Utanapištî s’adressa donc à lui,
Gilgameš :
« Gilgameš,
je vais te révéler un mystère,
te confier
un secret des dieux.
Tu connais
la ville de Surupak,
sise
au bord de l’Euphrate,
vieille cité,
Visitae Interiora Terrae Rectificando Invenies Occultum Lapidem
Utanapištî s’adressa donc à lui,
Gilgameš :
« Gilgameš,
je vais te révéler un mystère,
te confier
un secret des dieux.
Tu connais
la ville de Surupak,
sise
au bord de l’Euphrate,
vieille cité,
Mais An , le roi des dieux, de lui répondre :
« Ma fille veut donc abattre ce pays :
mais pourquoi ?
Inanna veut abattre ce pays :
mais pourquoi ?
Elle veut abattre l’Ebih : mais pourquoi ?
Il a répandu sa craint e et sa terreur
jusqu’au séjour des dieux !
Il a répandu son épouvante
jusqu’à la résidence des Anunna !
Il a répandu sa crainte et sa terreur
parmi la terre entière !
Ce pays a répandu son éclat surnaturel
jusque sur la montagne !
Ses hauteurs, avec arrogance, se dressent jusqu’au ciel !
Les fruits comblent ses jardins florissants :
la luxuriance s’y étale !
Ses arbres élancés emplissent les profondeurs du ciel :
comme ils sont beau à voir !
Sous leur branches entrelacées,
L’Ebih fait circuler des couples de lions ;
il y a laissé se multiplier à l’excès ours et cerfs ;
il a fait errer çà et là des aurochs
parmi ses opulents herbages,
et des chevreuils s’accouplent entre ses « cèdres » montagneux !
Sa crainte et sa terreur ne t’y laisseront pénétrer !
Le terrifique éclat surnaturel de ce pays,
nul n’y peut faire face, ô jeune femme Inanna.
Victoire d’Inanna sur l’Ebih, v.111-129
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.]]>110.
Mais il nous reste aussi un fragment théologique, de tradition certainement ancienne, peut-être même antérieure à l’ Enûma eliš, et qui, pour mieux répondre, apparemment, au sentiment que l’on éprouvait de la supériorité ontologique des dieux en même temps que de leur hiérarchie dans l’échelle des valeurs surnaturelles, leur conférait pour symbole, indicatifs et idéogrammes, les concepts les plus immatériels et abstrait que l’on connût alors : les nombres. Celui de dix est attribué à Marduk, celui de quarante à Éa, et celui de cinquante à Enlil. Ici, non seulement Marduk apparaît « composé » en quelque sorte de sa propre valeur cumulée avec celle de son père, Éa (10+40=50), mais, tout en étant lui-même, il reçoit en fait le rôle d’Enlil, souverain des dieux et des hommes, celui-ci passant, du coup, comme Anu avant lui, au rang de deus otiosus : n’est-il pas éloquent, alors, qu’après lui avoir conféré, en « noms » divers, son propre chiffre, dix, on le porte ensuite, par une seconde surérogation, à cinquante ?
L’épopée de la création,pg 673.
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.
]]>Épelons donc ces cinquante noms
pour démontrer la gloire de sa personne,
et pareillement de ses oeuvres !
Et tout d’abord : Marduk, comme dès sa naissance,
l’appela son père Anu :
Le fournisseur des pacages et des aiguades,
celui qui fait regorger les étables des hommes !
Celui qui, de son arme « Déluge »,
a vaincu les fauteurs de trouble
et sauvé de leur grande détresse
les dieux, ses pères !
….
aux hommes qu’il a crées,
êtres doués du souffle,
il a imposé la corvée des dieux,
pour laisser ceux-ci de loisir !
Produire ou anéantir,
libérer ou châtier :
c’est à son gré
-eux ne font que le contempler !
Marukka : autrement-dit, le Dieu
qui les a créés, de lui-même,
pour le bonheur des Anunnaki
et le loisir des Igigi !
…..
Asalluhi, tel est le nom
que lui conféra son père Anšar :
car il est bien la lumière des dieux,
leur puissant chef de file,
……
Tels sont les désignations que les Igigi
énumérèrent tout du long.
Quand Éa les eut entendues,
son cœur exulta (et il dit) :
« Celui de qui les pères
ont glorifié les dénominations,
que son nom, à lui, comme à moi,
soit pareillement Éa !
Qu’il promeuve, en totalité,
le système de mes status,
et qu’il mette en oeuvre, lui-mêmme,
l’universalité de mes mandats! »
La glorification de Marduk, l’épopée de la création,tablette VI, v.121-126, v.129-134, v.147-148, tablette VII, v.137-142.
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.
]]>Une fois qu’Éa eut immobilisé
et terrassé ces malveillants,
et remporté
son triomphe sur ces adversaires,
Emmi ses appartements
il se reposa dans le plus grand calme :
il appela ce palais Apsû,
et l’on y marqua les Salles-de-cérémonie.
Là même, il établit
sa chambre nuptiale,
où Éa, avec Damkina, son épouse,
siègent en majesté.
Dans ce sanctuaire-aux-destins,
cette chapelle-aux-sorts,
fut procrée le plus intelligent,
le sage des dieux, le Seigneur :
au milieu de l’Apsû,
Marduk fut mis au monde-
au milieu du saint-Apsû,
Marduk fut mis au monde.
Le mit au monde
Éa, son père,
et accoucha de lui
sa mère, Damkina.
Il ne téta jamais
que mamelles divines :
la nourrice qui l’élevait
le fit s’emplir d’une vitalité formidable.
Sa nature était débordante ;
son regard, fulgurant ;
il était homme-fait de naissance,
et pleine force dès l’origine.
En le voyant, Anu,
le progéniteur de son père,
s’éjouit, s’éclaira
et eut le cœur plein d’aise.
Quand il l’eut détaillé :
« sa divinité est tout autre (,dit-il)
Il est bien plus sublime :
il les dépasse en tout !
Ses formes sont inouïes,
admirables,
impossibles à imaginer,
insupportables à regarder.
Quatre sont ces yeux,
et quatre sont ces oreilles.
Lorsqu’il remue les lèvres,
le feu flamboie !
Quatre oreilles
lui ont poussé,
et ses yeux, en pareil nombre,
inspectent l’univers !
C’est le plus haut des dieux,
suréminent par sa stature :
sa membrure est grandiose
-il est suréminent de naissance !
Mon enfant est un Utu (-soleil) !
Mon enfant est un Utu (-soleil) !
Mon enfant est un Soleil :
le vrai soleil des dieux !
Il est enveloppé de l’éclat surnaturel de dix-dieux,
il est subliment couronné,
et cinquante Rayonnements terrifiques
sont accumulés sur lui! »
La glorification de Marduk, l’épopée de la création, v.73-104
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.
]]>Lorsque Là-haut
le ciel n’était pas encore nommé,
et qu’Ici-bas la terre ferme
n’était pas appelée d’un nom,
seuls Apsû-le-premier,
leurs progéniteur,
et mère …-Tiamat,
leur génitrice à tous,
mélangeaient ensemble
leurs eaux :
Ni bancs-de-roseaux n’y étaient agglomérés,
Ni cannaies n’y étaient discernables.
Et alors que des dieux
nul n’étaient encore apparu,
qu’ils n’étaient ni appelés de noms
ni lotis de destins,
En Apsû-tiamat les dieux
furent produits :
Lahmu et Lahamu apparurent
et furent appelés de noms.
Avant qu’ils fussents devenus
grands et forts,
furent produits Anšar et Kišar,
qui leur étaient supérieurs.
Quand ils eurent prolongé leurs jours,
multiplié leurs ans,
Anu fut leur premier-né,
Conforme à ses parents.
Comme Anšar avait fait semblable à lui
Anu, son rejeton,
Anu pareillement, à sa semblance,
procréa (Éa) Nudimmud.
Or, Nudimmud, lui.
Le futur ordonnateur de ses parents,
était large d’entendement, sage
et doué d’une force immense ;
Bien plus puissant
que le procréateur de son père, Anšar,
il n’avait point d’égal,
comparé aux dieux ses frères.
Ayant dons fermé une bande
ces dieux-frères
troublèrent Tiamat
en se livrant au remue-ménage :
Bouleversant
l’intérieur de Tiamat,
ils tracassèrent, par leurs ébats,
le dedans de l’ « Habitacle-divin ».
Apsû n’arrivait pas
à calmer leur tumulte.
Tiamat, cependant,
demeurait impassible devant eux :
leurs agissements
lui étaient désagréables,
leur conduite, blâmable,
mais elle les épargnait.
Alors, Apsû,
Le producteur des grands-dieux,
appela son Mummu
et lui dit :
« Ô Mummu, toi, mon page
qui me contentes l’âme,
Viens,
allons trouver Tiamat! »
Ils s’en allèrent donc
et, assis en présence de Tiamat,
discoururent et discutèrent
touchant les dieux, leurs rejetons.
Apsû,
ayant ouvert sa bouche,
haussa la voix
et dit à Tiamat :
« Leur conduite
m’est désagréable :
le jour, je ne repose pas ;
la nuit, je ne dors pas !
Je veux réduire à rien
et abolir leur activité,
pour que soit rétabli le silence
et que nous autres, nous dormions! »
Tiamat,
entendant cela,
courroucée,
vociféra contre son époux,
et, s’étant montée d’elle-même,
récrimina aigrement contre Apsû,
parce qu’il avait insinué
du mal en son esprit :
« Pourquoi, nous-mêmes
détruirions-nous ce que nous avons produit ?
Leur conduite est fort désagréable ?
Patientons avec bienveillance! »
Mummu prit alors la parole
pour conseiller Apsû,
tout page qu’il était, récusant
l’avis de sa génitrice :
« Abolis donc, mon père,
cette activité turbulente
pour que tu reposes le jour
et que tu dormes la nuit! »
Apsû s’en réjouit
et les-traits-de-sa-face-brillèrent,
pour le mal qu’il avait machiné
contre les dieux ses enfants :
Il entoura-de-son-bras
la nuque de Mummu,
lequel s’assit sur ses genoux,
et l’Apsû l’embrassa.
Or, tout ce qu’ils avaient machiné
en leur réunion,
on le répéta
aux dieux, leurs rejetons.
L’ayant appris,
ces dieux s’agitèrent,
puis gardèrent le silence
et demeurèrent cois.
Supérieurement intelligent,
expérimenté, subtil,
Éa qui comprend tout
perça leur plan.
A l’intention d’Apsû, il combina
et agença un projet d’ensemble :
ayant ajusté contre lui
son charme auguste le plus fort,
Il le lui récita
et, d’un philtre, le mit au repos :
le sommeil l’envahit
et il dormait béatement.
Quand il eût endormi Apsû,
envahi de sommeil,
et que Mummu-le-conseiller
fut trop hébété pour se tenir-sur-ses-gardes.
Éa détacha le bandeau-frontal d’Apsû
et ôta sa couronne ;
il confisqua son Eclat-surnaturel
et s’en revêtit lui-même ;
Puis, l’ayant terrassé,
il le mit-à-mort
et enferma Mummu,
barrant sur lui la porte.
Il établit alors sur Apsû
son habitacle,
et se saisit de Mummu
qu’il tenait par sa laisse-de-nez.
La glorification de Marduk, l’épopée de la création, v.1-72
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.
]]>Nintu se mit debout
et, devant nous, se complaignit :
« D’où nous arrive Anu, notre chef ?
Et Enlil ? Il a donc participé au banquet,
lui qui, inconsidérément, avait décidé le Déluge
et voué les hommes à cette hécatombe,
tandis que vous autres preniez avec lui
une pareille décision finale ?
A présent, les visages des hommes
ont disparu dans les ténèbres! »
Puis, approchant (la main) du grand collier-de- « mouche »
qu’Anu lui avait ….. elle dit :
« Ce mien désespoir à leur sujet,
C’était mon destin !
Qu’Anu me tire de ma détresse
et m’éclaire le visage !
Le poème d’Atrahasîs, ou de Supersage, tablette V, v.37-51
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.
]]>…le verbe banû, utilisé ici, et que l’on rencontre souvent dans les mythes et récits analogues, reste vague : il signifie aussi bien « construire », « édifier » (un mur, une maison, une ville) que « produire », « manufacturer » (une statue, une porte, un objet de métal), et même, mais plus exceptionnellement, « faire » (un enfant).
………….
Anu crée le ciel … par « engendrement », par « génération sexuée », par « procréation » : champ sémantique couvert par le verbe utilisé rehû.
Commentaires sur Le ver du mal de dents, pg 485 et 487
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.
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