Une question revient de manière lancinante:notre propre société prospère est-elle menacée du même sort ultime , en sorte qu’un jour des touristes médusés admireront les débris rouillés des gratte-ciel New-Yorkais comme aujourd’hui nous contemplons les ruines des cités mayas englouties par la jungle ?
On a longtemps soupçonné que nombre de ces abandons mystérieux avaient été causés par des problèmes écologiques : les habitants avaient détruit, sans le savoir, les ressources naturelles dont dépendait leur société. Cette hypothèse de suicide écologique – écocide- a été confirmée par des découvertes réalisées au cours des dernières décennies par des archéologues, des climatologues, des historiens, des paléontologues et des palynologues (scientifiques analysant les pollens). Les processus par lesquels les sociétés anciennes ont causé leur propre perte en endommageant leur environnement sont au nombre de huit, dont l’importance relative varie selon les cas : la déforestation et la restructuration de l’habitat ; les problèmes liés au sol (érosion, salinisation, perte de fertilité) ; la gestion de l’eau ; la chasse excessive ; la pêche excessive ; les conséquences de l’introduction d’espèces halogènes parmi les espèces autochtones ; la croissance démographique et l’augmentation de l’impact humain par habitant.
Ces effondrements survenus dans le passé sont le résultat d’une évolution qui est quasiment la même pour toutes et qui n’est que variations sur le même thème. La croissance démographique obligea les populations à adopter des modes de production agricole intensive (comme l’irrigation, la double culture ou la mise en terrasses) et à étendre les zones d’exploitation agricoles au-delà des terres initialement sélectionnées vers des terres plus marginales parce qu’il fallait nourrir un nombre croissant d’individus. Des pratiques qui ne pouvaient être durables entraînèrent un, ou plus, des huit types de dommages environnementaux, ce qui eut pour effet l’obligation d’abandonner à nouveau des terres agricoles marginales. Les conséquences furent importantes : pénuries alimentaires, famines, guerres éclatant entre des individus trop nombreux se battant pour des ressources insuffisantes et renversement des élites dirigeantes par les masses désillusionnées. Finalement, la population décrut en raison des famines, de guerres ou de maladies et la société perdit la puissance politique, économique et culturelle qu’elle avait atteint à son apogée.
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Effondrement ; comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ; Jared Diamond ; collection Folio essais ; Gallimard ; 2006
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