Le Gynocide-2 ; Gazalé

Pour la fillette qui aura eu la chance de ne pas mourir in utero, la partie ne sera pas facile. Quand l’option choisie pour sceller son sort n’est pas, tout simplement, celle de l’abandon dans un orphelinat-mouroir, elle devra se faire discrète au moment des rituels de deuil qui accompagnent sa naissance, au poison versé dans le biberon, au grain de riz étouffeur ou au linge imbibé d’éther et grandir sans l’apport de protéinique et le suivi médical réservés à ses frères, pour ne parler que des traitements différentiels portant sur le droit à la vie et à la santé, les autres discriminations pouvant presque passer par comparaison, pour secondaires. Pourtant, le fait de ne pas avoir d’existence légale, comme c’est le cas de millions de petites chinoises, constitue aussi, outre un immense handicap en terme d’intégration sociale, un facteur important de risque sanitaire. Car comment soigner une petite fille qui n’a pas de nom ?

Mais le pire est à venir, quand elle sera devenue adulte, car au moindre prétexte, elle risque d’être victime d’un crime dit d’«honneur», comme 5000 autres femmes par an dans le monde. Dans un article intitulé «Au nom de l’«honneur» : crime dans le monde musulman1», la journaliste Sandiren Treiner, commentant un rapport alarmant2, précise «qu’il n’est en aucun cas besoin qu’une femme ait commis quelque acte jugé répréhensible pour être condamnée à mort». «Une suspicion ou une rumeur de «conduite immorale», sur simple allégation, suffit amplement, comme la fait de refuser un mariage arrangé ou de recevoir un appel téléphonique d’un homme. Dans quantité de pays au Moyen-orient, d’Asie du sud et d’Amérique latine, «la mort, sanction suprême, est décidée par le collectif famillial ou le conseil du village en vertu du droit coutumier et ne souffre aucune objection».

Il existe d’autres punitions que la mort, pas nécessairement plus clémentes d’ailleurs, dans certains cas peut-être même pire : il y a d’abord, bien sûr, les coups, surtout quand ils sont recommandés par les textes religieux, comme cette sourate du Coran : «Les femmes vertueuses sont obéissantes […] Et quand à celles dont vous craignez le désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elle dans leur lits et frappez-les» (sourate 4,34). On peut aussi opter pour le jet d’acide dans le visage, très prisé en Inde, au Pakistan et au Bengladesh, parce qu’il promet une défiguration rapide, infamante et irréversible. Mais la sanction la plus jouissive est celle qui consiste à réprimer la femme par la souillure et l’humiliation en la prenant de force.

1 : in Le livre noir de la condition des femmes, coordonné par Sandrine Treinet, postface de Françoise Gaspard, Paris, Points, 2007.

2 : Rapport sur des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires présenté au conseil économique et social des nations unies et 1999.

Le mythe de la virilité, un piège pour les deux sexes ; Olivia Gazalé ; Robert Laffont ; 2017 ; p. 86-88

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