Or, les technologies que nous espérons salvatrices ne font qu’ajouter à ces difficultés. En misant sur le tout technologique pour notre lutte contre le changement climatique, nous risquons fort de créer de nouvelles pénuries (elles-mêmes nécessitant un recours accru à l’énergie) et d’accélérer ainsi le système de manière involontaire. Car les «technologies vertes» sont généralement basées sur des nouvelles technologies, des métaux moins répandus et contribuent à la complexité des produits, dont à la difficulté du recyclage.
Prenons quelques exemples.
- Pour réduire de quelques grammes les émissions de CO2, par kilomètre, sans renoncer ni à la taille ni aux performances (principalement la vitesse et la résistance au choc) des véhicules, la seule solution, en dehors du rendement du moteur lui-même, est de les alléger. Pour cela, on utilise des aciers de hautes performance, toujours plus complexes, alliés avec de petites quantités de métaux non ferreux (manganèse, vanadium, niobium, titane,…) : non seulement ceux-ci ne sont plus récupérables en fin de vie (et sont recyclés en acier carbone pour armatures à béton du bâtiment), mais le niveau attendu de «pureté» des alliages est tel qu’il est nécessaire d’y employer des aciers de premières fonte.
- Les bâtiments basse consommation ou à énergie positive sont eux aussi consommateurs de nombreuses ressources rares : équipements bourrés d’électronique (capteurs, gestion technique du bâtiment, micromoteurs des stores électriques automatiques…), additifs dans les verres faiblement émissifs, etc.
- Pour développer les énergies renouvelables de manière significative, sans remise en cause de nos exigences en termes de continuité de service, il serait (sera?) nécessaire de relier les milliers d’éoliennes, de «fermes» photovoltaïques et de dispositifs de stockage (dans les batteries des véhicules, sous forme de méthane, d’hydrogène, etc.) par des smartt grids (réseaux intelligents) afin de permettre à tout instant l’équilibre entre une offre erratique et intermittente et une demande variable, avec des consommteurs qui seront connectés par des compteurs eux aussi «intelligents» et communicants (Linky d’ERDF, en phase pilote) pernettant d’effacer la demande. Un tel macrosystème technique sera basé sur de très nombreux équipements high tech, bourrés d’électronique et de métaux rares.
L’âge des Low Tech, Philippe Bihouix ; Anthropocène ; Seuil ; 2014 ; pp 71-72