Comment autant de sociétés ont-elles pu commettre d’aussi funestes erreurs ? La question renvoie à un phénomène déconcertant : à savoir, des échecs dans la prise de décision en groupe de la part de sociétés tout entières ou d’autres groupes. Un problème lié assurément à celui des échecs intervenant dans la prise de décision individuelle, mais qui ne s’y résume pas. Des facteurs supplémentaires entrent en ligne de compte dans les échecs de la prise de décision en groupe :
- L’anticipation : les groupes peuvent causer des catastrophes parce qu’il ne parviennent pas à anticiper un problème avant qu’il ne survienne, et ce pour plusieurs raisons.
- L’une est qu’ils peuvent ne pas avoir d’expérience antérieure de problèmes similaires et ne sont donc pas sensibilisés à la possibilité qu’ils adviennent (exemple : introduction du lapin et du renard par les colons britanniques en Australie avec les impacts désastreux subséquents).
- Une expérience antérieure ne garantit pas nécessairement qu’une société anticipera un problème pour peu que cette expérience ait été faite longtemps auparavant et qu’elle soit oubliée. C’est en particulier un problème pour les sociétés sans écriture, qui ont moins que les sociétés avec écriture la capacité à conserver les annales d’événements lointains : la transmission orale des informations est plus limitée que la transmission écrite.
- Bien que les Mayas disposassent d’une écriture, celle-ci rapportait les hauts faits des rois et des événements astronomiques plutôt que la météorologie de sorte que la sécheresse du IIIeme siècle n’a été d’aucune aide pour anticiper celle du IXeme siècle. Dans les sociétés modernes et contemporaines dont les écrits abordent d’autres questions que celles des rois et des planètes, cela n’implique pas nécessairement que les sociétés s’appuient sur leur expérience du passé. Elles ont une tendance à l’oubli.
- Une autre raison expliquant l’échec d’une société à anticiper un problème tient au raisonnement par mauvaise analogie. Le raisonnement par analogie est pertinent si les situations ancienne et nouvelle sont vraiment de même type. Mais les similitudes peuvent n’être que de surface. (Les vikings en arrivant en Islande pratiquèrent le même style d’agriculture sur des sols apparemment semblable à ceux de leur pays d’origine, la Norvège. Mais l’origine glacière des sols Norvégiens et éolienne des sols Islandais leur confère une fragilité à l’érosion toute différente, ce qui entraîna une érosion massive des sols en Islande).