Aphorisme simpliste 2 : « Il n'y a pas de problème alimentaire, la nourriture est en quantité suffisante » ; Effondrement; Jared Diamond

« Il n’y a pas vraiment de problème alimentaire mondial, la nourriture est en quantité suffisante et il suffit de résoudre le problème de transport que pose la distribution depuis ces régions de production vers celles frappées de pénurie. » (Idem pour l’énergie.) Ou encore : « Le problème alimentaire mondial a déjà été résolu par la Révolution verte, grâce à des variétés extrêmement productives de riz et autres cultures ; ou bien il le sera grâce aux OGM. » Cet argument dit deux choses : les citoyens du Premier Monde ont en moyenne une consommation alimentaire par habitant plus importante que ceux du Tiers-Monde ; certains pays du Premier monde, comme les États-Unis, produisent ou peuvent produire plus que ne consomment leurs habitants. Si la consommation alimentaire pouvait être égalisée dans le monde ou si les surplus alimentaires du Premier Monde pouvaient être exportés vers le Tiers-Monde, cela y atténuerait-il la famine de ce dernier ? Le premier défaut évident de cet argument est que les citoyens du Premier Monde ne marquent guère d’intérêts à réduire leur alimentation, afin que ceux du Tiers-Monde puissent avoir davantage. Le deuxième est que, si les Pays du Premier Monde veulent bien parfois exporter de la nourriture pour atténuer la famine occasionnée par certaines crises (liées à des inondations ou à une guerre) dans certains pays du Tiers-Monde, les citoyens du Premier Monde n’ont guère montré d’intérêt à payer de façon régulière (par le biais des impôts qui finance l’aide internationale et les subventions agricoles) pour nourrir chroniquement les citoyens du Tiers-Monde. Si cela se faisait, mais sans programmes efficaces de planning familial à l’étranger, auxquels le gouvernement américain s’oppose actuellement par principe, le résultat serait un dilemme malthusien : une augmentation de la population proportionnelle à celle de la nourriture disponible. La croissance démographique et le dilemme malthusien expliquent aussi pourquoi, après des décennies d’espoirs et de fonds investis dans la Révolution verte et les variétés de culture à haut rendement, la famine est toujours rependue dans le monde. Toutes ces considérations impliquent que les OGM ont par eux-mêmes peu de chances de résoudre les problèmes alimentaires mondiaux (si la population mondiale reste stationnaire). En outre, presque toute la production d’OGM actuelle concerne quatre cultures (le soja, le maïs, le colza et le coton) qui ne sont pas directement consommées par les humains, mais servent de nourriture pour les animaux, pour fabriquer de l’huile ou des vêtements, et poussent dans six pays ou régions de la zone tempérée. Cela s’explique tant par les résistances des consommateurs à consommer des aliments génétiquement modifiés que par le fait cruel que les entreprises qui développent ces cultures tirent leur profit de la vente de leurs semences aux agriculteurs des pays riches et tempérés, mais pas aux agriculteurs pauvres des pays en voie de développement. Les entreprises n’ont donc pas intérêt à beaucoup investir pour développer au profit des agriculteurs du Tiers-Monde le milet ou le sorgho génétiquement modifiés. Pg768-770 Effondrement ; comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie ; Jared Diamond ; collection Folio essais ; Gallimard ; 2006]]>

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