La création est-elle une fuite?; Laborit

Cela a plusieurs conséquences : la première est que si le sujet automatisé, conforme, peut espérer trouver son équilibre biologique, son plaisir et sa récompense dans le système hiérarchique et les valeurs dites morales qui lui sont imposées par la structure sociale à laquelle il appartient, dans d’autres cas ces automatismes vont s’opposer aux pulsions instinctuelles et créer des antagonismes synaptiques, ne pouvant trouver d’assouvissement par une action efficace sur l’environnement. On peut de cette façon créer des psychoses expérimentales chez l’animal. Il est probable qu’il en est de même chez l’homme. La résolution du conflit ne peut être trouvée que dans l’explosion agressive, la névrose ou la psychose, suivant l’ancienneté du conflit, la fuite vers la drogue dont l’alcool est la plus largement répandue, ou l’imaginaire, la création d’un autre monde consolateur et gratifiant. C’est à cette dernière solution que répond la création , artistique ou scientifique. Nous retrouvons la motivation de la recherche du plaisir, mais aussi l’impossibilité d’y parvenir dans un système hiérarchique et de dominance déterminé, la fuite de la douleur d’être soumis à des lois inacceptables pour une structure neuve, elle même rejetée par ces lois.

La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard.

Pg 311-312

Le bon coté des automatismes-2 ; Laborit

C’est essentiellement sur l’acquis mémorisé que reposent les automatismes socioculturels. Ces automatismes n’ont pas que des conséquences défavorables. Un geste automatique devient inconscient, rend l’action plus rapide et plus efficace que si elle devait chaque fois être redécouverte ou repensée. On conçoit qu’une société entièrement orientée vers la production de marchandises cherche, à tous les niveaux des hiérarchies professionnelles, à favoriser les automatismes, à les établir de façon stable. Dans notre vie journalière, les automatismes peuplent nos comportements. Nous marchons, nous respirons, nous conduisons notre voiture, nous nous comportons en société de façon presque automatique. Nos actions sont, de plus, façonnées par l’automatisme du langage, expression de la « culture » du moment. Mais quand on passe du geste à la parole, quand on étudie la façon dont sont établis dès la naissance pour une société donnée, ces automatismes socioculturels, on est bien forcé d’admettre que la presque totalité de nos jugements ne sont que l’expression d’automatismes de pensée, qui n’ont de valeur que par le conformisme nécessaire à la survie d’un individu dans une société donnée.

La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard.

Pg311