Cérémonie de renaissance à l'age adulte; Frazer; Le Rameau d'or.

Chez les Akikuyus de l’Afrique-Orientale britannique, tous les membres de la tribu, hommes et femmes, doivent passer par le simulacre d’une seconde naissance. L’âge auquel s’accomplit la cérémonie varie avec les facilités du père à se procurer la chèvre ou la brebis indispensable à la bonne exécution du rite ; mais il semble que la seconde naissance ait généralement lieu quand l’enfant a dix ans au moins. Si la mère ou le père est mort, un homme ou une femme en tient lieu pour la circonstance, et en pareil cas l’enfant regarde désormais la femme comme sa propre mère. On tue une chèvre ou une brebis l’après-midi, et on met à part l’estomac et les intestins. La cérémonie a lieu le soir dans une huttes ; les femmes seules on le droit d’y assister. On fait passer un morceau rond de peau de chèvre ou de peau de mouton par-dessus l’une des épaules et par-dessous l’autre bras de l’enfant qui doit renaître ; de même l’estomac de l’animal est placé au-dessus de l’autre épaule de l’enfant et sous son autre bras. La mère, ou la femme qui en tient lieu, s’assied sur une peau sur le sol, tenant l’enfant entre ses genoux. On lui passe les boyaux de la brebis ou de la chèvre autour du corps et on ramène l’extrémité face à l’enfant. Elle pousse des cris comme si elle accouchait ; une autre femme coupe le boyau comme s’il s’agissait du cordon ombilical et l’enfant imite les vagissement du nouveau-né. Tant qu’un garçon n’est pas passé par le simulacre de la seconde naissance, il ne peut ni assister aux préparatifs des funérailles de son père, ni aider à le transporter dans le désert pour y mourir. Autrefois la cérémonie de la seconde naissance coïncidait avec la cérémonie de la circoncision ; aujourd’hui elles sont distinctes. On peut supposer qu’à l’origine ce curieux simulacre de seconde naissance faisait régulièrement partie des rites d’initiation auxquels devaient se soumettre tout garçon ou toute fille kikuyn avant d’être reconnu comme membre adulte de la tribu ; en effet, dans bien des parties du monde, un simulacre de mort ou de résurrection était joué en semblables circonstances par les candidats ainsi qu’à l’admission dans certaines sociétés secrètes. Le but de ce simulacre de mort ou de résurrection n’est pas clair ; on peut supposer qu’il a pour but, d’après les principes de la magie homéopathique ou imitative, de communiquer au candidat la puissance d’un fantôme ou de le mettre à même de revenir une seconde fois au monde quand il sera mort pour de bon. pg 55-56 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Rite de renaissance en guise de cérémonie de retour pour un disparu considéré comme mort; Frazer; Le Rameau d'or.

Dans la Grèce antique, un individu qui était faussement passé pour mort, et pour lequel, en son absence, les rites funéraires avaient été pratiqués, était considéré comme mort par la société, jusqu’à ce qu’il eût accompli le rite qui lui permettait de renaître… On le faisait passer par les genoux d’une femme, on le lavait, on l’emmaillotait, on l’allaitait. Ce n’est qu’après s’être minutieusement acquitté de ce cérémonial qu’il lui était loisible de frayer à nouveau avec les vivants. Dans l’Inde ancienne, et dans des conditions similaires, le mort supposé devait passer la nuit qui suivait son retour dans un tonneau plein d’eau et de graisse ; il devait s’y tenir coi, les poings fermés, tel un enfant dans le sein de sa mère, tandis qu’on célébrait, à son bénéfice, tous les sacrements en usage pour une femme enceinte. Le lendemain matin, il sortait de la cuve et avait à subir à nouveau tous les sacrements dont il avait été muni dès sa tendre enfance ; en particulier, il était tenu de prendre femme, ou de se remarier solennellement avec son ancienne épouse. Pg55 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.  ]]>

Simulacre de naissance en guise de cérémonie d’adoption; Frazer; Le Rameau d'or.

Ce principe d’imitation, si cher aux enfants, a conduit certains peuples à faire d’un accouchement simulé une cérémonie d’adoption ; un tel simulacre servira aussi à faire ressusciter un faux mort. Si l’on feint de mettre au monde un garçon, voire un gros bonhomme barbu n’ayant pas une seule goutte de votre sang dans les veines, il est évident, suivant la philosophie et la loi primitives, que ce garçon ou ce gros bonhomme est bien véritablement votre fils à tous les égards. A ce propos Diodore nous raconte que Zeus, ayant décidé Héra, sa compagne jalouse, à adopter Hercule, la Déesse s’alité, pressa sur son sein le héros corpulent, le fit passer sous ses jupes, puis choir à terre mimant ainsi un réel accouchement ; l’historien ajoute que, de son vivant, les barbares en usaient ainsi, quand il s’agissait d’adopter un enfant. On raconte que de nos jours les choses se passent encore de même en Bulgarie et parmi les Turcs de Bosnie. Quand une femme désire prendre un fils adoptif, elle le fait passer sous ses jupes ; désormais il est considéré comme son propre fils et l’héritier de la propriété entière de ses parents adoptifs. Pg54 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Pierres et figurines afin d’appeler la fécondité; Frazer; Le Rameau d'or.

C’est dans le but d’avoir des enfants que les Indiennes du Pérou maillotaient des pierres comme des enfants et les déposaient au pied d’une grosse pierre qu’elles révéraient dans cette intention. Chez les Maktisses, tribu cafre du sud de l’Afrique, un voyageur vit une femme qui soignait matériellement une poupée faite d’une gourde, ornée de collier de verre et lourdement chargée de minerai de fer. Il apprit, après enquête, que c’était l’homme-médecin qui lui avait conseillé d’agir ainsi pour avoir un enfant. Chez les Bassoutos, les femmes sans enfant confectionnent de grossières figurines d’argile et leur donnent le nom de quelque divinité tutélaire. Elles traitent ces poupées comme de véritables enfants et supplient la divinité à laquelle elles les ont dédiées de leur accorder la faculté de concevoir. Pg52-53 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Artémis La Chaste; Frazer; Le Rameau d'or.

En tant que Moderne, nous nous représentons volontiers Artémis/Diane comme le type accompli de la déesse pudibonde qui a un penchant pour la chasse. Aucune idée ne peut-être plus éloignée de la vérité. Pour les anciens, au contraire, elle était la personnification de la vie sauvage de la nature, -vie des plantes, des animaux et des hommes – dans toute l’exubérance et la profusion de sa fertilité. ….. « Sa fureur se manifestait par des destructions : dépérissement de la végétation, incursions des bêtes sauvages dans ses champs ou ses vergers, tout comme dans la fin dernière et mystérieuse de la vie que l’on nomme mort. Et cette divinité n’était pas , à la manière de la terre conçue comme déesse, une personnification vide : car de telles abstractions sont ignorées des religions primitives ; c’était une force universelle de la nature, l’objet partout d’une même foi, bien que son appellation différât avec l’endroit où elle était supposée habiter ; tantôt on insistait sur son aspect aimable, et tantôt sur son caractère farouche ; tantôt sur tel autre côté de son énergie qu’on révérait spécialement. Et comme les Grecs, dans la nature animée, divisaient tout en mâles et femelles, ils ne pouvaient pas imaginer cette puissance féminine de la nature sans sa contrepartie masculine. C’est pourquoi dans bon nombre de cultes les plus anciens, on trouve Artémis associée à un dieu de la nature de caractère analogue, à qui la tradition existante assignait des noms différents selon les endroits. En Laconie, par exemple, elle avait pour compagnon le vieux dieu péloponésien Karneïos ; en Arcadie, c’était souvent Poséïdon ; ailleurs, c’était Zeus, Apollon, Dionysos, etc,… »1. La vérité est que le mot parthénos, qu’on applique à Artémis et qu’on traduit généralement par vierge, désigne simplement une femme non marièe2, et dans les temps anciens les deux choses n’étaient nullement les mêmes. A mesure que les moeurs s’épurent chez eux, les hommes imposent à leur dieux, un code plus stricte de moralité ; on passe sans appuyer sur le cruauté, la fausseté et la luxure de ces divines créatures, ou même on les considère uniquement comme des blasphèmes, et on confie à ces vieux coquins la garde de loi qu’ils transgressaient auparavant. En ce qui concerne Artémis, même le mot ambigu parthenos semble avoir été simplement une épithète populaire, non un titre officiel. Comme le Dr. Farnell l’a parfaitement souligné, il n’y avait pas de culte publique d’Artémis la Chaste ; et pour autant que ses titres sacrés se rapportent aux relations des sexes, ils démontrent au contraire, qu’elle s’intéressait, comme Diane en Italie, à la perte de virginité et à la grossesse, et que non seulement elle aidait les femmes à concevoir et à enfanter, mais qu’elle les y encourageait ; et même, s’il faut en croire Euripide, elle n’adressait même pas la parole aux femmes sans enfants. De plus, fait significatif, tandis que ses titres et les allusions à ses fonctions la désigne clairement comme la patronne de la naissance, aucun ne la reconnaît distinctement comme la divinité du mariage3. Toutefois rien ne met le véritable caractère d’Artémis comme déesse de la fécondité, mais pas du mariage, mieux en lumière que son identification constante avec les déesses asiatiques de l’amour et de la fertilité, célibataires mais non chastes, qu’on adorait à leur sanctuaires populaires selon des rites notoirement licencieux4. Pg 32-33 1:Porphyre, Vitta Pythagorae, 16. ii, 1939, de Pauly-Wissowa, l’auteur apporte à cette déclaration une abaondance de détails et de preuves auxquels je ne puis que renvoyer le lecteur. 2:Ceci est prouvé par le termePartheniai appliqué à Sparte aux hommes nés des parthenoi (femmes non marièes) pendant l’absence des hommes mariés dans la guerre de Méssénie. Voir Euphorus, cité par Strabon, VI, 3, 3, pg 279. Que cette explication soit correcte ou non au point de vue historique (d’autres explications ont été données, voir W.-L. Newman, sur Aristoe, Politics, VII (v), 7, p.1306, elle prouve que dans le grec de la meilleure période parthenos ne dénotait pas chasteté. Quant au culte des déesses non mariées en Asie occidentale, Sir W.-M. Ramsey observe : « De fait, il est probable, bien que nos connaissances ne nous permettent pas de le prouver, que le terme parthenos emploé dans le système d’Anatolie devrait être traduit simplement par « non marié » et devrait être considéré comme une preuve de l’existence religieuse du système social pré-grec. La déesse Parthénos était aussi la mère ; et quelque soit la modification apporté par le sentiment grec aux Parthenoi qui formait une partie de sa suite, il est probable, qu’à l’origine, ce terme indiquait seulement que le mariage ne les excluait pas de la vie divine. » (Cities ans Bisphories of Phrygia, I, pg 96) De même dans un passage célèbre d’Isaïe (VII, 14), le mot hébreux traduit par vierge dans la version anglaise, ne signifie rien de plus que « jeune femme ». Une traduction exacte aurait évité la nécessité du miracle que tant de génération de dévots lecteurs ignorants ont découvert dans le texte. Car tandis qu’il serait incontestablement miraculeux qu’une vierge conçoive et enfante un fils, il n’y a rien du tout de miraculeux ou même d’extraordinaire à ce qu’une jeune femme en ait un. 3:L.-R. Farnell, The Cults of the Greek States, ii, 444. Toute la manière dont le Dr.Farnell traite ce sujet est excellente (p 442-449). Il admet, sans conviction, que les épithètes peitho, Hegemone et Eukleia puissent peut-être se rapporter au mariage. Mais il est évident que « persuasion », « guide » et « bonne renomée » ne comportent en elles-mêmes aucune allusion au mariage. Le passage d’Euripide auquel il est fait allusion dans le texte est Supplice, 958 4:Ainsi elle était identifiée à Anaitis (Plutarque, Artoxerxes, 27 ; Dittenberger, Sylloge Inscr. Graec, N°775), et avec Nana (Corpus Inscriptum Atticarum, III, 11 et Josèphe, Antiquit. Ind., XII, 9). Cette Nanaea était parfois identifiée à Aphrodite au lieu d’Artémis (Appien, Syriace, 66). Elle semble avoir été l’ancienne déesse de Babylone Nana, Nanai ou Nanaia, qui n’était autre que Ishtar (Astarté) d’Erech. Voir H. Zimmern, dans Schrader, Die Keilingschriften und das Alte Testament, p.422 ; W.-H. Roscher, Lexicon der Griech, und röm. Mythologie, III, 4sq., S.V. »Nanã ». Pour ce qui est de l’identification d’Artémis avec une autre déesse-Mère sémitique, voir W. Robertson Smith, Kinship and mariage in early Arabia (Londres, 1903), p 298. Quant au culte dissolu d’Anaitis, voir Strabon, XI, 14, 16, pg 532. Et pour l’identification d’Artémis avec les déesses asiatiques de ce type, voir L.-R. Farnell, Cults of the Greek States, II, 478 sq ; Wernicke, dans Paulu-Wissowa, Encycl. d. Class. Alter., II, 1369 sq. Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Sacrifice de la chevelure ou de la chasteté à Byblos; Frazer; Le Rameau d'or.

A Byblos, dans le sanctuaire de la grande Déesse phénicienne Astarté, la coutume était différente. Là, lors du deuil annuel où l’on pleurait al mort d’Adonis, les femmes devait se raser la tête ; celles qui refusaient étaient tenues de se prostituer à des étrangers et de consacrer la salaire de leur honte à des sacrifices à la déesse. Bien que Lucien qui cite la coutume, ne le mentionne pas, on a de bonnes raisons, de croire que les femmes en questions étaient généralement des jeunes filles, de qui on exigeait ce geste de piété comme préliminaire au mariage. En tout état de cause, un point est clair : c’est que la déesse acceptait le sacrifice de la chasteté à la place du sacrifice de la chevelure. Et pourquoi ? Pour beaucoup de gens, comme nous le verrons dans la suite, la chevelure est, en un sens, le siège de la force ; et on a très bien pu supposer qu’elle contenait à la puberté, une double dose d’énergie vitale, puisque à cette époque elle est le signe visible et la gage d’une force récemment acquise, celle de la reproduction. On peut supposer que c’est la barbe plutôt que la chevelure qu’offrent les hommes en semblables circonstances. Ainsi, la substitution autorisée à Byblos devient compréhensible : les femmes donnaient de leur fécondité à la déesse, qu’elles leur offrissent leur chevelure ou leur chasteté. Pg 29-30 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>