Le mirage de l’aquaculture ; Bihouix

Le poisson est en voie d’épuisement et partout les stocks sont victimes de surpêche. Comme pour les rendements dans l’énergie, il y a un indicateur qui ne trompe pas : c’est la chute du CPUE, le catch per unit effort, qui indique que l’on utilise des bateaux toujours plus puissants, plus gros, plus équipés de hautes technologies (voir par exemple l’équipement sonar des thoniers-senneurs pour détecter et identifier les bancs), que l’on pêche toujours plus profond (on retrouve dans nos assiettes des poissons d’eaux profondes qui peuvent avoir jusqu’à 130 ans d’âge), sans pour autant augmenter la quantité de prise mondiale. Elle est au contraire en stagnation ou légère baisse, à 95 millions de tonnes par an.

Heureusement, disent les optimistes béats, l’aquaculture se développe ! Elle serait la réponse à la pénurie de poisson et à l’effondrement des pêcheries dans le monde entier. Mais il y a un hic : nous mangeons des poissons plutôt carnivores, même des superprédateurs des océans, des bars, des thons, des espadons, des ailerons de requins, de «niveau trophique» 4 ou plus. Il faut donc 3 à 4 kg de poisson sauvage pour faire 1 kg de poisson d’élevage comme le saumon ou la daurade ! Et 20 % des prises mondiales, joliment dénommées «poissons fourrage», comme les anchois péruviens, sont déjà consacrées à l’aquaculture… Il n’y a donc pas de miracle à attendre de ce côté-là (sauf en passant à des poissons végétariens, ce que font les Chinois avec leur important élevage de carpes) et il faudra faire «maigre».

L’âge des Low Tech, Philippe Bihouix ; Anthropocène ; Seuil ; 2014 ; pp 188-189

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