Mais cette marche en
direction du sud a été marquée par un drame. Lorsque les chasseurs
Amérindiens arrivèrent en Amérique, les deux continents
fourmillaient de grands mammifères qui sont à présent éteints :
il y avait de mammouths, des mastodontes, ressemblant aux éléphants,
des paresseux terrestres, pesant jusqu’à trois tonnes, des
glyptodontes, ressemblant à des tatous, et pesant jusqu’à une
tonne, des castors de la taille d’un ours, des tigres à dents de
sabre et des lions, des guépards, des chameaux, des chevaux,
particuliers à l’Amérique, et bien d’autres encore. Si ces
animaux avaient survécu, les touristes d’aujourd’hui pourraient
voir, dans le parc national du Yellowstone, des mammouths et des
lions, en plus des ours et des bisons. La question de savoir ce qui
s’est passé, au moment de la rencontre des chasseurs indiens et de
cette faune, reste vivement débattue chez les archéologues et les
paléontologistes. Selon l’interprétation qui, à mes yeux, est la
plus vraisemblable, les chasseurs humains ont livré une «guerre
éclair» aux grands mammifères, qu’ils ont rapidement exterminés,
peut-être en une dizaine d’années, dans chacun de leur
territoires de chasse successifs. Si cette façon de voir est exacte,
il se serait donc produit, il y a 11 000 ans en Amérique,
l’extinction la plus massive depuis la chute de l’astéroïde qui
a éliminé les dinosaures il y a 65 millions d’années. Cet
épisode représenterait également la première de la série de
guerres éclair exterminatrices d’espèces animales qui entachent
notre supposé âge d’or, et qui nous caractérisent de façon
distincte en tant qu’espèce depuis lors.
Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 592-594
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