1. Mais cela ne va pas assez loin. L’idée ici n’est pas seulement qu’après un rapide coup d’œil les gens voient des opportunités de tricherie et s’en emparent en toute conscience. D’une façon dont ils se rendent peu, sinon pas du tout, compte — et qui a commencé dès qu’il ont appris à parler —, le profil de leur conscience a été rectifié par la famille (sans qu’elle comprenne non plus pourquoi) et par d’autres effets retour issus de l’environnement. L’influence culturelle peut être tout aussi inconsciente que l’influence génétique, ce qui n’a rien de surprenant lorsque l’on sait à quel point elles sont liées. Le même raisonnement peut s’appliquer à un sujet qui suscite nombre de débats à l’heure actuelle : la criminalité dans les quartiers pauvres des grandes villes américaines. Les délinquants en herbe n’inspectent pas leur milieu afin d’évaluer la situation et d’opter très rationnellement pour une vie de délits. Si tel était le cas, la solution habituellement proposée pour lutter contre la criminalité —«modifier la structure incitatrice» en faisant en sorte que le crime ne soit plus payant— devrait mieux fonctionner. Les Darwiniens avancent une vérité plus dérangeante : depuis leur plus jeune âge, la conscience de beaucoup d’enfants pauvres — c’est-à-dire l’aptitude même à la sympathie et à la culpabilité— est écrasée par l’environnement et, à mesure qu’ils grandissent, cette conscience s’enkyste dans sa forme entravée. Les raisons de l’entrave vont probablement bien au-delà de la question de l’anonymat des villes. Beaucoup de gens des quartiers pauvres n’ont que peu l’occasion de coopérer «légitimement» avec le monde extérieur. Et les hommes, par essence plus enclin au risque, n’ont pas cette longue expérience de vie que tant de gens considèrent comme acquise. Martin Daly et Margo Wilson prétendent que ces «horizons à court terme», que l’on attribue d’ordinaire aux criminels, pourraient être une «réponse adaptative aux pronostics portant sur la longévité d’un individus et sur ses réussites éventuelles»2 1:De façon moins anecdotique, on a pu établir la preuve que des personnes vivant en ville, ou du moins y ayant passé leur adolescence, on une approche particulièrement «machiavélique» des relations sociales. Voir Singer ; How are we to live ? Ethics in the age of self-interest, Melbourne, Text Publishing Company, 1993, p. 141. 2:Daly Martin et Wilson Margo, Homicide, Hawthorne, N.Y., Aldine de Gruyter, 1988, p.168 L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 358-362]]>