Quant aux êtres humains, ils entrent parfois en compétition pour l’appropriation de territoires, à l’instar des membres de la plupart des espèces animales. Puisque nous vivons en groupes, la plupart de ces luttes ont, jusqu’à nos jours, pris la forme de guerres entre groupes voisins, sur le modèle des guerres entre colonies de fourmis plutôt que sur celui des duels entre rouge-gorges. Comme dans le cas des groupes de loups ou de chimpanzés communs dont les territoires se jouxtent, les relations entre tribus humaines voisines ont traditionnellement été marquées par l’hostilité fondée sur la xénophobie, avec des périodes de moindre tension au cours desquelles ont pu intervenir des échanges de partenaires sexuels (et dans le cas de notre propre espèce, des échanges commerciaux). La xénophobie est fréquente dans notre espèce, parcequ’une grande partie de nos comportements sont déterminés par la culture et non l’hérédité, et que les différences culturelles entre les populations humaines sont très marquées (ce qui explique que nous pouvons souvent reconnaître d’un seul coup d’oeil les membres d’autres groupes que le nôtre, d’après leur vêtements ou leur coiffure, alors qu’une discrimination aussi rapide n’est probablement pas possible chez les loups ou chez les chimpanzés).
La xénophobie au
sein de l’espèce humaine a aujourd’hui des conséquences bien plus
terribles que celle sévissant chez les chimpanzés, dans la mesure
où nous possédons des armes de déstruction massives capables
d’opérer à distance. Jane Goodall a bien observé comment les mâles
d’un groupe de chimpanzés communs sont arrivés à tuer petit à
petit les individus d’un groupe voisin et à usurper leur territoire.
Mais ces grands singes n’avaient évidemment aucun moyen de tuer les
membres d’un groupe éloigné ni d’exterminer la totalité des
chimpanzés – y compris eux-mêmes. Certes, l’assassinat motivés
par la xénophobie a d’innombrables précurseurs chez les animaux,
mais nous seuls avons, sur cette base, développé la possibilité de
provoquer la chute de notre espèc entière. Cette possibilité est
désormais une caractéristique distinctive de notre espèce, à
l’instar de la possession du langage ou de l’art.
Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 396-398
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