La charge royale du sanctuaire de Némi dédié à Diane; Frazer; Le Rameau d'or.

Et cependant ce n’était pas uniquement à cause de son site que le sanctuaire de la déesse sylvestre (ndlr:Diane/Artémis) continuait à être le type ou la réduction en miniature du passé. Jusqu’à la décadence de Rome, on y observa une coutume qui semble nous transporter immédiatement de la civilisation à la barbarie. Dans la bosquet sacré se dressait un certains arbre auprès duquel, à toutes heures du jour, voire aux heures avancées de la nuit, un être au lugubre visage restait embusqué. A la main il tenait un glaive dégainé ; de ses yeux inquisiteurs, il paraissait chercher sans répit un ennemi ardent à attaquer. Ce personnage tragique était à la fois prêtre et meurtrier, et celui qui le guettait sans devait tôt ou tard le mettre à mort afin d’exercer lui-même la prêtrise à sa place. Telle était la loi du sanctuaire. Quiconque briguait le sacerdoce de Némi ne pouvait exercer les fonctions qu’après avoir tué son prédécesseur de sa main ; le meurtre perpétré, il restait en possession de la charge jusqu’à l’heure où un autre, plus rusé ou plus vigoureux que lui, le mettait à mort à son tour. A la jouissance de cette tenure précaire, s’attachait le titre de roi ; mais jamais tête couronnée n’a dû dormir d’un sommeil aussi fiévreux, hanté de rêve aussi sanguinaires, car d’un bout de l’année à l’autre, hiver, été, sous la pluie ou par le soleil, il avait à monter sa garde solitaire. Fermer pour quelques brèves secondes, sa paupière lassée, c’était mettre sa vie en jeu, la moindre trêve à la vigilance lui créait un danger ; un minime déclin de ses forces corporelles, une imperceptible maladresse sur le terrain, un seul cheveu blanc visible sur le front, pouvaient suffire à sceller son arrêt de mort. Il est probable que ses yeux acquéraient ce regard mobile et défiant qui, d’après les Esquimaux du détroit de Behring, trahit infailliblement celui qui a versé le sang ; chez ce peuple, en effet, la vengeance est un devoir sacré, et le meurtrier à sa vie à défendre. pg 19 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.