On peut considérer que les vieilles sociétés égalitaristes de petite dimension ont tendu à inventer des pratiques écologiques (visant à la conservation des milieux et des espèces), parce que au fil de leur longue histoire elles ont disposé de beaucoup de temps pour bien connaître leur environnement local et percevoir où était leur propre intérêt. À l’inverse, les catastrophes sont survenues lorsque des peuples se sont mis à coloniser des milieux qu’ils ne connaissaient pas (comme les Maoris lorsqu’ils sont arrivés en Nouvelle-Zélande ou les Pascuans sur l’île de Pâques) ; ou lorsque des peuples se sont développés en bordure d’une nouvelle région et qu’ils ont été obligés de s’y introduire dès l’instant où ils avaient déterioré la région précédente (comme cela a été le cas pour les ancêtres des Indiens quand ils ont atteint l’Amérique) ; ou lorsque des peuples ont acquis une nouvelle technologie et qu’ils n’ont pas eu le temps d’en mesurer les potentialités destructrices (comme c’est le cas actuellement des Néo-Guinéens qui sont en train de décimer les populations de pigeon avect des fusils de chasse). On peut également dire que des catastrophes ont également toutes chances de se produire dans les États centralisés où la richesse est concentrée entre les mains de souverains qui n’ont pas de contact personnel avec l’environnement. Et certaines espèces et certains biotopes sont plus vulnérables que d’autres : pour les espèces, cela a été le cas des oiseaux ne volant pas et n’ayant jamais rencontré d’êtres humains (tels les moas ou les aepyornis). Pour les biotopes, cela a été le cas de milieux secs, fragiles et ne tolérant aucune déterioration, au sein desquels les civilisations méditerranéenne ou anasazi se sont développées.
Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 586-587
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