Grenade; Chevalier et Gheerbrant; Dictionnaire des symboles

Grenade

Le symbolisme de la grenade relève de celui, plus général, des fruits à nombreux pépins (cédrat, courge, orange). C’est tout d’abord un symbole de fécondité, de postérité nombreuse : dans la Grèce antique, elle est aussi attribut d’Héra et d’Aphrodite ; et, à Rome, la coiffure des mariées Continuer la lecture de « Grenade; Chevalier et Gheerbrant; Dictionnaire des symboles »

Retrouvailles et épilogue; Hymne 2, pour Déméter ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Elle se rongeait du désir

de voir sa fille au vaste giron.

C’est une année effroyable

sur la terre nourrice

qu’elle imposa aux humains, et cruelle.

Déméter la Couronnée

tenait la semence cachée.

Aucune pousse ne paraissait.

Plus d’une fois les vaches tirèrent

la charrue dans les champs. En vain.

Plus d’une fois l’orge blanc

tomba dans la terre en pure perte.

Elle allait disparaître tout à fait,

la race des hommes éphémères,

à cause de la faim sinistre

et ceux qui habitent sur l’Olympe

n’auraient plus reçu d’honneurs,

de cadeaux et de sacrifices,

si Zeus n’avait pas réfléchi,

et médité au fond de son cœur.

Il envoya d’abord Iris

qui a des ailes dorées

vers Déméter aux longs cheveux,

belle, désirable mille fois.

Il dit. Et elle à l’ordre

de Zeus Nuages-Noirs le Kronide

obéit et à toutes jambes

elle traversa tout l’intervalle.

Elle arriva à la ville

d’Éleusis aux bonnes senteurs,

elle trouva dans son temple

Déméter sous sa mante noire.

Elle lui parla. Elle dit

ces paroles qui ont des ailes :

« Déméter, Zeus le père

qui sait des secrets éternels

t’appelle : reviens dans la famille

des dieux qui vivent toujours.

Viens, que ne soit pas vaine

ma parole qui est de Zeus. »

Voici ce qu’elle dit, suppliante,

mais sans pouvoir la persuader.

La père alors dit aux dieux bienheureux,

à ceux qui vivent toujours,

d’aller la prier tous. Un par un,

chacun son tour ils y allaient,

ils l’appelaient, lui promettaient

des cadeaux magnifiques,

tous les honneurs qu’elle voudrait

auprès de ceux qui ne meurent pas.

Mais personne ne pouvait

fléchir son cœur et son esprit,

car elle était fâchée.

Elle refusait durement leurs offres.

Elle proclama que jamais

elle n’irait sur l’Olympe

aux bonnes senteurs, que jamais

elle ne ferait naître les fruits

tant qu’elle n’aurait pas vu

de ses yeux sa fille au doux regard.

Lorsque Zeus l’eut entendue,

lui qui gronde au loin, lui le Voyant,

il envoya vers l’Érèbe

l’Argeïphontès1 à la baguette d’or,

pour que par des douces paroles

il persuade Hadès

de laisser Perséphone la Pure

quitter la brûle et les ténèbres

et monter vers la lumière, vers les dieux,

pour que sa mère

puisse la voir de ses yeux

et fasse cesser sa colère.

Hermès obéit ;

dans les profondeurs de la terre

vite il descendit,

quittant la maison de l’Olympe.

Il trouva le Seigneur

à l’intérieur de sa maison,

assis sur un lit

avec son épouse timide

(elle était là à contrecœur ;

elle regrettait sa mère,

qui songeait à se venger

de ce que lui avaient fait les dieux).

Argeïphontès le fort

s’approcha tout près et leur dit :

« Hadès aux cheveux noirs,

seigneur de ceux qui ont péri,

Zeus le père m’a chargé

de mener la belle Perséphone

hors de l’Érèbe, vers les dieux,

pour que sa mère la voie

de ses yeux et fasse cesser

sa colère affreuse et sa fureur

contre ceux qui ne meurent pas.

Elle a le grand projet

d’anéantir les tribus chétives

des hommes nés de la terre,

en cachant sous terre le grain

en supprimant les honneurs

qui nourrissent ceux qui ne meurent pas.

Sa colère est affreuse.

Elle ne veut plus voir les dieux.

Dans son temple, parmi les senteurs,

elle s’enferme toute seule, et règne

sur Éleusis la rocheuse. »

Voila ce qu’il dit ; le seigneur des morts,

Aïdoneus, en souriant

leva le sourcil et obéit

à l’édit de Zeus le roi.

Sans attendre il donna ses ordres

à Perséphone la sage :

« Va, Perséphone, va la voir

ta mère aux voiles noirs.

Que ton cœur soit sage dans ta poitrine,

serein ton esprit.

Ne te laisse pas aller

à une tristesse trop grande.

Je ne suis pas un époux méprisable

parmi les immortels.

Je suis le frère de Zeus le père.

Si tu restes ici,

tu commanderas à tout ce qui vit,

à tout ce qui rampe.

Tu auras les plus grands honneurs

parmi les immortels.

Tu pourras punir tous les jours

ceux qui t’auront fait du tort,

qui n’auront pas cherché à obtenir

ta grâce en t’offrant

en toute pureté des sacrifices

et tout ce qu’il convient. »

Voila ce qu’il dit.

La sage Perséphone en fut heureuse,

et dans sa joie, elle bondit

brusquement, mais il

lui donna à manger

un doux pépins de grenade,

sans qu’elle y prenne garde.

Il voulait empêcher qu’elle reste

à jamais auprès de Déméter

la vénérable aux voiles noirs.

À son char d’or il attela

sous ses yeux des chevaux

qui ne mourront pas, lui,

Aïdoneus, Maître des Foules.

Elle monta sur le char,

la fort Argeïphontès

à coté d’elle prit

dans ses mains les rênes et le fouet.

Il traversa le palais ;

les chevaux galopaient de bon cœur.

En peu de temps, ils parcoururent

un long chemin. Ni la mer,

ni l’eau des fleuves, ni les montagnes

n’arrêtèrent la course

de ces chevaux libres de mort.

Car ils fendaient l’air profond

dans leur élan vers les hauteurs.

Il les fit d’arrêter à l’endroit

où Déméter la couronnée

attendait devant son temple

pleins de bonnes odeurs. En les voyant

elle sursauta comme une ménade2

dans les taillis de la montagne.

Perséphone de son côté,

quand elle vit les beaux yeux

de sa mère quitta le char,

oublia les chevaux,

sauta, courut l’embrasser,

se pendit à son cou.

Mais elle, dès qu’elle tint

sa chère enfant dans ses bras,

comprit soudain la ruse,

fut prise d’une grande peur

et cessant de l’embrasser

lui posa la question :

« Mon enfant, n’as-tu pas,

pendant que tu étais là-bas,

mangé quelque chose ? Parle,

ne cache rien, il faut que nous sachions

si tu peux revenir

du monde d’Hadès le sinistre,

vivre avec moi et ton père,

le Kronide Maître-des-Nuages.

Et te feraient honneur

tous ceux qui ne meurent pas.

Mais si tu as mangé, tu t’en retourneras

sous la terre.

Tu habiteras là

pendant l’une des trois saisons,

et les deux autres avec moi,

avec ceux qui ne meurent pas.

Lorsque s’épanouiront

sur la terre les fleurs du printemps

avec leurs parfums divers,

tu monteras de la nuit obscure

et tu seras merveille pour les dieux

et pour les hommes qui meurent.

Raconte-moi comment t’a emportée

dans la brume sombre,

par quelle ruse forte t’a trompée

le Maître du Large Accueil. »

Alors Perséphone la belle

lui répondit ces mots :

« je vais te dire, mère,

exactement tout ce qui s’est passé.

Quand est venu Hermès le bienfaiteur,

le messager rapide

de la part de Zeus le Père

et de tous les autres Ouraniens,

me disant de sortir de l’Érèbe

pour que tu me voies de tes yeux

et que cesse ta colère,

ta fureur contre les Immortels,

j’ai tout de suite bondi de joie.

Mais, sans que j’y prenne garde,

il m’a mis dans la bouche

un doux pépins de grenade

et m’a contrainte par la force

à l’avaler malgré moi.

Comment il m’a prise grâce au piège

inventé par le Kronide

mon père, au fond de la terre

comment il m’a emportée,

je te le dirai, je répondrai

à toutes tes questions.

Nous étions toutes

dans une délicieuse prairie,

Leukippè, Phaïno,

Ianthé et Électre,

Mélitè et Iakhè,

Rhodéïa et Kallirhoè,

Lèlobosis et Tykhè,

Okyrhoè, belle comme une fleur,

Chryséis et Ianeïra,

Akastè et Admètè

et Rhodopè et Ploutô

et Calypso la désirable,

et Styx, et Ouranie

et l’aimable Galaxaurè

Pallas qui provoque les batailles,

Artémis qui aime les flèches,

nous jouions à cueillir

de nos mains de douces fleurs,

le beau crocus mêlé

aux flambes d’eau, aux jacinthes,

et la rose en bouton,

et les lys, merveille des yeux,

et le narcisse qu’a fait naître

comme le crocus la terre large.

Et moi je l’ai cueilli,

pleine de joie ; mais le sol s’est ouvert ; le prince en est sorti,

le maître du Large Accueil,

le puissant ; il m’a emportée

sur son char d’or au fond de la terre.

Je ne voulais pas. J’ai crié

à pleine voix ; mon cri montait.

Voilà toute la vérité ;

il me fait deuil de te la dire. »

Elles passèrent alors tout le jour,

leurs cœurs à l’unisson,

à se réconforter l’une l’autre,

à se réjouir ;

elles s’embrassaient sans cesse,

et leur chagrin s’effaçait ;

chacune recevait

et donnait à son tour de la joie.

Voici que s’approcha d’elles

Hécate (son diadème brille).

Elle embrassa longuement

la fille de Déméter la sainte.

Et c’est pourquoi la princesse

marche devant elle et derrière.

Zeus le Voyant qui gronde fort

leur envoya comme messagère

Rhéïa aux longs cheveux

pour faire revenir chez les dieux

Déméter aux voiles noires ;

Il promit de lui donner

tous les honneurs qu’elle souhaiterait

parmi ceux des Immortels.

Il accepta que sa fille,

de chaque année qui tourne

passe la troisième partie

dans la brume obscure,

et les deux autres près de sa mère

et les dieux qui ne meurent pas.

Voilà ce qu’il dit. À cet ordre

la déesse ne fut pas rebelle.

Elle s’élança soudain

depuis les sommets de l’Olympe,

alla jusqu’à Rharos, où étaient

autrefois les seins nourrissants

de la terre, mais depuis

ils ne nourrissaient plus.

Ils étaient stériles, sans verdure ;

cachant l’orge blanc

selon l’idée de Déméter

aux fines chevilles. Mais bientôt

la terre aurait une chevelure

de longs épis ;

le printemps s’épanouirait,

les riches sillons

dans la plaine seraient lourds

d’épis, à lier en gerbes.

C’est là qu’elle alla tout d’abord,

venue de l’éther infertile.

Elles eurent plaisir à se voir ;

leurs cœurs étaient en joie.

Voici ce que lui dit alors

Rhéïa (son diadème brille) :

« Viens ici, mon enfant ;

Zeus le voyant qui gronde fort

veut que tu reviennes chez les dieux ;

il promet de te donner

tous les honneurs que tu souhaiteras

parmi ceux des immortels.

Il accepte que ta fille

de chaque année qui tourne,

passe la troisième partie

dans la brume obscure,

et les deux autres près de toi

et des dieux qui ne meurent pas.

Il dit qu’il en serait ainsi ;

il a fait signe de la tête.

Allons, va, mon enfant,

obéis, cesse d’être en colère

si violemment contre le Kronide

Maître des Nuages Noirs.

Fais pousser tout de suite

le grain qui nourrit les hommes. »

Voilà ce qu’elle dit. Déméter

la couronnée obéit.

Elle fit pousser tout de suite

le grain dans les champs fertiles.

Toute la terre large s’alourdit

de feuilles et de fleurs.

Elle, aux rois qui rendent la justice

elle alla montrer

à Triptolémos, à Dioklès

l’habile cavalier,

à Eumolpos le fort, à Kéléïos

qui guide les peuples,

le déroulement des cérémonies ;

elle révéla les rites

(à Triptolémos et à Polyxénos, à Dioklès aussi).

Rites graves, on ne peut

ni les négliger, ni s’en enquérir,

ni en parler ; la piété pour les Déesses

retient la voix.

Heureux parmi les hommes de la terre

celui qui les a vus.

Celui qui n’a rien fait,

qui n’a pas pris part à rien, son sort

est différent, quand il est mort,

dans les ténèbres mouillées.

Puis quand elle eut tout mis en ordre,

la déesse des déesses,

elle s’en alla vers l’Olympe

à l’assemblée des dieux.

C’est là qu’elles habitent toutes

près de Zeus Joie-de-le-Foudre

les grandes, les Vénérables.

Bienheureux parmi les hommes

qui sont sur terre celui

qu’elles ont choisi d’aimer.

Soudain elles lui envoient

comme un hôte dans sa maison

Ploutos qui donne l’abondance

aux hommes qui mourront.

Et maintenant, maîtresse du pays,

d’Éleusis aux bonnes senteurs,

de Paros entourée par les vagues,

d’Antrôn la rocheuse,

souveraine, maîtresse des saisons,

douce bienfaitrice,

Princesse Déo, avec ta fille,

la belle Perséphone,,

prends soin de nourrir en joie ma vie

en récompense de mon chant.

Pour moi j’ai de toi souvenir,

mais d’autre chant aussi.

1: Hermès

2:voir articles sur les ménades ou les Bacchantes.

v.304-495

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Mystères d'Éleusis; Hymne 2, pour Déméter ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Bientôt arrivée à la maison

de celui que Zeus protège,

Kéléïos, elles traversèrent

le portique où leur mère,

assise contre la colonne

qui soutient le toit fait avec soin,

tenait dans son giron son fils,

tendre pousse. Vers elle

elles coururent. La déesse

posa le pied sur le seuil

et sa tête touchait le plafond.

Une lumière divine

resplendit. Pleine de respect,

de timidité, de pâle crainte,

la reine quitta son siège

et lui demanda de s’asseoir.

Mais Déméter qui fait venir les saisons,

qui offre des merveilles,

n’accepta pas de s’asseoir

sur le siège luisant.

Elle restait là en silence,

ses beaux yeux regardant vers la terre.

Mais Iambè qui connaissait les usages

avança vers elle

un siège massif, et le recouvrit

d’une fourrure argentée.

Une fois assise, elle tenait

son voile devant son visage ;

elle resta longtemps, triste, sur ce siège,

sans dire un mot,

sans même faire signe à quelqu’un

de la voix ou du geste,

sans jamais rire, sans rien boire,

sans rien manger,

tant elle était rongée par le regret

de sa fille au beau giron.

Enfin Iambè qui savait les usages

avec milles grimaces

avec milles contorsions,

fit que la sainte souveraine

se mit à sourire et à rire,

jusqu’à avoir le cœur en joie.

Plus tard sa manière d’être

plaisait toujours à la déesse.

Métaneïra pour la déesse

remplissant une coupe de vin,

doux comme le miel, la lui donna.

Mais elle refusa : le vin rouge

était pour elle intouchable ;

qu’on fît un mélange de farine,

d’eau et de menthe douce

et qu’on le lui donnât à boire.

La reine docile prépara

le kykéon, le lui donna.

Et Déô la souveraine

le prit selon le rite.

. . . . . .

Métaneïra à l’ample giron

fut la première à parler :

« La joie soit avec toi, femme,

ta famille n’est pas, je pense,

vile, mais noble ; la dignité

et la pudeur sont dans tes yeux,

comme dans les yeux des rois

qui rendent justice.

Pour ce que donnent les dieux,

il nous faut l’accepter,

nous autres humains, fût-ce à contrecœur.

Nous sommes sous le joug.

Mais tu es chez moi ; je te donnerai

tout ce que je pourrai.

Soigne cet enfant que j’ai,

tard venu, inespéré ;

les dieux qui ne meurent pas me l’ont donné

après bien des prières.

Tu pourrais te charger de l’élever,

et s’il a atteint l’âge d’homme,

tu provoquera bien de l’envie

chez les femmes qui sont femmes ;

elles verront la récompense

magnifique que tu auras. »

A son tour lui répondit

Déméter la couronnée :

« Avec toi aussi la joie, femme ;

que les dieux soient pour toi généreux.

Cet enfant, je le prends ; j’en aurai soin,

comme tu veux.

Je te l’élèverai ; jamais, j’espère

une nourrice maligne

ne l’envoûtera; jamais

le Sournois ne lui fera mal.

Car je connais un charme

plus fort que le Perce-Bois,

une sûre protection

contre le mal de l’envoûtement. »

Voila ce qu’elle dit, et elle prit

de ses mains immortelles

l’enfant, le posa sur son sein

parfumé ; la mère en eut grande joie.

Donc dans le palais elle éleva

Démophon, le noble fils

de Kéléïos le subtil

et de Métaneïra à l’ample giron.

Il grandissait toujours semblable

à un être divin.

Il ne mangeait pas, ne prenait pas

le sein. Déméter le frottait d’ambroisie

comme s’il était né d’un dieu.

Elle soufflait sur lui doucement

et le tenait dans son giron.

La nuit elle l’enfouissait dans la force du feu,

comme un tison. Les parents

n’en savait rien et s’étonnaient

de le voir s’épanouir.

Il ressemblait comme un reflet aux dieux.

Et elle aurait pu l’arracher

à la vieillesse et à la mort,

si dans sa grande imprudence

Métaneïra à l’ample giron

n’était pas entrée une nuit

dans la chambre parfumée,

pour voir. Elle hurla,

elle se frappa les deux cuisses.

Elle avait peur pour son enfant ;

soudain le cœur lui manqua.

En gémissant elle dit

ces paroles qui ont des ailes ;

« Démophon, mon fils, l’étrangère

t’enfouit dans un grand feu ;

elle est cause que je pleure,

elle est cause que j’ai grand mal. »

Voila ce qu’elle dit dans sa détresse ;

la déesse l’entendit.

Elle se mit en colère,

Déméter la couronnée.

Ce cher enfant, né dans le palais,

alors qu’on ne l’attendait plus,

de ses mains immortelles,

elle le posa sur le sol,

l’ayant retiré du feu

et sa fureur était épouvantable,

alors sa parole frappa

Métaneïra à l’ample giron :

« Êtres humains, qui ne savez rien,

incapable de voir venir

le bonheur qui vous attend

ou le malheur qui est votre part.

Dans ta grande folie,

tu as fait une faute sans remède.

Le grand serment m’en est témoin,

l’eau sans pitié du Styx,

je l’aurais fait libre à jamais

de mort et de vieillesse,

ce fils que tu aimes ; sa grandeur aurait été sans déclin.

Maintenant on ne peut plus faire

qu’il échappe à la mort, aux Tueuses.

Mais sa grandeur sera sans déclin

parce qu’il est monté

sur mes genoux, parce que dans les bras

il a dormi.

Quand les années pour lui

auront fait le tour avec les saisons,

les enfants d’Éleusis,

pendant de longs jours,

s’affronteront entre eux

dans la guerre et les combats.

Je suis Déméter la Vénérable,

en moi se trouve un grand bien,

une grande joie pour ceux qui meurent

et pour ceux qui ne meurent pas.

Mais allons, que tout le peuple

me construise un grand temple

et, plus bas, un autel,

près de la ville et de son haut rempart,

au-dessus du Kallikhoros,

sur la colline qui le domine.

Et moi, j’établirai des fêtes

pour que, dans la suite des temps,

les célébrant selon le rite,

vous ayez ma faveur. »

Voilà ce que dit al déesse

et elle changea de taille et d’allure ;

sa vieillesse disparut ;

un souffle de beauté l’enveloppait.

Une senteur délicieuse

de sa robe parfumée

s’exhala. Une lumière

rayonna loin tout autour de son corps

de déesse immortelle.

Ses cheveux blonds flottaient sur ses épaules.

La massive maison fut illuminée

comme par un éclair.

Elle traversa les salles ;

les genoux de la femme se rompirent.

Longtemps elle resta sans rien dire ;

elle avait même oublié

de relever son fils si longtemps désiré,

laissé sur le sol.

Les sœurs de l’enfant avaient entendu

la voix pitoyable.

Elles avaient bondi,

rejetant les couvertures. L’une

prenait l’enfant dans ses bras,

le posait sur sa poitrine.

L’autre ranimait le feu.

La troisième , sur la pointe

des pieds conduisait sa mère

hors de la chambre parfumée.

L’enfant se débattait. Elles lui donnèrent,

toutes autour de lui,

le couvrant de caresses, un bain.

Il ne se calmait pas.

Elles savaient moins bien

le soigner, s’occuper de lui.

Tout au long de la nuit elles supplièrent

la déesse de gloire ;

elles tremblaient de peur ;

mais dès que l’aurore apparut

au très puissant Kéléïos

elles racontèrent la vérité,

comme le leur avait ordonné

Déméter la Couronnée.

Alors il appela sur la place

le peuple – ils étaient beaucoup-

il leur dit de bâtir

pour Déméter aux longs cheveux

un riche temple et un autel

sur l’éperon de la colline.

Ils lui obéirent sans tarder,

ils entendirent sa parole,

ils firent comme il avait dit.

Il grandit, un Pouvoir le voulait.

Lorsqu’ils eurent fini,

qu’ils furent au bout de leur labeur,

chacun s’en retourna chez soi.

Et la blonde Déméter

vint s’y asseoir et y resta

loin de tous les bienheureux.

v.184-303

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Rencontre avec les fille de Kéléïos; Hymne 2, pour Déméter ; Hymnes Homériques ; Hésiode

Celles qui la virent furent les filles

de Kéléïos roi d’Éleusis.

Elles venaient chercher l’eau claire

pour la rapporter

avec des aiguières de bronze

dans la maison de leur père.

Elles étaient quatre, comme des déesses,

dans leur fleur de filles,

Kallidikè, Kleïsidikè,

Dèmô la jolie,

et Kallithoè qui de toutes

est la plus grande.

Sans la reconnaître (il est difficile

pour ceux qui meurent de voir les dieux)

debout près d’elle, elles lui dirent

ces paroles qui ont des ailes :

« D’où viens-tu, vieille ?

De quelle famille es-tu ?

Pourquoi restes-tu là, loin de la ville,

sans t’approcher

des maisons ? Il y a là-bas des femmes

dans l’ombre des salles

qui ont le même âge que toi,

Il y en a des plus jeunes

qui auraient pour toi de bonnes paroles

et des gestes d’accueil. »

Voilà ce qu’elles dirent ;

la déesse souveraine répondit :

« Chères enfants, qui que vous soyez

parmi les femmes qui sont femmes,

la joie soit avec vous. Je vais vous parler.

Il n’est pas malvenu que je réponde à vos questions

en disant la vérité.

Dôs est mon nom ; c’est celui

que m’a donné ma mère et souveraine.

Et maintenant j’arrive de la Crête

sur le large dos de la mer.

Je ne l’ai pas voulu. On m’a forcée

par violence, malgré moi,

des pirates m’ont emmenée.

Plus tard, leur bateau qui va vite

s’est arrêté à Thorikos1 ;

là sont montées en foule

des femmes de la terre ferme ;

quant à eux, ils avaient

préparés un repas près des amarres

du côté de la poupe.

Mais moi, cette nourriture alléchante

ma levait le cœur ;

sans être vue je suis partie

à travers la terre obscure ;

j’ai fui ces gens qui me donnaient des ordres

arrogants, et qui voulaient

alors qu’ils m’avaient eue pour rien

tirer de moi un bon prix.

Voilà comment je suis venue ici ;

j’ai erré ; je ne sais pas

comment s’appellent ce pays

et ceux qui l’habitent.

Mais, pour vous, que tous ceux qui ont

leur maison dans l’Olympe

vous donnent d’avoir de bons maris

et d’enfanter des enfants

comme en veulent tous les parents.

Et, pour moi, mes filles

que votre cœur ait pitié de moi.

Où vais-je aller, mes enfants,

chez quel homme ou chez quelle femme,

pour y travailler

de bon cœur, pour y faire

ce que fait la femme vieillie ?

Je pourrais prendre dans mes bras un petit enfançon,

je pourrais m’en occuper,

je tiendrais la maison,

au fond de la plus belle chambre

je ferais le lit

pour les maîtres, et je montrerais

aux femmes leur ouvrage. »

Ainsi dit la déesse. Tout de suite

la fille toujours fille,

Kallidikè, la plus belle des enfants

de Kéléïos, lui répondit :

« Grand- mère, ce que les dieux nous donnent,

même sans joie, il faut

l’accepter. Nous sommes humains ;

ils sont plus fort que nous.

Mais maintenant je vais te dire

clairement avec leur nom,

qui sont les hommes qui sont ici

les plus respectés,

qui sont à la tête du peuple

et qui gardent notre ville

avec ses créneaux par leurs conseils

et la rigueur de leurs sentences.

Il y a Triptolémos le très sage

et Dioklès

et Polyxénos

et Eumolpos l’irréprochable

et Dolikhos

et notre père (il est plein de vaillance)

chacun d’eux à une femme

qui veille sur tout dans la maison.

Il n’est pas une parmi elles

qui pourrait, t’ayant vue,

nier que tu aies grande allure,

et te refuser l’entrée.

Toutes te recevront.

Car tu ressembles à une déesse.

Si tu le veux, reste ici,

le temps que nous allions à la maison

de notre père et racontions

tout cela de bout en bout

à notre mère Métaneïra

(ample est son giron) ; peut-être

te voudra-t-elle chez nous

sans que tu t’adresses ailleurs.

Elle a un fils qu’elle aime plus que tout

dans son beau palais ;

c’est un enfant tard venu,

longtemps attendu, reçu dans la joie.

Tu pourrais te charger de l’élever,

et s’il atteint l’âge d’homme,

tu provoqueras bien de l’envie

chez les femmes qui sont femmes ;

elles verront la récompense

magnifique que tu auras. »

Voila ce qu’elle dit ; de la tête,

la déesse approuva. Les filles

remplirent d’eau leurs jarres luisantes

et s’en allèrent, joyeuses,

à la grande maison de leur père.

Tout de suite à leur mère,

ce qu’elle avaient vu, elles le dirent,

et entendu. Tout de suite

elle leur dit de la faire venir

pour un beau salaire.

Comme des biches, comme

des jeunes vaches au printemps

qui sautent dans la prairie,

la panse pleine de bonne herbe,

ainsi, tout en retenant les plis

de leur robe jolie,

elles allaient dans les ornières

de la route ; et leur cheveux

flottaient sur leurs épaules,

pareils à des fleurs de safran.

Sur le bord de la route elles trouvèrent

la bonne déesse, juste là

où elles l’avaient laissée.

Elles l’emmenèrent à la maison

de leur père. Pour elle, elle allait derrière,

le cœur en peine ;

elle marchait, la tête voilée.

Une robe noire

flottait autour des jambes sveltes

de la déesse.

1:Thorikos est près du cap Sounion, donc non loin d’Athènes

v.105-183

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