Origine psychologique de la propriété privée ; Henry Laborit ; La nouvelle grille.

A la notion de territoire ainsi comprise est liée celle de propriété. Dans le territoire d’un individu, dans le morceau d’espace au sein duquel il peut agir pour se gratifier, se trouve des êtres et des choses. La gratification, nous le savons, abouti à la répétition de l’acte gratifiant. Il faut donc que demeurent dans l’espace de gratification les objets et les êtres sur lesquels s’effectue l’acte gratifiant. D’où l’apparition dès l’enfance d’un lien étroit entre l’objet et le système nerveux, l’apparition de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « instinct de propriété ». Il ne s’agit évidemment pas d’un instinct dans le sens où nous avons défini ce mot, mais d’un comportement résultant d’un apprentissage, d’un apprentissage gratifiant. Il nous semble important de préciser cette notion car lorsqu’on l’a comprise, les rapports entre la notion de propriété des êtres et des choses et le système hiérarchique de dominance s’expliquent simplement, sans invoquer l’ « innéité essentielle » des comportements qui en découlent. On ne désire se rendre propriétaire que des objets et des êtres susceptibles de nous permettre des actes gratifiants et surtout le « réenforcement » c’est-à-dire leur répétition. La propriété est comme les drogues, un toxique provoquant l’accoutumance et la dépendance grâce à un mécanisme biochimique cérébral proche de la toxicomanie, puisque dans l’un et l’autre cas le processus s’accompagne de la synthèse de protéines cérébrales qui commande à la stabilisation de tout apprentissage. Ma femme, mon appartement, mes enfants, ma voiture, sont des objets gratifiants en général. Et c’est sans doute la compréhension empirique de ce phénomène linguistique qui, pour provoquer un comportement d’acceptation hiérarchique, a conduit à obliger le militaire à dire mon adjudant, mon capitaine, mon unité, tous objets qui ne sont pas gratifiants à priori, mais dont on attend qu’ils le deviennent dès lors qu’ils sont une propriété participant ainsi à la réalisation du plaisir. Bien, mon adjudant1 ! La notion de propriété résulte bien d’un apprentissage socioculturel, puisque l’on peut se gratifier avec des biens collectifs (la nature, le Parthénon, les Nymphéas, la sonate de Lekeu, etc..) sans songer à se les « approprier ». Cependant, la propriété est bien lié à la gratification car, même dans ce cas, on tentera d’acquérir une résidence secondaire à la campagne qu’on entoure de murs, des reproductions en couleur des œuvres architecturales ou picturale que l’on préfère, ou le disque de l’œuvre musicale que l’on aime, afin de réaliser un « réenforcement » gratifiant. 1 : Il n’est pas « convenable » pour une femme de s’adresser à un monsieur en uniforme en utilisant ce pronom possessif. Sans doute parce qu’il serait à craindre que cet emploi ne la pousse à se gratifier avec ce monsieur. La bonne éducation a tout deviné, tout prévu. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 82]]>

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