Le meurtre, spécificité Humaines ? ; Diamond

Chez les espèces sociales, les meurtres n’impliquent nécessairement que des individus. Mais, chez les espèces sociales de carnivores, comme les lions, les hyènes et les fourmis, les meurtres peuvent prendre la forme d’attaques coordonnées, menées par les membres d’une troupe à l’encontre d’une troupe voisine : il s’agit, autrement dit, de meurtres de masse ou de «guerres». La forme de ces dernières varie d’une espèce à l’autre. Les mâles peuvent épargner les femelles de la troupe voisine et s’accoupler avec elles, tuer les nouveaux-nés et chasser les mâles (cas des singes entelles) ou bien les tuer (cas des lions) ; chez d’autres espèces, les mâles et les femelles sont tués (cas des loups). Hans Kruuk a décrit une bataille entre deux clans d’hyènes dans le cratère du Ngorongoro en Tanzanie : une douzaine d’hyènes environ, appartenant au clan de Scratching Rock, se saisirent d’un mâle du clan de Mungi et lui infligèrent toutes sortes de morsures, particulièrement au ventre, aux pattes et aux oreilles. Ses assaillants le lacérèrent pendant dix minutes environ. Le mâle fut littéralement mis en pièces, et lorsque Hans Kruuk put étudier de plus près ses blessures, il constata qu’il avait été amputé de ses oreilles, de ses testicules et du bout de ses pattes ; de plus, une lésion de la moelle épinière l’avait paralysé, et il présentait de profondes entailles au niveau train arrière et du ventre, et des hémorragies sous-cutanées sur tout le corps.

Pour comprendre l’origine de nos pratiques génocidaires, l’examen du comportement de deux de nos plus proches apparentés, le gorille et le chimpanzé commun, peut-il être éclairant ? N’importe quel biologiste aurait pensé, il n’y a guère, que notre capacité de commettre des meurtres dépassait de loin tout ce que pouvaient perpétrer les grands singes dans ce domaine, dans la mesure où nous semblions seuls capables de manier des outils et de mener des actions de groupe concertées (on inclinait alors même à croire que le meurtre n’existait pas du tout chez nos plus proches apparentés). Les recherches récentes sur les grands singes suggèrent, cependant, que tout gorille ou tout chimpanzé commun court à peu près le même risque de mourir assassiné par ses congénères que l’individu humain moyen. Chez le gorille, par exemple, les mâles se battent pour s’emparer des harems de femelles, et le vainqueur est susceptible de tuer le dépossédé ainsi que ses nouveaux-nés que ce dernier a engendrés. Ce genre de combat est l’une des grandes causes de mortalité chez le mâles adultes et chez les nouveaux-nés dans cette espèce. En moyenne, une femelle gorille perd, au cours de sa vie, au moins un bébé en raison des infanticides pratiqués par le mâles. Réciproquement, 38 pour cent des morts de bébés gorilles sont dues à des infanticides.

Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 510-511

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