Ne s'adresser qu'à l'affectivité des masses, qu'à leurs automatismes culturels, c'est rabaisser les individus ; Laborit

Il faut avouer que c’est vraiment mépriser ces masses que de les croire incapables de progrès conceptuels et définitivement automatisées par un langage stéréotypé, des slogans éculés, motivés irrémédiablement par leur seul intérêt digestif, l’appétit de consommation. Ne s’adresser qu’à l’affectivité des masses, c’est rabaisser les individus qui les constituent au rang des espèces qui nous ont précédés et se « servir » d’eux pour asseoir un pouvoir et des privilèges nouveaux.

Certes, il faut mobiliser les masses, mais il faut les mobiliser contre toute structure hiérarchique de dominance, toute structure fermée, figée, sclérosée, analytique et non synthétique, contre celles existantes, mais aussi contre celles qui pourraient survenir. Et pour mobiliser, pour les motiver, il est préférable de s’adresser à leur raison qu’à leur pulsions ou leurs automatismes culturels, ou du moins il faut les motiver raisonnablement. Il faut que leur pulsions fondamentales les amènent à raisonner les mécanismes d’établissement et le contenu de leurs automatismes.

La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard.

Pg292

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Freud sous l'angle de la psychologie évolutive; Wright

Le meilleur, chez Freud, c’est sa compréhension de notre paradoxe : être un animal éminemment social, être au fond de nous libidineux, rapaces et, de manière générale, égoïstes, tout en ayant à vivre en parfaite civilité avec d’autres êtres humains – c’est-à-dire devoir atteindre nos objectifs animaux par de torteux sentiers de coopération, de compromis et de retenue. C’est de ce point de vue que découle l’idée la plus essentielle de Freud sur l’esprit : il est le lieu des conflits entre pulsions animales et réalité sociales. Paud D. MacLean nous offre une vision biologique de ce type de conflits. Il qualifie le cerveau humain de cerveau «trin», dont les trois parties fondamentales résument notre évolution : un noyau reptilien (siège de nos instincts élémentaires), entouré d’un cerveau «paleomammifère» (qui a notamment doté nos ancêtres de l’affection pour la progéniture), lui-même entouré d’un cerveau «neomammifère». Le volumineux cerveau «neomammifère» nous apporte le raisonnement abstrait, le langage et, peut-être l’affection (sélective) pour des personnes étrangères à la famille. Il est, écrit MacLean, «un domestique qui rationalise, justifie et donne une expression verbale aux parties protoreptilienne et [paleomammifère] limbaires de notre cerveau»1. Comme beaucoup de schémas bien pensés, celui-ci peut-être d’une trompeuse simplicité, mais il saisit une (peut-être la) caractéristique décisive de notre trajectoire évolutive : trajectoire qui va de la solitude au social, et au cours de laquelle la quête de la nourriture et de la sexualité devient une entreprise de plus en plus subtile et élaborée. Le «ça» freudien – monstre tapis dans les fondations- s’est probablement développé à partir du cerveau reptilien, produit de l’histoire évolutive présociale. Le «surmoi» – grosso modo la conscience- est une invention plus récente. Elle est la source de différentes formes d’inhibition et de culpabilité, destinées à maîtriser le ça d’une façon génétiquement rentable : c’est le surmoi qui nous empêche, par exemple, de porter tort à nos frères et sœurs et de négliger nos amis. Le «moi» est la partie qui se trouve au milieu. Ses objectifs inconscients sont ceux du ça, et pourtant il les poursuit en calculant à long terme, attentif aux avertissements et aux réprimandes du surmoi. Randolph Nesse et le psychiatre Alan T. Lloyd ont mis en évidence une adéquation entre les vues freudiennes et darwiniennes du conflit psychique. Ils voient dans le conflit un affrontement entre des avocats concurrents, affrontement produits par l’évolution pour produire de bons conseils, tout comme la tension entre les membres d’un gouvernement est conçue pour produire une bonne administration. Le conflit fondamental – le discours fondemantal – se situe «entre motivation égoïste et altruiste, entre recherche du plaisir et conduite normative et entre intérêts individuels et collectifs. Les fonctions du ça correspondent au premier terme de chacun de ces doublets, tandis que les fonctions du moi/surmoi correspondent au second». Et la vérité fondamentale, dissimulée derrière le seconde moitié de la proposition, réside dans «les bénéfices que l’on tire, a posteriori, des relations sociales.2 1 :MacLean Paul D., «A Triangular brief on the brain evolution and law», in Gruter, margaretet Bohannan Paul, Law, Biology, and culture, Santa Barbara, Californie, Ross Erikson Inc.,1983, p 88. Pour un survol rapide de l’évolution du cerveau, consulter Jastrow Robert, The enchanted loom:Mind in the universe, New York, Simon and Schuster ; 1981 2 :Nesse Randolph et Lloyd Alan, «The evolution of psychodynamic mechanisms» in Barkow Jerome H., Cosmides Leda et Tooby John, The adapted mind :Evolutionary psychology and the generation of culture, New York, Oxford University press ; 1992, p 164 L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 520-522.]]>

Conscience et réputation; Wright ; l'animal moral

Lorsque nous nous sentons coupables d’avoir blessé ou trompé un frère ou une sœur, c’est parce que la sélection naturelle «veut» que nous soyons gentil avec nos frères et sœurs, puisqu’ils partagent un si grand nombre de nos gènes. Lorsque nous nous sentons coupables d’avoir blessé ou trompé un ami, ou une simple connaissance, c’est parce que la sélection naturelle «veut» que nous ayons l’air gentils ; c’est la perception de l’altruisme, et non l’altruisme lui-même, qui déclenche la réciprocité. Aussi, dans les rapports que nous entretenons avec ceux qui n’appartiennent pas à notre famille, le but de la conscience est-il de cultiver une réputation de générosité et de gentillesse, quelle que soit la réalité de la chose1. Bien sûr, pour gagner et conserver cette réputation, il faudra parfois faire preuve d’une générosité et d’une gentillesse authentiques. Mais d’autres fois, non… Ainsi la conscience de Darwin fonctionne à le perfection. Elle fait de lui un être généralement fiable, du fait de sa générosité et de sa gentillesse – dans un environnement social si restreint que génélosité et gentillesse véritables sont indispensables au maintien d’une bonne réputation morale. Mais sa bonté se révèle ne pas être d’une constance absolue. Cette conscience tant vantée, rempart apparent contre toute corruption, dispose cependant d’un discernement suffisant pour se laisser un peu fléchir le jour où la longue quête d’un statut exige une légère défaillance morale. Ce qui permet à Darwin, fut-ce inconsciemment, de tirer subtilement certaines ficelles et d’utiliser de nombreuses relations sociales aux dépens d’un jeune et impuissant rival. Certains darwiniens ont suggéré que l’on pouvait voir la conscience comme l’administrateur d’un compte épargne où se trouverait conservée la réputation morale2. 1:Mais aider grandement un allié, même à peu de frais, peut s’avérer avantageux si cela met ce dernier en situation de mieux vous aider par la suite 2:Voir Alexander Richard D., The biology of moral systems, Aldine de Gruyter, Hawthorne, New York ; 1987 L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 500-501]]>

Crédibilité et prestige; Wright ; l'animal moral.

1. Quand, sur certaines questions de biologie, nous avons le choix de croire un professeur d’université ou un enseignant dans un lycée, nous penchons généraliment pour le professeur. Dans la mesure où le professeur a le plus de chances d’avoir raison, on peut dire que le choix est judicieux. Mais, par ailleurs, ce choix n’est qu’un autre dérivé arbitraire de l’évolution – une considération réfléchie pour le statut de quelqu’un. 1 :Voir Aronson Elliot, The Social animal, San Francisco, W. H. Freeman, 1980, pg 64-67 L’animal Moral, Psychologie évolutionniste et vie quotidienne ; Robert Wright ;Folio Documents ; Pg 484]]>

L'autre peut devenir une drogue ; Henry Laborit ; La nouvelle grille.

A côté des relations hiérarchiques établies au sein de son activité productrice, les relations d’un individu avec son entourage, créent dans son système nerveux des habitudes qui le rendent dépendant de l’autre et rendent l’autre dépendant de lui. Malheureusement s’il survient des interférences dans un seul sens, un syndrome analogue à celui de la privation d’un toxique dont on est devenu dépendant, peut survenir. La nouvelle grille ; Henri Laborit ; Folio Essai ; Gallimard. Pg 253]]>

Le besoin d'un but plausible comme raison et loi dernière; Friedrich Wilhelm Nietzsche; Le Gai savoir

cet instinct qui règne d’une façon égale chez les hommes supérieurs et vulgaires, l’instinct de conservation, se manifeste, de temps en temps, sous couleur de raison, ou de passion intellectuelle; il se présente alors, entouré d’une suite nombreuse de brillants motifs, et veut, à toute force, faire Continuer la lecture de « Le besoin d'un but plausible comme raison et loi dernière; Friedrich Wilhelm Nietzsche; Le Gai savoir »

L'espèce est tout, l'individu n'est rien; Friedrich Wilhelm Nietzsche; Le Gai savoir

Peut-être y a-t-il encore un avenir pour le rire ! Ce sera lorsque, la maxime « l’espèce est tout, l’individu n’est rien », se sera incorporée à l’humanité, et que chacun pourra, à chaque moment, pénétrer dans le domaine de cette délivrance dernière, de cette ultime irresponsabilité. Peut-être alors Continuer la lecture de « L'espèce est tout, l'individu n'est rien; Friedrich Wilhelm Nietzsche; Le Gai savoir »

Suis tes meilleurs ou tes plus mauvais penchants, tu seras probablement encore, d'une façon ou d'une autre, le bienfaiteur qui encourage l'humanité; Friedrich Wilhelm Nietzsche; Le Gai savoir

J’ai beau regarder les hommes, soit avec un regard bienveillant, soit avec le mauvais œil, je les trouve toujours occupés, tous et chacun en particulier, à une même tâche : à faire ce qui est utile à la conservation de l’espèce. Et ce n’est certes pas à cause d’un sentiment d’amour pour cette espèce, Continuer la lecture de « Suis tes meilleurs ou tes plus mauvais penchants, tu seras probablement encore, d'une façon ou d'une autre, le bienfaiteur qui encourage l'humanité; Friedrich Wilhelm Nietzsche; Le Gai savoir »