Impossible de propager des idées dont le système ne veut pas; Laborit

Il faut enfin préciser un malentendu concernant la notion de pouvoir. Celui qu’il est convenu d’appeler l’intellectuel, surtout spécialisé dans une certaine technique, bénéficierait, pour certains, d’un pouvoir. On peut admettre en effet que s’il se révèle un propagandiste efficace des jugements de valeur qui constituent l’armature de la société où il vit, il sera gratifié en conséquence : les moyens de travail, l’accès aux moyens de diffusion des lieux communs qu’il exprime, les « honneurs », les satisfactions académiques lui seront accordées pour avoir joué ce rôle d’ « honnête homme », de véritable humaniste qui a fait preuve de tant d’élévation d’esprit. En effet, l’élévation de l’esprit n’est réalisable on le sait que dans le sein de l’idéologie dominante, celle qui assure la solidité des structures hiérarchiques en place. Grâce à un glissement parfaitement injustifié, mais cohérent avec le système, on utilise le crédit spécialisé qu’il a acquis dans sa discipline, pour valider dans le public les jugements de valeur conformistes sur des problèmes très généraux. En quoi consiste d’ailleurs le pouvoir d’un individu, qui n’a jamais fait que reproduire. ? Il faut en effet qu’un pouvoir s’accompagne aussi de la possibilité d’utiliser des moyens de coercition. Un pouvoir réel s’accompagne des moyen de faire respecter son expression soit par l’argent, soit par la presse, soit par la police, soit par l’élimination hors de l’échelle hiérarchique des concurrents ou des contestataires. Peut-on reprocher alors à celui qui émet des idées neuves de posséder et de rechercher un pouvoir s’il n’a aucun moyen coercitif de faire adopter ses idées en dehors du consensus afférent à toute découverte lorsqu’elle est confirmée par des expérimentations multiples faites par d’autres. ? Peut-on dire que Galilée en disant en aparté « et pourtant elle tourne », possédait un pouvoir ? Le pouvoir n’était-il pas entre les mains du tribunal qui venait sous la menace d’émettre une opinion plus conforme aux préjugés du moment ? Le pouvoir qui serait attaché à l’opinion d’un spécialiste dans le domaine de sa discipline n’est-il pas confiné à l’expression de cette opinion dans le conformisme idéologique de la société où il vit ? Le créateur peut-il réellement bénéficier d’un pouvoir, puisque transformant les structures sociales ou conceptuelles, il ne pourra jamais bénéficier des moyens de coercition dont bénéficierait l’individu conforme, inscrit dans un système hiérarchique qu’il a respecté et qui le gratifie en lui permettent par exemple de décider, en jugeant de leur conformisme, de l’évolution hiérarchique de ceux qui vont lui succéder à l’intérieur de sa discipline ? Le créateur ne fait que fournie des informations nouvelles, il n’a pas de moyens de coercition pour les faire accepter. C’est pourquoi d’ailleurs elles sont généralement si lentes à se généraliser et si difficiles à imposer. C’est pourquoi aussi elles sont si rares, car très peu gratifiantes dans un système hiérarchique solidement structuré. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 187-188]]>

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