L’information circulante, celle qui devrait être propagée à l’ensemble de l’information-structure humaine de l’entreprise, concerne l’ensemble des problèmes généraux envisagés depuis le début de cet ouvrage, en particulier les notions : de structure, d’information, d’ensembles, de systèmes ouverts ou fermés, de finalité, des sous-systèmes et des systèmes que les patrons eux-mêmes ignorent puisqu’ils travaillent sur un système fermé. Elle concerne aussi les rapport de ces notions structurales avec celles de masse et d’énergie, et celles ayant trait aux mécanismes biologiques des comportements humains en situation sociale. Cet apport est sans doute beaucoup plus fondamental que tout acquis purement professionnel plus ou moins spécialisé, car il est la base d’un comportement politique, à l’origine de l’ouverture du système fermé de l’organisme individuel dans un groupe fonctionnel ouvert lui-même verticalement et horizontalement dans des ensembles sociaux de complexité croissante. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 236]]>
Fusion hiérarchie et altruisme; Wright ; l'animal moral.
1. Si le statut facilite l’accès à la nourriture ou au sexe, alors il est logique de le rechercher en tant que tel, de la même façon qu’il est logique de rechercher l’argent, même si on ne le mange pas. Aussi, deux animaux qui s’assistent mutuellement pour accroître le statut de l’un ou de l’autre ne font guère autre chose qu’échanger de la nourriture : tant que l’échange est une somme non zéro, la sélection naturelle va l’encourager si elle en a l’occasion. En fait, après examen attentif de la société des chimpanzés et de celle des hommes, on est en droit de soupçonner que, du point de vue de la sélection naturelle, l’assistance en matière de statut social est bien le véritable moteur de l’humanité. La fusion évolutive entre hiérarchie et altruisme réciproque représente une bonne part de la vie ordinnaire de l’homme. Nombre, sinon la plupart, de nos sautes d’humeur, fidèles engagements, modifications affectives à l’égard des gens, institutions, et même nombre de nos idées, sont gouvernés par des organes mentaux forgés par cette fusion. Elle a fait beaucoup pour former la texture de la vie quotidienne. Elle a aussi formé une grande part de la structure de l’existence. La vie intra- et interentreprises, États, et universités – tout cela est gouverné par les mêmes organes mentaux. L’altruisme réciproque, comme les hiérarchies, a évolué pour aider les gènes individuels à survivre, et ce sont eux qui soutiennent le monde. 1 : Stone Valerie E., Perception of status : an evolutionary anarysis of non verbal status cues, mémoire de doctorat, département de psychologie de l’université de Stanford, 1989 L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 403-404]]>
Exemple concret: structure ouverte, fermée, information circulante, … ; Laborit
Prenons un exemple concret. Une usine de bouchons comprend un certain nombre d’individus, remplissant chacun une fonction spécifique dans l’entreprise, mais pouvant se réunir en groupes fonctionnels, en dehors de toute hiérarchie professionnelle, si l’information circulante circule correctement. Nous allons voir en quoi cette information circulante consiste. Cet aspect sociologique représente l’information-structure de cette entreprise de bouchons. Elle possède aussi des machines remplissant un certain rôle. Notons que ces machines prolongent l’homme, parfois même le remplacent, sans pour autant posséder un pouvoir hiérarchique, ce qui montre en passant que l’on peut remplir une certaine fonction sans que celle-ci soit assortie d’un pouvoir hiérarchique. Ces machines font d’ailleurs partie de l’information-structure de l’usine de bouchons. Comme l’homme, elles exigent pour fonctionner, de l’énergie. L’homme la trouve sous forme alimentaire et plus largement aujourd’hui sous forme de tout ce qui est nécessaire à l’assouvissement de ses besoins fondamentaux. Cette énergie pour la machine peut être hydraulique, électrique ou fossilisée (fuel, charbon, etc.). Le rôle de ces machines comme celui de l’homme qu’elles remplacent ou qu’elles « perfectionnent » sera de transformer une matière brute en un produit plus élaboré, plus informé. Cette information sera celle fournie par les techniciens ayant imaginé leur structure, l’ayant programmée et qui n’appartiendront que rarement au personnel de l’usine mais à une autre classe fonctionnelle en relation de complémentarité. Énergie et matières premières nécessaires à l’utilisation efficace des machines et des hommes représentent l’aspect économique de cette entreprise. L’effecteur usine de bouchons, dont la structure est constituée par des machines et les hommes, suivant certaines relations qui déterminent justement cette structure, produit un certains effet : des bouchons. Pour cela, certains facteurs sont indispensables. Ce sont toujours les mêmes : énergie, masse (matière première) et information circulante. Or, cet effecteur peut fonctionner en régulateur et dans ce cas l’information circulante, provenant de l’extérieur du système, serait inutile : la quantité d’énergie et de matières premières (liège) suffirait à limiter le production de bouchons (feed-before) ou inversement si la production était fixée une pour toutes à une valeur donnée c’est elle qui régulerait par feed-back la quantité d’énergie et de matières premières à utiliser. Mais la finalité de cette usine de faire des bouchons, de cette structure fermée, va s’ inclure dans une autre finalité, dans une autre structure, ce qui va lui permettre de s’ouvrir. En réalité, il n’en est pas toujours ainsi et si la production de bouchons n’est qu’une finalité seconde, la finalité première étant de faire du profit et d’accroître l’importance de l’entreprise pour en faire un monopole, on peut imaginer qu’une publicité bien faite puisse faire consommer du bouchon non plus simplement pour boucher les bouteilles, mais par exemple pour faire des colliers, des boucles d’oreilles, en en créant une mode par ailleurs parfaitement inutile, ou des mobiles imitant ceux de Calder1, en faisant miroiter à l’utilisateur la possibilité originale de les tailler à sa guise, ce qui développera sa personnalité, etc. Il s’agit bien alors d’une structure fermée, véritable tumeur à croissance incontrôlée qui cependant trouvera toujours, du fait qu’il s’agit d’une entreprise humaine, un discours pour défendre son existence et sa productivité. Grâce au développement de l’industrie du bouchon un nombre de plus en plus grand de travailleurs va trouver du travail, non seulement dans l’entreprise, mais dans celle qui fabriquent des machines à faire des bouchons, le produit national brut va s’accroître, et si la publicité à l’étranger est bien faite, les exportations croissantes de bouchons feront rentrer des devises, et porteront très haut le flambeau de notre génie national. Un marché très important peut être développé dans les pays sous-développés où les colliers en bouchons pourraient remplacer avantageusement ceux en coquillages pour peu que l’on fasse valoir qu’ils sont insubmersibles. Si le patron d’une telle entreprise de bouchons fait construire quelques cafétérias pour ses ouvriers, des crèches ou des terrains de sport et les paye correctement, il sera un bon patron. Sa réussite sociale lui vaudra la légion d’honneur ou pour le moins l’ordre du Mérite, s’il sait se réserver quelques appuis politiques locaux ou régionaux. Mais au lieu d’une telle structure fermée, nous avons vu que l’on peut imaginer une structure ouverte. Dans ce cas, ce régulateur, structure fermée sur elle-même, se transforme en servomécanisme. Les bouchons seront utilisés par exemple pour boucher des bouteilles. Ce sera donc l’industrie de la bouteille, qui l’informera de ses besoins. Elle ne lui donnera aucun ordre, elle lui fera savoir simplement que l’industrie de la bouteille en expansion ou en régression a besoin d’une quantité donnée de bouchons par mois. Mais l’industrie de la bouteille peut également être une structure fermée comme nous en avons envisagé la possibilité pour l’industrie du bouchon et faire dans ce cas des bouteilles pour vendre des bouteilles envers et contre tout. Mais elle peut aussi s’ouvrir par inclusion dans les ensembles industriels plus grands produisant des liquides pour remplir les bouteilles, etc. Dans chaque cas, la structure fermée s’ouvre sur un ensemble plus complexe par apparition d’un servomécanisme d’une information venant de l’extérieur du système régulé. Dans ce cas on comprend que l’approvisionnement énergétique et en matières premières ne sera plus commandé seulement par la motivation du profit et de l’expansion systématique mais par une fonction à remplir qui participe à celle d’un ensemble plus complexe. Or ceci n’est possible que si la finalité du plus grand ensemble, que nous avons considéré dans ce cas national, mais que l’on peut faire remonter jusqu’à l’espèce n’est pas elle-même fondée sur l’expansion, pour accroître le profit et permettre le maintien des hiérarchies professionnelles de dominance. On peut objecter que l’offre et la demande, les désirs des consommateurs de bouchons, de bouteilles ou de liquides,… sera la condition fondamentale de cette expansion. Nous savons bien malheureusement et nous nous sommes déjà étendus sur ce sujet, que l’on ne désire que ce que l’on connaît et qu’un homme du paléolithique n’aurait pas souhaité posséder des bouchons. 1 : Alexander Calder, sculpteur et peintre américain (1898-1976) né à Lawnton près de Philadelphie est surtout connu pour ses mobiles. (wikipédia) La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 232-235]]>
Sérotonine et génétique; Wright ; l'animal moral.
entreprise et organisme; Laborit
A partir de l’individu, dont nous avons déjà envisagé l’analogie cellulaire, les groupements de ces individus en organes, tissus systèmes, trouvent ainsi leur analogie avec les entreprises, les industries, les grandes activités nationales dont l’ensemble dont l’ensemble concourt à l’efficacité de l’action globale. Chaque niveau d’organisation règle et contrôle l’activité du niveau sous-jacent, mais chaque niveau, comme dans un organisme, est indispensable à l’activité de l’ensemble. Sa finalité est bien sa satisfaction personnelle mais réalisable uniquement grâce à la satisfaction de l’ensemble, celle-ci n’étant possible que grâce à l’efficacité de chaque niveau d’organisation. Il s’agit bien d’un système régulé mais dont l’information vient de l’extérieur du système par l’établissement de servomécanismes, le choix de la finalité globale étant le résultat de la recherche de la satisfaction de tout les éléments. C’est ainsi que fonctionne un organisme. Nous retrouvons bien alors la notion de pouvoir généralisé, mais il est maintenant plus apparent que ce pouvoir généralisé n’es possible que si une information généralisée permet l’action à tous les niveaux d’organisation. Or, nous avons indiqué que l’information généralisée n’était concevable que dans un cadre non dirigé, en l’absence de hiérarchies de valeur spécialisées, et surtout avec du temps pour la recevoir et en rechercher les sources. Possible enfin que par la méfiance institutionnalisée à l’égard des analyses logiques qui ne font que recouvrir un inconscient affectif et dominateur, ainsi que par l’abandon ou du moins la remise en question des grilles, simplistes et rassurantes, des certitudes pseudo-scientifiques, des références constantes aux grands anciens. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 228-229]]>
Société sans statut; Wright ; l'animal moral.
1.» Darwin eût-il médité un peu plus longuement cette idée, il aurait commencé à se demander si les Fugéens étaient vraiment un peuple où régnait une «parfaite égalité». Naturellement, aux yeux d’un riche Anglais, élevé parmi des domestiques, une société toujours au bord de la famine peut paraître fortement égalitaire. Il n’y verra aucune riche démonstration de standing, ni de disparités criantes. Mais la hiérarchie sociale peut prendre plusieurs formes, et il semble bien qu’il en existe une dans toutes les sociétés humaines. On a mis longtemps à prendre conscience du phénomène. Notamment parce que, comme Darwin, nombre d’anthropologues du XXème siècle, issus de sociétés à forts clivages sociaux, ont été saisis et parfois charmés par la relative absence de classes sociales dans les sociétés primitives. Ces anthropologues étaient également soumis à une fois pleine d’espérance en la malléabilité presque infinie de l’esprit humain, foi essentiellement nourrie par Franz Boas et ses célèbres disciples, Ruth Benedict et Margaret Mead. Le préjugé de Boas contre la nature humaine était, à certains égards, louable : c’était une réaction bien intentionnée, allant à l’encontre des grossières extensions politiques du darwinisme, qui avaient admis pauvreté et autres maladies sociales comme des phénomènes « naturels ». Mais un préjugé bien intentionné n’en demeure pas moins un préjugé. Boas, Benedict et Mead ont écarté des pans entiers de l’histoire de l’humanité2. Et, parmi eux, la profonde aspiration de l’homme à avoir un statut, et la présence, apparemment universelle, de la hiérarchie. Plus récemment, des anthropologues darwinisants se sont penchés sur la question de la hiérarchie sociale. Ils l’ont trouvé partout, même là où elle paraissait le plus improbable. Les Aches, une tribu d’Amérique du Sud économiquement basées sur la chasses et sur la cueillette, semblent à première vue respecter entre eux une égalité idyllique. La réserve de viande est commune, de sorte que les meilleurs chasseurs peuvent leurs voisins moins chanceux. Cependant, à y regarder de plus près, dans les années 80, les anthropologues ont découverts que les meilleurs chasseurs, bien que généreux en viande, accumulaient par ailleurs un bien beaucoup plus essentiel. Ils avaient davantage de liaisons extraconjugales et d’enfants illégitimes que les chasseurs moins doués. Et leur progéniture avait davantage de chance de survivre, parce qu’elle faisait apparemment l’objet d’un traitement de faveur3. En d’autres termes, une réputation de bon chasseur confère à celui qui en jouit, un grade informel, dont l’influence joue aussi bien sur les hommes que sur les femmes. A première vue, les Akas, Pygmées du centre de l’Afrique, semblent aussi ne pas connaître de hiérarchie : ils n’ont ni « chef » ni dirigeant politique suprême. Mais il existe chez eux un homme qu’ils appellent Kombeti, et qui influence subtilement mais fortement les grandes décisions du groupe (et il doit souvent cette fonction à ses prouesses de chasseur). Et il s’avère que c’est au Kombeti qu’échouent le meilleur de la nourriture, mais aussi les femmes et les enfants4. Ainsi plus on réexamine toutes ces sociétés à la lumière, peu flatteuse, de l’anthropologie darwinienne, plus on doute qu’aucune société humaine véritablement égalitaire ait jamais existé. Certaines sociétés sans sociologues peuvent ne pas connaître le concept de statut, et pourtant elles ont des statuts. Certains individus y occupent une position élevée, d’autres non, et tout le monde sait qui est qui. 1 : Voyage, pg 183-184 2 : voir Freeman Derek, Margaret Mead and Samoa/ the making and unmaking of an anthropological myth, Cambridge, Harvard University Press, 1983 ; Brown Donald E., Human Universals, New-Yoork, McGrawhill, 1991, en particulier le chapitre III ; et Degler 1991 3 : voir Hill Kim et Kaplan Hillard, « Trade-offs in male and female reproductive strategies among the Ache », première et seconde partie in Betzig Laura, Borgerhoff Mulder Monique et Turke Paul, éd. Human reproductive behavior : A Darwinian perspective, new-York, Cambridge university press, 1988, surtout pg 282-283 4 : Hewlett 1988. Les différences en termes de fertilité entre les kombeti et les autres hommes (une progéniture de 7.89 contre 6.34) n’étaient pas statistiquement probante, car seulement neuf kombeti ont été étudiés ; mais tout porte à croire que cette démonstration se serait avérée si on avait eu les moyens de la mener jusqu’au bout. Les autres cultures où nous trouvons un lien entre le statut et le succès reproductif sont les Efé du Zaïre et les Mukogodo du Kenya. A ce sujet voir Betzig « Where are the bastards daddies ? », behavioral and brain sciences, 16, 1993, og 285-295 ; « Sex, succession, and stratification in the first six civilisations », in Ellis, Lee, éd. Social stratification and socioeconomic inequality, New-York, Praeger, 1993 et « Despotism and differential reproduction/ a darwinian view of history », New-York, Aldine de Gruyter, 1986). Napoléon Chagnon (« Is reproductive success equal in egalitarian societies ? » in Chagnon et Irons William, éd. Evolutionary biology and sicial behavior : an anthropological perspective, North Scituate, Massachussetts, Duxbury Press, 1979) fut l’un des premiers à remarquer les chances inégales en matière de reproduction dans les sociétés dites « égalitaires ». L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 382-384]]>
Changement de paradigme ; Laborit
Les hiérarchies de valeurs actuelles s’établissant, nous l’avons vu, sur l’information technique spécialisée et d’autre part l’autogestion devant forcément aboutir à leur disparition pour permettre le pouvoir des classes fonctionnelles, il est probable que les dominances hiérarchiques technologiques s’opposeront à la disparition de leur pouvoir. On risque alors de voir une lutte de classe non plus seulement entre « prolétaires » et « capitalistes » détenteurs des moyens de production, mais surtout entre prolétariat, dépourvu de connaissances techniques et bourgeoisie technocratique, ou au contraire comme cela s’est passé jusqu’ici, une classe technocratique et bureaucratique prendre la place de la bourgeoisie traditionnelle, comme celle-ci avait jadis pris la place de l’aristocratie, « Monsieur », le cadre, qui a des « responsabilités » comme chacun sait, s’opposera à ce que son autorité soit contestée par des ignorants. Mais ce qui est contesté n’est pas un savoir technique quand il est valable, mais bien l’utilisation de cet acquis technique et de l’autorité qui ne devrait être que technique, qu’il confère dans un cadre de hiérarchies de valeur, de salaires, de considérations, de pouvoir, par le fait que cet acquis technique est conforme à la recherche de la dominance par l’expansion. Ce qui sera contesté lors du changement de paradigme sera, non pas la connaissance technique en elle-même mais bien, l’échelle hiérarchique de dominance et de pouvoir qu’on justifie à sa suite ; Henry Laborit ; La nouvelle grille. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg226-227]]>
TIT FOR TAT -suite; Wright ; l'animal moral.
1. Mais cela ne va pas assez loin. L’idée ici n’est pas seulement qu’après un rapide coup d’œil les gens voient des opportunités de tricherie et s’en emparent en toute conscience. D’une façon dont ils se rendent peu, sinon pas du tout, compte — et qui a commencé dès qu’il ont appris à parler —, le profil de leur conscience a été rectifié par la famille (sans qu’elle comprenne non plus pourquoi) et par d’autres effets retour issus de l’environnement. L’influence culturelle peut être tout aussi inconsciente que l’influence génétique, ce qui n’a rien de surprenant lorsque l’on sait à quel point elles sont liées. Le même raisonnement peut s’appliquer à un sujet qui suscite nombre de débats à l’heure actuelle : la criminalité dans les quartiers pauvres des grandes villes américaines. Les délinquants en herbe n’inspectent pas leur milieu afin d’évaluer la situation et d’opter très rationnellement pour une vie de délits. Si tel était le cas, la solution habituellement proposée pour lutter contre la criminalité —«modifier la structure incitatrice» en faisant en sorte que le crime ne soit plus payant— devrait mieux fonctionner. Les Darwiniens avancent une vérité plus dérangeante : depuis leur plus jeune âge, la conscience de beaucoup d’enfants pauvres — c’est-à-dire l’aptitude même à la sympathie et à la culpabilité— est écrasée par l’environnement et, à mesure qu’ils grandissent, cette conscience s’enkyste dans sa forme entravée. Les raisons de l’entrave vont probablement bien au-delà de la question de l’anonymat des villes. Beaucoup de gens des quartiers pauvres n’ont que peu l’occasion de coopérer «légitimement» avec le monde extérieur. Et les hommes, par essence plus enclin au risque, n’ont pas cette longue expérience de vie que tant de gens considèrent comme acquise. Martin Daly et Margo Wilson prétendent que ces «horizons à court terme», que l’on attribue d’ordinaire aux criminels, pourraient être une «réponse adaptative aux pronostics portant sur la longévité d’un individus et sur ses réussites éventuelles»2 1:De façon moins anecdotique, on a pu établir la preuve que des personnes vivant en ville, ou du moins y ayant passé leur adolescence, on une approche particulièrement «machiavélique» des relations sociales. Voir Singer ; How are we to live ? Ethics in the age of self-interest, Melbourne, Text Publishing Company, 1993, p. 141. 2:Daly Martin et Wilson Margo, Homicide, Hawthorne, N.Y., Aldine de Gruyter, 1988, p.168 L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 358-362]]>