Avec l’élevage et l’agriculture répartis sur les mêmes territoires, on améliore grandement la question des engrais, qui peuvent redevenir majoritairement organiques : fumiers et déchets d’abattoir (os, corne, sang desséché) pour l’azote (N) et le Phosphate (P), ou cendre de potassium (K)…
Cependant, le principe de Lavoisier étant toujours valable, il reste les nutriments présents dans les aliments que l’on prélève à la terre, et qu’il faut, à un moment ou à un autre, retourner – ce que l’on ne fait pas actuellement, d’où la compensation par des amendements de synthèse ou miniers. J’en arrive donc à la partie délicate du «programme», puisqu’il faudrait, idéalement récupérer les précieux azote, phosphore et potassium dans les matières fécales. Pour ces dernières, ce fut une longue habitude des paysans et maraîchers périurbains que de récolter goulûment, après passage intermédiaire par les «voiries», la «poudrette» issue des excreta urbains.
Disons que, sous nos latitudes, à peu près toutes les eaux usées passent par une station d’épuration, ou en fosse septique. Deux possibilités : soit on capte «à la source» (toilettes sèches en habitat individuel, récupération séparée des urines en habitat collectif, avec des exemples en Europe du Nord…), soit on récupère les boues en sortie de station d’épuration. Mais ces boues, dans le système actuel, sont fortement polluées : par les produits chimiques présents dans les eaux usées – cosmétique, produits d’entretien, peintures, médicaments… – et par les polluants léchés sur les sols par les eaux de pluie, majoritairement en provenance des pots d’échappement et des pneus des véhicules. En réduisant à la source la pollution (produits ménager et cosmétiques «bio», réduction très forte de l’utilisation des véhicules en ville), on pourrait réduire la pollution de ces boues , mais pas complètement sans doute, à cause de la pollution déjà présente sur tous les sols artificialisés, qui mettra longtemps à partir, ou ne partira pas du tout, quand c’est le bitume lui-même qui contient des métaux lourds.
L’âge des Low Tech, Philippe Bihouix ; Anthropocène ; Seuil ; 2014 ; pp 186-187