Si nous admettons, comme nous l’avons proposé précédemment, que la créativité, finalité évidente de l’interdisciplanirité, résulte d’associations originales d’éléments pris à des disciplines différentes, il est difficile de savoir si ces associations doivent être réalisées en réunissant des individus différents appartenant à plusieurs disciplines, malgré les difficultés inhérentes à la dynamique des groupes humains, ou si ces associations peuvent être réalisées dans un même individu que nous avons dénommé « polyconceptualiste » pour l’opposer au « polytechnicien ».
Or, l’étude de la créativité touche là à la sociologie, car il semble que ce qui paraît le plus souhaitable c’est une équipe de monotechniciens polyconceptualistes. Mono techniciens parce qu’il faut bien à un moment ou à un autre « informer » la matière et que cette possibilité de mise en forme, nous l’avons dit, est difficile à acquérir par un même homme dans plusieurs disciplines à la fois. Polyconceptualistes car c’est la façon la plus simple de faire disparaître la morgue interdisciplinaire, d’accorder les langages donc de permettre l’échange profitable des informations entre monotechniciens, et surtout d’aboutir à la création. A la création de nouvelles structures à laquelle chacun peut participer sur le plan conceptuel, alors qu’il se trouve protégé parallèlement par la technicité de tous les autres. Une telle équipe constitue en définitive un modèle peut-être utopique, d’une société humaine harmonieuse et efficace, fondée sur la distinction nécessaire entre information spécialisée, que l’on pourrait aussi appeler professionnelle ou technique, et information généralisée, celle concernant les structures d’ensemble et leur dynamisme fonctionnel. Existe-t-il un autre moyen d’atteindre la tolérance ?
La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard.
Pg 317-8-319