Le mythe de l' « Intelligence » ; Henry Laborit ; La nouvelle grille.

On y parvient encore en faisant croire à chaque élément du système que tout est joué dès le départ par la structure innée de l’organisme individuel résultant elle-même du hasard de la combinatoire génétique. Il y a les êtres doués et ceux qui ne le sont pas, ceux qui s’élèvent dans la hiérarchie par leur seul mérite, à qui les honneurs, les pouvoirs (quels pouvoirs en dehors de consommer?), la richesse sont dus, parce qu’ils sont plus « intelligents » que les autres. Voilà le grand mot lâché, l’intelligence, cette notion creuse qui gouverne notre monde contemporain. La réussite (bien entendu dans le système hiérarchique en cours, car c’est la seule qui compte) est fonction de l’intelligence. Nous avons pu observer au passage que lorsque nous avons parlé de système nerveux, nous n’avons jamais observé un « centre de l’intelligence ». Nous pouvons agir sur des mécanismes, qui, bien que complexes, paraissent aujourd’hui évidents, tels que les motivations fondamentales et acquises, acquises grâce à la mémoire, qui met en jeu ces motivations mêmes et l’attention, l’éveil, le sommeil, l’agressivité, les affects, c’est-à-dire tous nos « sentiments », l’imagination enfin. Mais à aucun moment nous n’avons trouvé de définition ou de mécanismes de l’intelligence. On peut penser que cela vient du fait que ce terme à tout faire, ce sésame des réussites sociales, ne résulte pas d’une information-structure uniquement, d’un donné originel, conséquence de la rencontre fortuite d’un spermatozoïde « doué » et d’un ovule « doué » ; mais du développement d’une information structure lambda dans un environnement particulier, une niche environnementale particulière. Si ce développement est conforme ou non aux critères, à l’échelle des Q.I. de l’ensemble social, à sa finalité, à ses hiérarchies, le système nerveux qui l’exprimera sera dit intelligent ou non. Cela ne veut pas dire que, les choses étant ce qu’elles sont aujourd’hui, il n’y a pas, du fait des interactions entre leur structure nerveuse et des niches environnementales si complexes que nous ne pouvons en analyser correctement les innombrables facteurs historiques, des individus plus aptes que d’autres à « comprendre » (dans le sens étymologique) les informations qui leur parviennent et les structures dans lesquelles ils sont enfermés. Cela ne veut pas dire non plus que ces individus seront considérés par leurs contemporains comme étant plus « intelligents ». Mais cela veut dire qu’ils seront différents. Et admettre la différence, c’est-à-dire l’inconnu, l’anxiogène, est la chose la plus difficile, nous le savons déjà. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 194-196]]>

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.