améliorer son « standing »? ; Henry Laborit ; La nouvelle grille.

…dans un tel système, l’individu est réduit à son rôle de production et s’inscrit obligatoirement dans une hiérarchie professionnelle. Sa seule motivation est de s’élever dans cette hiérarchie, à l’ancienneté ou par l’acquisition d’informations professionnelles plus abstraites. C’est le but du recyclage et de la formation permanente. Comme son travail en miettes est plutôt déprimant, le système tente de lui en faire oublier les inconvénients en le gratifiant de « loisirs » et de pseudo-culture prédigérée, entièrement programmée, et avant tout non contestataire. Ce n’est plus seulement le travail qui est en miettes ce sont les personnalités humaines qui ne sont plus capables de savoir si la vie à un sens autre que d’améliorer son « standing », lorsque les besoins fondamentaux sont couverts, ce qui est loins d’ailleurs d’être le cas, même au sein des sociétés technicisées. La personnalité humaine est ainsi divisée en deux grands secteurs : le secteur économique où s’inscrivent les rapports familiaux et de compagnonnage et le secteur pseudo-culturel, la culture se réduisant d’ailleurs à ce qui n’est pas scientifique car la science est réservée à l’innovation, c’est-à-dire à la productivité économique. La culture, nous l’avons dit, est ce qui a l’air de ne pas se vendre, de ne pas être productif, alors qu’en réalité, si elle est ascientifique, c’est vrai, par contre, elle se vend bien, et elle aide aussi à aussi à mieux vendre. Enfin, parfois, mais de moins en moins souvent, à vrai dire, à l’homme économique, et à l’homme ludique s’ajoute une parcelle d’homme religieux ou d’homme politique, ce qui revient au même. Si les deux premiers ne parviennent pas à satisfaire l’inquiétude fondamentale et si celle-ci n’a pas encore été complètement occultée par les automatismes socioculturels, la religion et la politique sont là pour fournir une activité, une recherche de la gratification manquante. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg252-253]]>

Déformation du discours en fonction de l'auditoire; Wright ; l'animal moral.

1. Il y a des dizaines d’années, des psychologues ont également découvert qu’on peut inciter ou dissuader une personne de donner son opinion, en fonction du rythme auquel son interlocuteur manifeste son approbation2. Une autre expérience, réalisée dans les années 50, montrent que les souvenirs de quelqu’un varient en fonction de l’auditoire auquel il s’apprête à les faire partager : on soumet au sujet une liste comportant des colonnes pour et contre une augmentation de salaires des enseignants, et il se souviendra davantage de l’un ou de l’autre, selon qu’il s’attendra à rencontrer des enseignants ou des contribuables. Les auteurs de cette expérience ont conclu:«Beaucoup de l’activité mentale d’un individu consiste vraisemblablement, en tout ou partie, à imaginer une communication adressée à des auditoires, fictifs ou réels, et cela peut avoir un effet considérable sur ce dont l’individu se souvient et sur ce qu’il croit, quel que soit le moment3…» Voilà qui coïncide parfaitement avec le point de vue darwinien sur l’esprit humain. Le langage évolué en tant que moyen de manipuler l’autre à notre avantage (notre avantage étant ici de jouir d’une certaine popularité face à un auditoire aux convictions solidement ancrées) ; la connaissance, source du langage, se trouve déformée en conséquence. 1 :Asch Salomon E.,«Opinions and social presure», Scientific American, novembre 1973 ; 1973 2 :Verplanck William S.,«The control of the content of conversation : reinforcement of statements of opinion», Journal of abnormal and social psychology, 51 ; 1955, pp.668-676. 3 :Zimmerman Claire et Bauer Raymond A., «The effect of an audience upon what is remembered», public opinion quaterly, 20 ; 1956, pp.238-248 L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 480]]>

Le profit via la publicité ; Henry Laborit ; La nouvelle grille.

Si la finalité n’est pas tant la production que le profit, alors tout change. Pour que le profit augmente, il faut produire plus. Mais il faut aussi écouler la marchandise. Il faut créer le besoin. D’où la publicité. Chercher des débouchés nouveaux. D’où la prospection des marchés internationaux avec les conséquences que nous avons antérieurement envisagées. D’autre part avec le profit comme finalité, il est nécessaire d’abaisser la valeur des facteurs, tout en augmentant celle de la production, de façon que la marge bénéficiaire soit maximale. Mais comme il est assez difficile de rogner sur les matières premières et l’énergie, on tâchera de soutirer celles-ci aux meilleurs prix au pays non industrialisés, d’où à l’échelon national, l’impérialisme. On augmentera par contre les investissements productifs, mais on diminuera les salaires. Mais surtout la finalité n’étant plus de participer à celle de l’ensemble, si chaque entreprise pour survivre doit obéir à ces lois, on comprend que l’on parvienne à la société dite de consommation, dans laquelle la production n’a plus d’intérêt par elle-même et par l’amélioration des conditions de vie des individus, mais bien pour le profit qui en résulte. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 251-252]]>