « En avant estropié ! criait sa voix terrible, en avant le cagneux, le cafard, face de carême ! Que de mon talon je ne te chatouille ! Que fais-tu donc ici entre les tours ? C’est à la tour que tu appartiens, on devrait t’enfermer ; car à celui qui mieux vaut que toi tu ne laisse le chemin libre ! ». Et à chaque mot venait plus près et plus près ; mais lorsqu’il ne fut qu’à un pas de lui, lors advint cette effrayante chose qui rendit muette toute bouche et tout œil immobile :-comme un diable il hurla et bondit sur celui qui était sur son chemin. Or ce dernier, lorsqu’il vit triompher son rival, perdit alors et tête et corde, jeta son balancier et et plus vite que lui comme un tourbillon de bras et de jambes, chut dans le vide….Après un moment le disloqué repris conscience et vit Zarathoustra près de lui à genoux : »Que fais-tu là, dit-il enfin, depuis longtemps j’ai su que le diable me ferait un croche-pied. A présent, il me traîne en enfer, veux-tu l’en empêcher ? ». « Ami su mon honneur, répondit Zarathoustra, n’existe rien de ce dont tu parles ; il n’est ni diable, ni enfer. Plus vite même que ton corps va ton âme mourir ; pour lors ne crains plus rien ! ». L’homme regardait avec méfiance : « Si tu dis vrai, dit-il alors, je ne perd rien lorsque je perd la vie. Je ne suis guère plus qu’une bête que par des coups et de maigres rations à danser l’on dressa ! ». »Non certes, dit Zarathoustra, de péril te fis métier ; il n’est rien là de méprisable. En faisant ton métier à présent tu péris ; ainsi de mes propres mains je te veux inhumer ».

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