Artémis La Chaste; Frazer; Le Rameau d'or.

En tant que Moderne, nous nous représentons volontiers Artémis/Diane comme le type accompli de la déesse pudibonde qui a un penchant pour la chasse. Aucune idée ne peut-être plus éloignée de la vérité. Pour les anciens, au contraire, elle était la personnification de la vie sauvage de la nature, -vie des plantes, des animaux et des hommes – dans toute l’exubérance et la profusion de sa fertilité. ….. « Sa fureur se manifestait par des destructions : dépérissement de la végétation, incursions des bêtes sauvages dans ses champs ou ses vergers, tout comme dans la fin dernière et mystérieuse de la vie que l’on nomme mort. Et cette divinité n’était pas , à la manière de la terre conçue comme déesse, une personnification vide : car de telles abstractions sont ignorées des religions primitives ; c’était une force universelle de la nature, l’objet partout d’une même foi, bien que son appellation différât avec l’endroit où elle était supposée habiter ; tantôt on insistait sur son aspect aimable, et tantôt sur son caractère farouche ; tantôt sur tel autre côté de son énergie qu’on révérait spécialement. Et comme les Grecs, dans la nature animée, divisaient tout en mâles et femelles, ils ne pouvaient pas imaginer cette puissance féminine de la nature sans sa contrepartie masculine. C’est pourquoi dans bon nombre de cultes les plus anciens, on trouve Artémis associée à un dieu de la nature de caractère analogue, à qui la tradition existante assignait des noms différents selon les endroits. En Laconie, par exemple, elle avait pour compagnon le vieux dieu péloponésien Karneïos ; en Arcadie, c’était souvent Poséïdon ; ailleurs, c’était Zeus, Apollon, Dionysos, etc,… »1. La vérité est que le mot parthénos, qu’on applique à Artémis et qu’on traduit généralement par vierge, désigne simplement une femme non marièe2, et dans les temps anciens les deux choses n’étaient nullement les mêmes. A mesure que les moeurs s’épurent chez eux, les hommes imposent à leur dieux, un code plus stricte de moralité ; on passe sans appuyer sur le cruauté, la fausseté et la luxure de ces divines créatures, ou même on les considère uniquement comme des blasphèmes, et on confie à ces vieux coquins la garde de loi qu’ils transgressaient auparavant. En ce qui concerne Artémis, même le mot ambigu parthenos semble avoir été simplement une épithète populaire, non un titre officiel. Comme le Dr. Farnell l’a parfaitement souligné, il n’y avait pas de culte publique d’Artémis la Chaste ; et pour autant que ses titres sacrés se rapportent aux relations des sexes, ils démontrent au contraire, qu’elle s’intéressait, comme Diane en Italie, à la perte de virginité et à la grossesse, et que non seulement elle aidait les femmes à concevoir et à enfanter, mais qu’elle les y encourageait ; et même, s’il faut en croire Euripide, elle n’adressait même pas la parole aux femmes sans enfants. De plus, fait significatif, tandis que ses titres et les allusions à ses fonctions la désigne clairement comme la patronne de la naissance, aucun ne la reconnaît distinctement comme la divinité du mariage3. Toutefois rien ne met le véritable caractère d’Artémis comme déesse de la fécondité, mais pas du mariage, mieux en lumière que son identification constante avec les déesses asiatiques de l’amour et de la fertilité, célibataires mais non chastes, qu’on adorait à leur sanctuaires populaires selon des rites notoirement licencieux4. Pg 32-33 1:Porphyre, Vitta Pythagorae, 16. ii, 1939, de Pauly-Wissowa, l’auteur apporte à cette déclaration une abaondance de détails et de preuves auxquels je ne puis que renvoyer le lecteur. 2:Ceci est prouvé par le termePartheniai appliqué à Sparte aux hommes nés des parthenoi (femmes non marièes) pendant l’absence des hommes mariés dans la guerre de Méssénie. Voir Euphorus, cité par Strabon, VI, 3, 3, pg 279. Que cette explication soit correcte ou non au point de vue historique (d’autres explications ont été données, voir W.-L. Newman, sur Aristoe, Politics, VII (v), 7, p.1306, elle prouve que dans le grec de la meilleure période parthenos ne dénotait pas chasteté. Quant au culte des déesses non mariées en Asie occidentale, Sir W.-M. Ramsey observe : « De fait, il est probable, bien que nos connaissances ne nous permettent pas de le prouver, que le terme parthenos emploé dans le système d’Anatolie devrait être traduit simplement par « non marié » et devrait être considéré comme une preuve de l’existence religieuse du système social pré-grec. La déesse Parthénos était aussi la mère ; et quelque soit la modification apporté par le sentiment grec aux Parthenoi qui formait une partie de sa suite, il est probable, qu’à l’origine, ce terme indiquait seulement que le mariage ne les excluait pas de la vie divine. » (Cities ans Bisphories of Phrygia, I, pg 96) De même dans un passage célèbre d’Isaïe (VII, 14), le mot hébreux traduit par vierge dans la version anglaise, ne signifie rien de plus que « jeune femme ». Une traduction exacte aurait évité la nécessité du miracle que tant de génération de dévots lecteurs ignorants ont découvert dans le texte. Car tandis qu’il serait incontestablement miraculeux qu’une vierge conçoive et enfante un fils, il n’y a rien du tout de miraculeux ou même d’extraordinaire à ce qu’une jeune femme en ait un. 3:L.-R. Farnell, The Cults of the Greek States, ii, 444. Toute la manière dont le Dr.Farnell traite ce sujet est excellente (p 442-449). Il admet, sans conviction, que les épithètes peitho, Hegemone et Eukleia puissent peut-être se rapporter au mariage. Mais il est évident que « persuasion », « guide » et « bonne renomée » ne comportent en elles-mêmes aucune allusion au mariage. Le passage d’Euripide auquel il est fait allusion dans le texte est Supplice, 958 4:Ainsi elle était identifiée à Anaitis (Plutarque, Artoxerxes, 27 ; Dittenberger, Sylloge Inscr. Graec, N°775), et avec Nana (Corpus Inscriptum Atticarum, III, 11 et Josèphe, Antiquit. Ind., XII, 9). Cette Nanaea était parfois identifiée à Aphrodite au lieu d’Artémis (Appien, Syriace, 66). Elle semble avoir été l’ancienne déesse de Babylone Nana, Nanai ou Nanaia, qui n’était autre que Ishtar (Astarté) d’Erech. Voir H. Zimmern, dans Schrader, Die Keilingschriften und das Alte Testament, p.422 ; W.-H. Roscher, Lexicon der Griech, und röm. Mythologie, III, 4sq., S.V. »Nanã ». Pour ce qui est de l’identification d’Artémis avec une autre déesse-Mère sémitique, voir W. Robertson Smith, Kinship and mariage in early Arabia (Londres, 1903), p 298. Quant au culte dissolu d’Anaitis, voir Strabon, XI, 14, 16, pg 532. Et pour l’identification d’Artémis avec les déesses asiatiques de ce type, voir L.-R. Farnell, Cults of the Greek States, II, 478 sq ; Wernicke, dans Paulu-Wissowa, Encycl. d. Class. Alter., II, 1369 sq. Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

Liens entre Osiris et Dionysos; Enquête, Hérodote

Pour Dionysos1, en revanche, chacun égorge un pourceau devant sa porte, au premier jour de la fête du dieu, et le rend au porcher qui le lui a vendu, pour qu’il l’emporte. Le reste de la fête se déroule en Égypte exactement comme en Grèce ou presque, sauf pour les chœur de danse; mais, au lieu du phallus, ils ont imaginé de faire des statuettes d’une coudée environ, mues par des fils, que les femmes promènent par les villages en faisant mouvoir le membre viril, qui n’est pas beaucoup moins grand que le reste du corps. Un joueur de flûte ouvre la marche, les femmes suivent en chantant des hymnes à Dionysos. Pourquoi ce membre viril démesurément grand? Pourquoi est-ce la seule partie du corps qu’on fasse remuer? Il y a sur ce sujet un texte sacré2.

À ce sujet, je crois que Mélampous fils d’Amythaon3, loin d’ignorer ce rite, l’a parfaitement connu: car c’est lui qui introduisit Dionysos en Grèce, ainsi que les cérémonies de son culte et la procession du phallus. Il est vrai qu’il n’a pas tout compris et expliqué, et que les Sages qui vinrent après lui ont complété ses enseignements; mais c’est Mélampous qui introduisit en Grèce la procession du phallus en l’honneur du Dieu, et c’est à lui que les Grecs doivent les rites qu’ils accomplissent encore maintenant. Pour moi, je prétend que Mélampous fut un homme habile qui instiuta l’art de la divination et introduisit en Grèce, entre autres sciences apprises en Égypte, le culte de Dionysos, avec quelques modifications de peu d’importance. Je n’admettrai certes jamais une ressemblance toute fortuite entre les culte de Dionysos en Égypte et en Grèce: si tel était le cas, ce culte serait en complet accord avec les coutumes des Grecs et son apparition chez nous n’aurait pas été tardive. Je n’admettrai pas d’avantage que les égyptiens aient pris ces rites ou toutes autres pratique à la Grèce. Il me semble bien plus probable que Mélampous ait connu le culte de Dionysos par le Tyrien Cadmos4 et les phéniciens qui s’installèrent avec lui dans la contrée qu’on appelle aujourd’hui la Béotie.

1: Osiris

2: Le culte de Dionysos en Grèce comportait, à côté des processions phalliques, des chœurs chantant et dansant, d’où naquirent les représentations dramatiques associées aux fêtes du sieu. En Égypte, lors des fêtes appelées Pamylies, célébrées en l’honneur de Pamyle, père nourricier d’osiris, on exhibait des Osiris ithyphalliques (du grec ithuphallos « pénis en érection » didact (gr. antiqu): relatif au pénis en érection. Robert)

3:Le devin Mélampous, descendant de créthée fils d’Éole, apparaît dans l’Odyssée où, de Pylos, il va régner sur Argos; prêtre et médecin, il aurait introduit dans la Pélponèse le culte et les processions du Dieu

4: Dionysos est fils de Zeus et de Sémélé (fille de Cadmos)

pg 186

L’Enquête, Livre II, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.

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Le porc, la bête impure; Enquête, Hérodote

Le porc passe chez les Égyptiens pour une bête impure. Qui en frôle un au passage va aussitôt se plonger dans le fleuve tout habillé; de plus, les porchers, quoique Égyptiens de naissance, sont seul en Égypte à ne pouvoir entrer dans un temple; personne ne consent à donner sa fille en mariage à un porcher, ni à prendre femme chez eux: ils se marient entre eux. Il n’est pas permis en Égypte de sacrifier un porc aux dieux, sauf à la Lune et à Dionysos1, qui admettent tous les deux cette victime au même moment, pendant la même pleine lune; après le sacrifice on mange la chair de la bête. Pourquoi les Égyptiens, qui dans les autres fêtes ont horreur des porcs, en sacrifient-ils dans celle-ci? Ils en donnent une raison que je connais, mais je juge plus convenable de la taire2.

1: Osiris

2: Dans la mythologie osirienne la lune, lors de ses phases et de ses éclipses, est dévorée par un porc noir, image du Dieu Seth meurtrier d’Osiris. Le sacrifice rituel du porc a lieu au moment de la pleine lune, c’est à dire quand l’astre est sorti vainqueur de la lutte. Osiris-Dionysos, victime également de Seth, fut identifié à la lune. Cet Osiris-Lune est considéré par Hérodote comme deux entités distinctes

pg 184-185

L’Enquête, Livre II, Hérodote, Edition d’André Barguet, folio classique.

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Rituel pour Dionysos; Hymne 1, pour Dionysos ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Le père des hommes

et des dieux t’a enfanté

loin de tous le humains,

en cachette d’Héra aux bras blancs.

Il est une haute montagne,

Nysa, couverte de futaies,

loin de la Phénicie,

près des eaux de L’Egyptos.

Ils dresseront pour toi

des statues dans les temples.

Puisque domine le trois,

toues les trois années,

les hommes t’offriront

de parfaites hécatombes.

Le Kroniôn approuva

d’un signe de ses sourcils noirs.

Ses cheveux parfumés

flottèrent autour de la tête

immortelle du prince.

Il y eut un grand bruit dans l’Olympe.

Il parla, Zeus le sage,

et de la tête il approuva.

Protège-nous, enfant cousu1,

toi qui est fou des femmes. Nous autres,

chanteurs, nous te chantons pour commencer,

et pour finir. Il n’est pas possible si l’on t’oublie

de retrouver en soi le chant sacré.

Qu’avec toi soit la joie,

Dionysos, enfant cousu,

avec ta mère Sémélé

que l’on appelle aussi Thyonè.

1:Le mot grec « eïraphiôtès » garde tout son mystère. La traduction « enfant cousu »- une hypothèse parmi d’autres, peut-être une fantaisie éthymologique- fait allusion au fait que Zeus, pour sauver Dionysos, l’avait magiquement retiré du corps de sa mère Sémélè, morte pendant sa grossesse, et cousu dans sa propre cuisse. Dionysos est ainsi « celui qui est né deux fois », selon une épithète courante.

v.6-21

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Descendance non exhaustive de Zeus; Hésiode; Théogonie

1, qui en sait plus long que les dieux et que les hommes qui meurent. Mais au moment où elle allait accoucher d’Athéna yeux-de-Chouette alors il trouva le moyen de la tromper par son astuce. En lui disant des douces paroles il la mit dans son propre ventre. C’était sur les conseils de Terre et de Ciel plein d’étoiles ; Ils voulaient empêcher que parmi les dieux qui vivent à jamais quelqu’un, un autre que Zeus, prenne la dignité royale. D’elle devaient naître des enfants d’une grande intelligence : une fille d’abord, Tritogénéïa2 Yeux-de-Chouette, avec la force d’âme de son père et un esprit profond ; mais ensuite elle allait mettre au monde un enfant qui deviendrait roi des hommes et des dieux, violent, arrogant à l’extrême. Mais Zeus dès l’abord l’engloutit dans son propre ventre, pour que, déesse, elle lui dise ce qui est bon, ce qui ne l’est pas. ………. Tout seul il fit naître de sa tête Tritogénéïa Yeux-de-Chouette ; terrible, elle appelle à la lutte, elle mène les armées ; rien ne la lasse, elle règne ; elle aime la guerre et les combats ……………….. Pour Zeus Maïa, fille d’Atlas, enfanta Hermès le glorieux. Le messager des dieux. Elle était entré dans le lit sacré. Sémélé la Cadméenne enfanta pour lui un fils superbe (ils avaient fait l’amour), Dionysos qui donne toute joie. Elle mortelle, lui non. Tous les deux le sont maintenant. ………………. 1:On pourrait traduire « mètis » par « subtilité », mais aussi par « sagesse ». L’adjectif dérivé « mètiéta » est une épithète favorite de Zeus. Ne pas oublier que la sagesse, dans la Grèce archaïque, est parfois plus proche de l’astuce que de la résignation. Ulysse reste le modèle. 2:Tritogénéïa=Athéna. L’épithète, qui ne s’applique qu’à Athéna, a donné lieu à des interprétations très diverses. Elle demeure mystérieuse. v 886-900 ; 924-926 ; 938-942]]>