…dans un tel système, l’individu est réduit à son rôle de production et s’inscrit obligatoirement dans une hiérarchie professionnelle. Sa seule motivation est de s’élever dans cette hiérarchie, à l’ancienneté ou par l’acquisition d’informations professionnelles plus abstraites. C’est le but du recyclage et de la formation permanente. Comme son travail en miettes est plutôt déprimant, le système tente de lui en faire oublier les inconvénients en le gratifiant de « loisirs » et de pseudo-culture prédigérée, entièrement programmée, et avant tout non contestataire. Ce n’est plus seulement le travail qui est en miettes ce sont les personnalités humaines qui ne sont plus capables de savoir si la vie à un sens autre que d’améliorer son « standing », lorsque les besoins fondamentaux sont couverts, ce qui est loins d’ailleurs d’être le cas, même au sein des sociétés technicisées. La personnalité humaine est ainsi divisée en deux grands secteurs : le secteur économique où s’inscrivent les rapports familiaux et de compagnonnage et le secteur pseudo-culturel, la culture se réduisant d’ailleurs à ce qui n’est pas scientifique car la science est réservée à l’innovation, c’est-à-dire à la productivité économique. La culture, nous l’avons dit, est ce qui a l’air de ne pas se vendre, de ne pas être productif, alors qu’en réalité, si elle est ascientifique, c’est vrai, par contre, elle se vend bien, et elle aide aussi à aussi à mieux vendre. Enfin, parfois, mais de moins en moins souvent, à vrai dire, à l’homme économique, et à l’homme ludique s’ajoute une parcelle d’homme religieux ou d’homme politique, ce qui revient au même. Si les deux premiers ne parviennent pas à satisfaire l’inquiétude fondamentale et si celle-ci n’a pas encore été complètement occultée par les automatismes socioculturels, la religion et la politique sont là pour fournir une activité, une recherche de la gratification manquante. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg252-253]]>