L’extinction actuelle banale ?; Diamond

Peut-on arguer à cela que l’extinction est un processus naturel et inéluctable ? Mais le rythme des extinctions provoquées par l’homme est bien plus élevé que le rythme naturel. Si l’on admet que la moitié des trente millions d’espèces vivant actuellement seront éteintes au siècle prochain, cela signifie que les espèces s’éteignent de nos jours au rythme d’environ 150 000 par an, soit 17 par heure. Les espèces d’oiseaux du monde entier – 9000 au total – connaissent aujourd’hui un rythme d’extinction d’au moins deux espèces par an. Mais, dans les conditions naturelles, ce rythme était de moins d’une espèce par siècle. En conséquence, le rythme actuel des extinctions d’oiseaux est d’au moins 200 fois plus élevé que la normale. Déclarer que la vague d’extinction actuelle est banale, en disant qu’il s’agit là d’un phénomène naturel, revient à déclarer que les génocides sont des phénomènes banals, puisque la mort est le destin naturel de tout les êtres humains.

Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 632

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Après l’âge d’or, voici l’âge de plomb; Diamond

À vrai dire, il a toujours été difficile pour les êtres humains de savoir à quel rythme ils pouvaient se permettre de prélever des ressources biologiques sans courir le risque de les épuiser. Lorsque celles-ci s’amenuisent, ce fléchissement peut ne pas être facile à distinguer d’une fluctuation normale survenant au cours d’une année. Il est encore plus difficile d’estimer à quelle rythme des ressources nouvellement découvertes sont engendrées par les processus naturels. Lorsque les signes de déclin commencent à être suffisamment clairs pour que tout le monde en soit convaincu, il se peut fort bien qu’il soit trop tard pour sauver une espèce ou un biotope donnés. Par conséquent, on ne peut condamner moralement les peuples préindustriels qui ont sapé leur propre base d’existence ; simplement ils n’ont pas su résoudre un problème écologique dont l’intelligence est véritablement difficile. Assurément, leur échec a eu des conséquences tragiques, puisqu’il a déterminé l’effondrement du mode de vie qui leur était fondamental. Mais les échecs tragiques de ce genre sont moralement condamnables seulement dans la mesure où les enjeux sont préalablement connus. À cet égard, il y a deux grandes différences entre les indiens Anasazi et nous : nous possédons la connaissance scientifique et nous avons des livres. Nous savons comment calculer la croissance démographique admissible et fonction du rythme d’exploitation des ressources, eux ne le savaient pas. Nous pouvons lire dans les livres tout ce que l’on sait des désastres écologiques du passé, eux ne le savaient pas. Et pourtant, notre génération continue à chasser les baleines et à défricher les forêts tropicales humides comme si personne n’avaient jamais chassé les moas ou abattu les forêts de pins pignons ou de genévrier. On peut considérer que le passé a été, en effet, un âge d’or, dans la mesure où il reposait sur l’ignorance, tandis que notre présent est un âge de plomb, qui a pour pilier la cécité volontaire.

Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 589-590

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Facteurs de pérénité d'une civilisation; Diamond

Comment, dès lors, concilier les récentes découvertes sur les catastrophes écologiques du passé, qui obligent à conclure que l’âge d’or souvent évoqué par les écologistes est vraisemblablement un mythe (assurément toutes les espèces n’ont pas été exterminées, et tous les milieux naturels n’ont pas été détruit, de sorte que les désastres du passé n’ont pas eu un caractère total), avec la conservation des espèces observée chez de très nombreux peuples préindustriels d’aujourd’hui ?

On peut considérer que les vieilles sociétés égalitaristes de petite dimension ont tendu à inventer des pratiques écologiques (visant à la conservation des milieux et des espèces), parce que au fil de leur longue histoire elles ont disposé de beaucoup de temps pour bien connaître leur environnement local et percevoir où était leur propre intérêt. À l’inverse, les catastrophes sont survenues lorsque des peuples se sont mis à coloniser des milieux qu’ils ne connaissaient pas (comme les Maoris lorsqu’ils sont arrivés en Nouvelle-Zélande ou les Pascuans sur l’île de Pâques) ; ou lorsque des peuples se sont développés en bordure d’une nouvelle région et qu’ils ont été obligés de s’y introduire dès l’instant où ils avaient déterioré la région précédente (comme cela a été le cas pour les ancêtres des Indiens quand ils ont atteint l’Amérique) ; ou lorsque des peuples ont acquis une nouvelle technologie et qu’ils n’ont pas eu le temps d’en mesurer les potentialités destructrices (comme c’est le cas actuellement des Néo-Guinéens qui sont en train de décimer les populations de pigeon avect des fusils de chasse). On peut également dire que des catastrophes ont également toutes chances de se produire dans les États centralisés où la richesse est concentrée entre les mains de souverains qui n’ont pas de contact personnel avec l’environnement. Et certaines espèces et certains biotopes sont plus vulnérables que d’autres : pour les espèces, cela a été le cas des oiseaux ne volant pas et n’ayant jamais rencontré d’êtres humains (tels les moas ou les aepyornis). Pour les biotopes, cela a été le cas de milieux secs, fragiles et ne tolérant aucune déterioration, au sein desquels les civilisations méditerranéenne ou anasazi se sont développées.

Jared Diamond ; Le troisième chimpanzé ; Folio essai ; 1992; p 586-587

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Inutile de croire que l'on pourra échapper au changements, mieux vaut s'y préparer maintenant qu'au pied du mur-2

J’ai déjà expliqué pourquoi il fallait réduire la consommation matérielle, je n’y reviens pas. De toute façon, comme l’indique le début de la hausse du prix du pétrole et la crise économique, il y a de très fortes chances que les classes moyennes des pays riches y soient amenées nolens volens. Mieux Continuer la lecture de « Inutile de croire que l'on pourra échapper au changements, mieux vaut s'y préparer maintenant qu'au pied du mur-2 »