Ces exemples de suicide écologique, ainsi que d’autres similaires, ont donc porté sur des populations qui ont soudainement été libérées des facteurs habituels régulant leurs effectifs. Les lapins et les rennes sont normalement la proie de prédateurs, et de plus, les rennes se servent sur les continents de la migration comme d’un régulateur qui les faitr quitter une région, de sorte que celle-ci peut régénérer sa végétation. Mais les îles de Saint Matthew et de Lisianski n’avaient pas de prédateurs, et la migration y était impossible, de sorte que les rennes, de même que les lapins, se nourrissent et se reproduisent sans que rien ne viennent les freiner.
Or, à l’évidence, l’espèce humaine entière s’est elle aussi, récemment affranchie des anciens facteurs limitant ses effectifs. Nous ne sommes plus soumis aux prédateurs depuis longtemps : le médecine du XXème siècle a considérablement la mortalité due aux maladies infectieuses ; et certaines des pratiques majeures de limitation de la démographie, comme l’infanticide, la guerre chronique et l’abstinence sexuelle, sont devenues socialement inacceptables. La population humaine mondiale double à peu près tout les 35 ans. Certes, cela ne représente pas une vitesse d’accroissement démographique aussi élevée que celle du renne à Saint-Matthew. L’île Terre est plus grande que l’île de la mer de Béring, et certaines de nos ressources sont plus renouvelables que les lichens (mais ce n’est pas le cas de toutes, comme le pétrole notamment). Toutefois, l’enseignement fourni par le cas du renne à Saint-Matthew reste à prendre en considération : aucune population ne peut croître indéfiniment.
Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 545-547
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