Les Mélanésiens natifs qualifient souvent un individu aussi ambitieux de «Grand homme», terme qui est entré dans l’usage anthroplologique1. Un grand homme s’efforce de construire un groupe de partisans, mais n’y parvient jamais de façon permanente. Étant donné que son influence se limite à sa faction, l’étendre implique augmenter le nombre de ses partisans. Conjointement, la loyauté des partisans déjà acquis doit être constamment renouvelée au moyen de largesses. D’où la tension suivante : alors que des ressources sont affectées pour élargir la faction, celles qui sont disponibles pour maintenir les loyautés antérieures ne peuvent que décliner. Au fur et à mesure qu’un grand homme tente d’étendre sa sphère d’influence, il a de fortes chances de perdre le tremplin qui lui a permis de l’obtenir. Les systèmes du grand homme contiennent ainsi une limitation structurelle intrinsèque de leur portée, de leur étendue et de leur durabilité2.
1 : par ex Sahlins Marshall D., Poor man, Rich Man, Chief : Political types in Melanesia and Polynesia, Comparative studies in society and history 5, 1963 pp. 285-303
2 : Sahlins Marshall D., Poor man, Rich Man, Chief : Political types in Melanesia and Polynesia, Comparative studies in society and history 5, 1963 pp. 285-303 ; Sahlins Marshall D., Tribesman, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, 1968
L’effondrement des sociétés complexes ; Joseph A. Tainter ; édition française, Le retour aux sources, 2013, p. 28