La clef longtemps perdue de la circoncision ?; Frazer; Le Rameau d'or.

De nos jours, il n’y a aucun rapport spécial entre le garçon et l’arbre, mais il semble qu’autrefois c’était différent. En effet, d’après la tradition, les premiers ancêtres mythiques de la tribu déposaient leurs prépuces dans leurs arbres nanjas, c’est-à-dire dans leurs centres totémiques locaux ; c’est de ces arbres, en effet, que leurs esprits sortaient à leur naissance, et c’est à ces arbres qu’ils retournaient après leur mort. Si, comme, il est très probable, cette coutume, telle qu’elle est rapportée par la tradition, a jamais été pratiquée, son but ne pouvait être que d’assurer la naissance et et la réincarnation futures du propriétaire du prépuce, quand il serait mort et que son esprit serait retourné à sa demeure dans l’arbre. Car chez toutes les tribus centrales la croyance est fortement enracinée que l’âme humaine passe par une suite perpétuelle de réincarnations ; les hommes et les femmes d’une génération n’étant que les esprits de leurs ancêtres revenus à la vie, et devant renaître eux-mêmes dans la personne de leurs descendants. Dans l’intervalle de deux réincarnations, les âmes vivent dans leurs lieux nanja ou centre totémiques locaux, qui sont toujours des objets naturels comme des arbres ou des rochers. ….. L’idée a pu leur venir qu’un homme pouvait faciliter une renaissance, si, de son vivant, il emmagasinait une provision d’énergie vitale, à l’usage de son esprit désincarné, après la mort. Il est probable que c’est ce qu’il faisait quand il détachait une portion de lui-même, en particulier son prépuce et qu’il le déposait dans son arbre nanja, un rocher, ou un autre objet. Se peut-il que nous ayons dans cette croyance et dans cette coutume la clef longtemps perdue de la circoncision ? En d’autres termes, est-il possible que la circoncision ait eu pour but, à l’origine, d’assurer la renaissance, à une époque future, du circoncis, en s’arrangeant pour qu’un morceau de son corps lui fournisse une provision d’énergie dans laquelle son esprit désincarné pût puiser quand venait le moment critique de la réincarnation ? Cette supposition se trouve confirmée par ce fait chez les Akikuyus de l’Est Africain britannique, la cérémonie de la circoncision avait toujours lieu en même temps que le simulacre pittoresque que le novice faisait de sa naissance nouvelle. Si nous avons vraiment l’indice qui permettra d’expliquer la circoncision, il serait tout naturel de chercher une explication parallèle de la subincision. Or nous avons vu que le sang provenant de la subincision sert, d’une part, à rendre des forces à des parents, et, d’autre part, à faire croître les nénuphars. Aussi pouvons-nous supposer que la propriété vivifiante et fertilisante du sang servait, comme le prépuce à la circoncision, à emmagasiner une provision d’énergie dans l’endroit nanja, en prévision du moment où l’âme affaiblie de l’homme en aurait besoin. Le but de ces deux cérémonies serait donc d’assurer la réincarnation future de l’individu en régénérant le centre totémique local, résidence de l’esprit désincarné, au moyen d’une partie vitale de son propre corps. Cette partie, prépuce ou sang, était en quelque sorte une semence destinée à grandir et à fournir un nouveau corps à son âme immortelle, quand son ancien corps aurait été réduit en poudre. Pg 67-68 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

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