L’archéologie au secours du futur; Diamond

Peut-on tirer des leçons pratiques de ces récentes découvertes archéologiques ? On considère souvent que l’archéologie est une discipline universitaire sans grande importance pour la société ; en raison de ce statut, son budget est le premier à être réduit dès qu’il faut diminuer les dépenses allouées par le gouvernement à l’éducation. La recherche archéologique est cependant l’un des meilleurs outils de prédiction et d’évaluation dont puissent disposer les autorités. Nous sommes actuellement en train de lancer dans programmes de développement susceptibles de provoquer des dégâts irréversibles. Or, ils ne représentent que la réalisation, sur une plus grande échelle et avec plus d’efficacités, de programmes déjà exécutés dans le passé. Nous ne pouvons assurément pas nous permettre de faire des expériences consistant à laisser se développer cinq régions de cinq façon différentes pour voir lesquelles vont courir au désastre et lesquelles vont s’épanouir. En revanche, il est beaucoup moins coûteux et risqué de financer des recherches archéologiques ayant pour mission de découvrir comment tel développement économique ou technologique s’est inversé en catastrophe et de comprendre comment ne pas répéter les mêmes erreurs.

Un exemple éclairera mon propos. Le Sud-Ouest américain possède plus de deux cent cinquante mille kilomètre carré de forêts de pin pignons et de genévrier que nous sommes en train d’exploiter de plus en plus sous forme de bois de chauffage. Malheureusement, les services forestiers des États-Unis ne disposent pratiquement pas de données qui puissent les aider à calculer le rythme des prélèvements admissibles, en fonction du rythme de régénération de ce type de forêt. Or, les Anasazi ont déjà réalisé cette expérience jadis et se sont trompés, de sorte que cette végétation ne s’est toujours pas rétablie dans le Chaco Canyon, après 800 ans. Il serait moins coûteux de financer des recherches archéologiques pour retrouver à quel rythme les Anasazi ont consommé leur bois de chauffage que de commettre la même erreur qu’eux et transformer une région de 250 000 kilomètres carrés en désert, comme nous sommes peut-être en train de le faire aujourd’hui.

Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 587-589

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