Le profit n’est qu’un moyen d’assurer la dominance ; la police, l’internement en hôpitaux psychiatriques ou en camps de concentration en sont d’autres, de même que l’espionnage, les tables d’écoute et les micros clandestins. Mais l’automatisation de la pensée, la création de réflexes conditionnés et de jugements de valeur restent sans doute les plus efficaces et les plus généralement utilisés. L’enseignement et les mass média aux mains des pouvoirs, c’est-à-dire du système hiérarchique, n’ont d’autres fonctions. On voit par là que l’institutionnalisation des règles d’obtention de la dominance, dont nous avons déjà parlé, constitue bien la structure hiérarchique professionnelle qui permet l’acquisition du pouvoir politique est un faux pouvoir politique puisque sa seule raison d’être est le maintien de la dominance des dominants sur les dominés dans un processus de production de marchandises. Pour nous, l’écueil fondamental rencontré dans la réalisation d’une société socialiste est avant tout constitué par les hiérarchies, par la distribution du pouvoir économique et politique suivant une échelle de valeur, elle-même établie en fonction de la productivité en marchandises. Quand une structure sociale n’est pas impliquée directement dans le système de production, elle l’est dans la protection de ce système et la protection des ses hiérarchies, comme c’est le cas pour l’armée, la justice, la police, la bureaucratie, l’art et ce qu’il est convenu d’appeler la culture. En résumé, où situer la classe des « travailleurs » et leurs intérêts de classe ? Il est probable qu’un cadre supérieur ou un O.S. pourront avoir conscience d’appartenir, ou de ne pas appartenir, au prolétariat, à la classe des « travailleurs », suivant les satisfaction de domination hiérarchique, ou les insatisfaction qu’ils éprouvent. Il existe dans la classe ouvrière de parfaits bourgeois et heureux de l’être, bien qu’exploité et dépouillé de leur plus-value, de même qu’il existe dans la bourgeoisie d’authentique prolétaires, et fiers de l’être, bien que profitant pleinement par ailleurs de leur pouvoir économique et politique dont il admettent l’équité puisqu’ils ne discutent pas l’existence du pouvoir hiérarchique, mais plutôt son mode de distribution. La notion de classe a été jusqu’ici fondée uniquement sur la possession ou non d’un pouvoir économique et politique. Ce pouvoir économique et politique est lui-même fondé sur un système hiérarchique, lequel est fonction de l’information professionnelle. Aussi longtemps que les partis dits de « gauche » ne remettront pas en cause ces bases mêmes du système hiérarchique, la lutte des classes n’aura qu’un sens tronqué et renaîtra toujours de ces cendres, puisque le système qui lui donne naissance n’aura pas été aboli. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 184-185]]>