Facteurs favorisant la déforestation sur les îles du Pacifique et analyse de ces facteurs à l'île de Pâques; Effondrement ; Jared Diamond

Quels sont les facteurs favorisant la déforestation sur les îles du Pacifique ?

La déforestation est plus grave :

-sur les îles au climat sec que sur les îles au climat humide ;

-sur les îles au climat froid et situées à une latitude élevée que sur les îles au climat doux situées à une latitude équatoriale ;

-sur les îles où les cendres ne peuvent être dispersées dans l’air que sur les îles où cela est possible1 ;

-sur les îles qui se trouvent loin du panache de poussière d’Asie centrale que sur les îles qui en sont proches ;

-sur les îles dépourvues de makatea2 que sur les îles qui en sont faites ;

-sur les îles de faible altitude que sur les îles de hautes altitude3 ;

-sur les îles lointaines que sur les îles ayant des voisins proches ;

-sur les petites îles que sur les grandes îles4.

Comment les îles de Pâques se situe-t-elle par rapport à ces neufs variables prédisposant à la déforestation ? Elle est la troisième île pour ce qui est de la latitude la plus élevée, sa pluviosité est parmi les plus basses, elle est l’île qui bénéficie les moins des retombées volcaniques, ainsi que des retombées de poussières en provenance d’Asie ; on n’y trouve pas de makatea, et sa distance avec les autres îles est , par ordre décroissant, la deuxième. Elle est parmi les îles les plus petites et ayant la plus faible altitude parmi les quatre-vingt-une îles que nous avons étudiées, Barry Rolett et moi-même. Ces huit variables prédisposent toutes l’île de Pâques à la déforestation. Ses volcans ont un âge moyen (probablement de deux cent mille à six cent mille ans) ; la péninsule de Poike, qui est son plus ancien volcan, fut la première zone de l’île à être déboisée et aujourd’hui c’est à cet endroit que le sol est le plus érodé. En combinant l’effet de toutes ces variables, le modèle statistique que Barry et moi-même avons établi prévoyait que l’île de Pâques, Nihoa et Necker devaient être les îles les plus déboisées de toutes les îles du Pacifique. Ce qui recoupait la réalité historique : pour finir Nihoa et Necker n’ont aucun habitant et n’offrent plus qu’une seule espèce d’arbre (le palmier de Nihoa), tandis que sur l’île de Pâques il ne reste plus aucune espèce d’arbre et la population a disparu à 90 %.

Pour résumer, le degré inhabituellement élevé de déforestation sur l’île de Pâques ne saurait s’expliquer que des gens apparemment estimables seraient, en réalité inhabituellement mauvais ou imprévoyants. À dire le vrai, de tous les peuples du Pacifique, les Pascuans eurent le malheur de vivre dans l’un des environnements les plus fragiles et présentant le risque le plus élevé de déforestation. Pour cette île de Pâques, plus que pour toute autre société étudiée dans cet ouvrage, nous sommes en mesure de préciser tous les facteurs qui contribuèrent à la fragilité de l’environnement.

1 : afin de garder une fertilité constante même un sol riche d’origine volcanique doit être enrichi en raison du lessivage des nutriments. En fonction de la localisation de l’île par rapport à une ligne géologique appelée ligne d’andésite, les moyens d’approvisionnement en nutriments sont différents :

-Du coté sud-ouest de cette ligne (asiatique) les volcans rejettent des cendres qui peuvent être emportées par les vents sur des centaines de kilomètres, ces cendres conservent la fertilité des îles comportant ou non un volcan.

-Dans la partie centrale et orientale du pacifique, de l’autre coté de cette ligne, l’essentiel de l’apport en nutriments est assuré par des vents de hautes altitudes en provenance de l’Asie centrale (le panache de poussière d’Asie). Dans cette deuxième zone l’importance de se trouver dans ce panache est donc essentiel au réapprovisionnement des nutriments.

2 : roche provenant du soulèvement géologique d’une barrière de corail, ce nom vient de l’île de Makatea, dans l’archipel des Tuamotu, qui est principalement constituée de cette roche. C’est une roche profondément fissurée et très coupante, tellement coupante qu’elle peut en quelque jours de marche venir à bout de chaussure de marche moderne. Cette difficulté provoqua une moindre déforestation de ces îles en raison des difficultés de déplacement.

3 : les îles d’altitude élevée furent tendanciellement moins déboisées (même dans leur basses terres) que les îles de plus faible altitude. Les montagnes génèrent en effet pluviosité et nébulosité qui redescendent vers les basses terres en cours d’eau transportant les nutriments érodés et la poussière atmosphérique propice à la croissance des végétaux. Les montagnes escarpées sont moins déboisées en raison des difficultés d’accès, d’abattage et de transport.

4 : pour de nombreuses raisons parmi lesquelles :

  • un plus faible rapport périmètre surface, d’où de moindres ressources maritimes par personne ;

  • de plus faibles densités de population ;

  • un plus grand nombre de siècle pour venir à bout de la forêt ;

  • le maintien d’une plus grande surface impropre aux cultures.

Pg178-182

Effondrement ; comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ; Jared Diamond ; collection Folio essais ; Gallimard ; 2006

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