Lorsque Là-haut
le ciel n’était pas encore nommé,
et qu’Ici-bas la terre ferme
n’était pas appelée d’un nom,
seuls Apsû-le-premier,
leurs progéniteur,
et mère …-Tiamat,
leur génitrice à tous,
mélangeaient ensemble
leurs eaux :
Ni bancs-de-roseaux n’y étaient agglomérés,
Ni cannaies n’y étaient discernables.
Et alors que des dieux
nul n’étaient encore apparu,
qu’ils n’étaient ni appelés de noms
ni lotis de destins,
En Apsû-tiamat les dieux
furent produits :
Lahmu et Lahamu apparurent
et furent appelés de noms.
Avant qu’ils fussents devenus
grands et forts,
furent produits Anšar et Kišar,
qui leur étaient supérieurs.
Quand ils eurent prolongé leurs jours,
multiplié leurs ans,
Anu fut leur premier-né,
Conforme à ses parents.
Comme Anšar avait fait semblable à lui
Anu, son rejeton,
Anu pareillement, à sa semblance,
procréa (Éa) Nudimmud.
Or, Nudimmud, lui.
Le futur ordonnateur de ses parents,
était large d’entendement, sage
et doué d’une force immense ;
Bien plus puissant
que le procréateur de son père, Anšar,
il n’avait point d’égal,
comparé aux dieux ses frères.
Ayant dons fermé une bande
ces dieux-frères
troublèrent Tiamat
en se livrant au remue-ménage :
Bouleversant
l’intérieur de Tiamat,
ils tracassèrent, par leurs ébats,
le dedans de l’ « Habitacle-divin ».
Apsû n’arrivait pas
à calmer leur tumulte.
Tiamat, cependant,
demeurait impassible devant eux :
leurs agissements
lui étaient désagréables,
leur conduite, blâmable,
mais elle les épargnait.
Alors, Apsû,
Le producteur des grands-dieux,
appela son Mummu
et lui dit :
« Ô Mummu, toi, mon page
qui me contentes l’âme,
Viens,
allons trouver Tiamat! »
Ils s’en allèrent donc
et, assis en présence de Tiamat,
discoururent et discutèrent
touchant les dieux, leurs rejetons.
Apsû,
ayant ouvert sa bouche,
haussa la voix
et dit à Tiamat :
« Leur conduite
m’est désagréable :
le jour, je ne repose pas ;
la nuit, je ne dors pas !
Je veux réduire à rien
et abolir leur activité,
pour que soit rétabli le silence
et que nous autres, nous dormions! »
Tiamat,
entendant cela,
courroucée,
vociféra contre son époux,
et, s’étant montée d’elle-même,
récrimina aigrement contre Apsû,
parce qu’il avait insinué
du mal en son esprit :
« Pourquoi, nous-mêmes
détruirions-nous ce que nous avons produit ?
Leur conduite est fort désagréable ?
Patientons avec bienveillance! »
Mummu prit alors la parole
pour conseiller Apsû,
tout page qu’il était, récusant
l’avis de sa génitrice :
« Abolis donc, mon père,
cette activité turbulente
pour que tu reposes le jour
et que tu dormes la nuit! »
Apsû s’en réjouit
et les-traits-de-sa-face-brillèrent,
pour le mal qu’il avait machiné
contre les dieux ses enfants :
Il entoura-de-son-bras
la nuque de Mummu,
lequel s’assit sur ses genoux,
et l’Apsû l’embrassa.
Or, tout ce qu’ils avaient machiné
en leur réunion,
on le répéta
aux dieux, leurs rejetons.
L’ayant appris,
ces dieux s’agitèrent,
puis gardèrent le silence
et demeurèrent cois.
Supérieurement intelligent,
expérimenté, subtil,
Éa qui comprend tout
perça leur plan.
A l’intention d’Apsû, il combina
et agença un projet d’ensemble :
ayant ajusté contre lui
son charme auguste le plus fort,
Il le lui récita
et, d’un philtre, le mit au repos :
le sommeil l’envahit
et il dormait béatement.
Quand il eût endormi Apsû,
envahi de sommeil,
et que Mummu-le-conseiller
fut trop hébété pour se tenir-sur-ses-gardes.
Éa détacha le bandeau-frontal d’Apsû
et ôta sa couronne ;
il confisqua son Eclat-surnaturel
et s’en revêtit lui-même ;
Puis, l’ayant terrassé,
il le mit-à-mort
et enferma Mummu,
barrant sur lui la porte.
Il établit alors sur Apsû
son habitacle,
et se saisit de Mummu
qu’il tenait par sa laisse-de-nez.
La glorification de Marduk, l’épopée de la création, v.1-72
Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.
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