La caractéristique de notre espèce; Diamond

En peut-être moins d’un millier d’années après qu’ils eurent trouvé un passage pour franchir la couverture glaciaire qui recouvrait la frontière actuelle entre les États-Unis et le Canada, les Amérindiens sont descendus jusqu’à la pointe de la Patagonie et se sont installés sur les deux continents nord et sud de l’Amérique, deux régions inexplorées et fertiles. Cette marche des Amérindiens vers le sud a représenté la plus grande phase d’expansion géographique qui se soit produite dans l’histoire le Homo Sapiens. Rien ne pourra jamais arriver désormais sur notre planète qui ressemble même de loin à cet événement.

Mais cette marche en direction du sud a été marquée par un drame. Lorsque les chasseurs Amérindiens arrivèrent en Amérique, les deux continents fourmillaient de grands mammifères qui sont à présent éteints : il y avait de mammouths, des mastodontes, ressemblant aux éléphants, des paresseux terrestres, pesant jusqu’à trois tonnes, des glyptodontes, ressemblant à des tatous, et pesant jusqu’à une tonne, des castors de la taille d’un ours, des tigres à dents de sabre et des lions, des guépards, des chameaux, des chevaux, particuliers à l’Amérique, et bien d’autres encore. Si ces animaux avaient survécu, les touristes d’aujourd’hui pourraient voir, dans le parc national du Yellowstone, des mammouths et des lions, en plus des ours et des bisons. La question de savoir ce qui s’est passé, au moment de la rencontre des chasseurs indiens et de cette faune, reste vivement débattue chez les archéologues et les paléontologistes. Selon l’interprétation qui, à mes yeux, est la plus vraisemblable, les chasseurs humains ont livré une «guerre éclair» aux grands mammifères, qu’ils ont rapidement exterminés, peut-être en une dizaine d’années, dans chacun de leur territoires de chasse successifs. Si cette façon de voir est exacte, il se serait donc produit, il y a 11 000 ans en Amérique, l’extinction la plus massive depuis la chute de l’astéroïde qui a éliminé les dinosaures il y a 65 millions d’années. Cet épisode représenterait également la première de la série de guerres éclair exterminatrices d’espèces animales qui entachent notre supposé âge d’or, et qui nous caractérisent de façon distincte en tant qu’espèce depuis lors.

Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 592-594

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