1.» Le revers de la médaille fut une précoce et durable aversion pour toutes forme de dédain ou de ridicule. Darwin écrit que son fils aîné, à l’âge de deux ans et demi, était devenu «extrêmement sensible au ridicule, et si soupçonneux qu’il croyait souvent que les gens qui riaient et parlaient entre eux étaient en train de se moquer de lui.» Peut-être le fils de Darwin était-il anormal à cet égard, mais là n’est pas la question. (Encore qu’il soit intéressant de noter que bon nombre de psychopathologies, paranoïa comprise, sont peut-être simplement des tendances enracinées en nous par l’évolution et devenues quelque peu envahissantes2.) Le fait est que, si le fils de Darwin avait une conduite anormale, c’était une question de degré et non de nature. Pour chacun d’entre nous, depuis l’enfance, éviter le ridicule frise l’obsession. Souvenons-nous de la remarque de Darwin à propos de «la brûlante sensation de honte que la plupart d’entre nous ont ressentie, même plusieurs années après, à l’évocation d’une infraction accidentelle à quelque dérisoire mais ferme, règle de l’étiquette3». Un mécanisme aussi sensible suppose des enjeux importants. Et, en effet, de même qu’une excellente réputation peut apporter de fortes récompenses génétiques, une mauvaise réputation peut se révéler génétiquement désastreuse. Dans beaucoup de communauté de primates —ainsi que dans bon nombre de communantés humaines —, des individus très impopulaires sont repoussés en marge de la société, voire au-delà, là où survivre et se reproduire deviennent des questions périlleuses4. C’est pourquoi une baisse du statut coûte cher, quel que soit l’échelon d’où l’on tombe. Quelle que soit votre place dans la société, donner une impression qui contribuera à vous propulser, si peu que ce soit, vers le haut, vaudra (en termes darwiniens) le dérangement. 1 : Papers, vol. 2, pg 198 2 : Glantz Kalman et Pierce John K., Exiles from Eden : psychotherapy from an evolutionary perspective, New York, Norton, 1989 et «Towards an Evolution-based classification of psychological disorders», contribution au colloque de la human behavior and evolution society, Los angeles, 1990 3 : La descendance, vol. 1, pg 130 4 : voir Lancaster Jane G., «Primate social behavior and ostracism», Ethology and sociobiology, 7, pg 215-225, 1986 ; L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 430-431]]>
Corporatisme et culte de la personnalité : écueils du pouvoir politique, Laborit
Un premier point nécessite d’être développé. Le pouvoir politique qui pourrait être la propriété des classes fonctionnelles doit éviter deux écueils : le corporatisme et le culte de la personnalité à l’échelon des groupes les plus simples. Le corporatisme consiste à tenter d’imposer le pouvoir politique d’une classe fonctionnelle ou le plus souvent professionnelle, sans tenir compte des structures d’ensemble à la constitution desquelles elle participe. C’est agir en la coupant du servomécanisme de la source informationnelle provenant de l’extérieur du système fermé qu’elle représente. La corporation est l’ensemble de ce qui résulte de la fermeture du système. C’est un véritable cancer qui ne pense qu’à son propre plaisir, son propre bien-être, sa propre satisfaction, s’appuyant sur son indispensabilité, sans concevoir l’indispensabilité des autres classes fonctionnelles. A l’intérieur d’une même classe fonctionnelle ou professionnelle, il existe d’ailleurs des hiérarchies de pouvoir qui peuvent trouver une ouverture horizontale en s’associant aux hiérarchies de pouvoir analogue dans d’autres classes fonctionnelles. C’est même en cherchant cette ouverture horizontale que les niveaux hiérarchiques les plus défavorisés au sein d’une profession tentent le plus souvent de faire échec au pouvoir hiérarchique intraprofessionnel au sein d’une corporation. Nous constatons, là encore, que pour faire échec au corporatisme, aux jugements de valeur, à l’isolement d’un sous-ensemble professionnel, à sa sporulation ou à son empiétement, il est nécessaire d’en rechercher à la fois son ouverture verticale au sein des ensembles plus vastes qui le comprennent et l’ouverture horizontale pour chaque niveau d’organisation, pour chaque sous ensemble participant à sa structure. Le culte de la personnalité, est proche du paternalisme et de l’infantilisme auquel nous avons fait allusion précédemment. Il représente l’abandon du pouvoir politique entre les mains d’un seul ou de quelques-uns, capable d’imposer leurs vues personnelles aux groupes qui les acceptent d’autant plus facilement que cela les sécurise de croire que dans la complexité des faits sociologiques, certains sont mieux informés, donc plus aptes à agir. Cela montre que l’information généralisé du groupe est imparfaite, soit faute de temps pour l’acquérir, soit du fait prémédité que les personnalités dominantes stockent les informations et ne présentent aux éléments de groupes que celles leur permettant de conserver leur dominance La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 238-240]]>
L'impression de réalité; Erving
The representation of self in everyday life, New York, 1959, pg 17 ; Trad. Fr : La mise en scène de la vie quotidienne, 2 vol. éd. de Minuit, Paris, 1973]]>
Suppression du profit individualiste; Laborit
Si le profit individuel lié à celui de l’entreprise n’existe plus, s’il devient un profit collectif, celui de l’État, on pourrait croire que la motivation ayant changé, l’anarchie économique et l’absurdité du système précédent doivent disparaître. Or l’expérience montre en réalité qu’ils sont autres, non pas qu’il n’y ait plus de motivation du tout, bien que ce soit le cas pour beaucoup d’individus dans un tel système. La motivation qui commande à la recherche de la dominance existe toujours. Il existe tous les passages entre bien individuel, privé et bien collectif, car la collectivité peut être de plus ou moins grande importance : locale, régionale, nationale. Ce qui semble pouvoir définir le bien collectif dans un système collectiviste, c’est qu’il est obtenu grâce à un capital collectif. Cependant, son utilisation ne résulte pas d’une décision collective mais de celle de bureaucrates ou de parlementaires distribuant les deniers de l’État. Il existe alors une telle distance entre le travail individuel et la gratification collective que l’on comprend que la motivation, lorsque le travail aboutit à l’abandon de la plus-value à l’État et à sa redistribution sans possibilité de contrôle directe de son emploi, sont considérablement réduite. D’autre part, ce qui est redistribué individuellement par l’État, le salaire, l’est suivant une échelle hiérarchique. Celle-ci comme partout, dans les sociétés technicisées, est fondée sur le degré d’abstraction dans l’information professionnelle. Mais elle l’est aussi sur la soumission aux règles du système, sur la connaissance et l’application stricte de l’idéologie, puisque c’est elle qui permit la dominance et le maintien des hiérarchies. Même si l’échelle des salaires est beaucoup moins étendue qu’ailleurs, elle existe. Mais, comme l’utilisation des salaires pour une gratification consommable est beaucoup moins facilement réalisable, l’échelle des salaires a moins besoin d’être étalée. Un petit nombre de privilégiés du régime seulement se trouve favorisé. On comprend que dans un tel système, malgré une diminution de la production des biens inutiles, l’absence de motivation en vue d’actes gratifiants individuels soit une entrave à la production globale. D’autre part, comme la finalité du système est restée la même, à savoir la productivité alors que cette productivité orientée surtout vers les biens collectifs et la défense nationale, est mal ressentie comme gratification individuelle, que l’individu se trouve uniformisé sur le plan de la consommation comme sur celui de la pensée politico-sociale, la rentabilité du système ne paraît pas améliorée par la disparition de la motivation individualiste du profit. Celle-ci est remplacée par la recherche de l’ascension hiérarchique dans les cadres de la bureaucratie dispensatrice du pouvoir. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 237-238]]>
respect; Wright ; l'animal moral.
Nous ferions n’importe quoi pour gagner le respect, y compris ne pas nous conduire comme des animaux. L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 425]]>
Le libéralisme : une anarchie déconnectée de la réalité ; Laborit
Il semble aussi évident , notons-le en passant que le libéralisme économique généralement défendu par ce qu’il est convenu d’appeler les « conservateurs », c’est-à-dire les individus se disant fondamentalement opposés à l’anarchie, représente le type même du système anarchique. Je sais bien que l’on prétend que ce système est régi par des lois rigoureuses, la production étant gouvernée par la consommation, l’offre par la demande. Il s’établirait ainsi un équilibre harmonieux que l’expérience montre inexistante, du fait que la demande dépend de la publicité donc de l’offre, que le désir des objets est gouverné par l’information marchande et le capital investi. L’anarchie économique s’installe, les plus fort imposant leur dominance. La planification dite bien entendu démocratique est emportée au souffle puissant du profit. L’individu ignorant les déterminismes qui guident cette société folle (parce que désadaptée au réel) aveuglé et assourdi par les automatismes et les besoins qu’elle crée en lui, détourné des problèmes fondamentaux par des sous-problème dont on gonfle l’importance par l’ignorance même des dirigeants, ou par des solutions conceptuelles dépassées, mais, manipulées, elles aussi, par d’autres systèmes hiérarchiques de dominance, se laisse emporter sans résistance dans le confort ou l’inconfort, par ce même souffle puissant du profit. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 236-237]]>
Admettre ses torts; Wright ; l'animal moral.