L’information
généralisée n’a pas sa place seulement à l’école ou à
l’université, mais aussi au sein de tous les groupes humains au
cours du processus de production. Imaginons que chaque homme au
travail puisse bénéficier chaque jour, de 17 à 65 ans, âge de sa
retraite, de deux heures pour s’informer. S’informer des problèmes
qui se posent aux niveaux d’organisation de l’entreprise où il
travaille, mais aussi à tous les niveaux d’organisation sus-jacents
qui englobent cette entreprise : niveau municipal, urbain,
régional, national, international, planétaire. Supposons qu’il
puisse aborder ces problèmes non point avec la seule aide de
l’ »analyse » rationnelle, mais qu’il puisse faire aussi
la part dans son discours et dans celui des autres de l’inconscient
des engrammations socioculturelles, des préjugés et jugements de
valeurs, individuels et de classe. Supposons qu’il apprenne ainsi à
se méfier de ses propres comportements, comme de ceux des autres.
Supposons enfin qu’une information non dirigée, multidisciplinaire
et vulgarisatrice, lui soit fournie, dépourvue de certitude
affective et de dogmes, d’affirmations gratuites mais présentées
comme « scientifiques » pour faire sérieux et s’imposer
plus facilement, qu’une information constamment contradictoire lui
soit fournie aux lieux mêmes de réunion dans l’entreprise, mais
aussi par l’intermédiaire des mass média et dans son groupe de
résidence, on imagine mal la richesse du matériel mémorisé que
son cortex orbito-frontal aurait alors à sa disposition. Utopie
peut-être, mais vers laquelle on pourrait au moins tendre ;
Henry Laborit ; La nouvelle grille.
La nouvelle
grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard.
Pg 287-288
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