Symbolisme agricole; Le bouclier; Hésiode

À quelque distance de la ville

 

d’autres galopaient sur des chevaux.

 

Les laboureurs

 

brisaient la terre divine.

 

Ils portaient la tunique

 

retroussée. Il y avait

 

un grand champ. Certains coupaient

 

avec des faucilles aiguisées,

 

les tiges courbées sous le poids

 

des épis. On aurait dit vraiment

 

le grain de Déméter.

 

D’autres liaient les gerbes

 

et les disposaient sur l’aire

 

D’autres vendangeaient la vigne,

 

le couteau à la main.

 

D’autres recevaient des vendangeurs

 

et portaient à des paniers

 

des raisins blancs et noirs

 

pris à de long rangs de ceps,

 

alourdis par les feuilles

 

et les vrilles couleur d’argent.

 

D’autres les portaient à des paniers.

 

Près d’eux un rang de ceps,

 

tout en or, admirable travail

 

du sage Héphaïstos.

 

D’autres allaient de l’avant,

 

chacun avec son flûtiste.

 

Tout frémissait de feuilles ;

 

les tuteurs étaient d’argent.

 

Tout pliait sous le poids des grappes

 

déjà presque noires.

 

v 285 à 296

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Poésie violente et guerrière teintée de tristesse sans fond; Le bouclier; Hésiode

(partie de description du bouclier d’Héraclès)

Au dessus,

des hommes se battaient

avec des armes de guerre.

Les uns voulaient

de leur ville et de leurs parents

éloigner le danger. Les autres

rêvaient de tout détruire.

Beaucoup était par terre ;

un plus grand nombre

continuait le combat. Les femmes

sur les solides remparts

de bronze poussaient des cris

aigus, se griffaient les joues,

pareilles à des vivantes :

travail du célèbre Héphaïstos.

Les hommes qui étaient vieux,

que l’âge avait saisis,

s’étaient réunis hors des portes.

Les bras levés,

ils suppliaient les dieux bienheureux,

car ils avaient peur

pour leurs enfants qui se battaient toujours.

Derrière eux

les tueuses noires

faisaient claquer leurs dents blanches,

affreuses, l’œil méchant,

sanglantes, repoussantes.

Elles se battaient autour des morts.

Elles avaient envie

toutes de boire le sang noir.

Celui qu’elles saisissaient,

déjà tombé à terre

ou blessé et s’écroulant,

elles jetaient sur lui leur grandes griffes,

et son âme descendait

vers l’Hadès, le Tartare où l’on gèle.

Enfin, repues de sang

humain, elles jetaient le mort

derrière le dos

et retournaient en toute hâte

dans le tumulte de la mêlée.

Clotho et Lachésis

étaient à leur tête. De taille moindre,

Atropos1 n’était pas

une déesse grande, mais pourtant

c’était les trois les plus respectée

et la plus âgée.

Toutes autour d’un homme,

elles se battaient férocement,

se lançant des regards terribles,

l’œil en furie.

Elles frappaient à coups de poing,

à coups de griffe.

Ténèbre-de-Mort était auprès d’elles,

lugubre et terrifiante,

verdâtre, flétrie,

ratatinée par la faim,

les genoux enflées,

au bout des doigts des ongles immenses.

De son nez coulaient des morves.

De ses joues le sang

dégouttait jusqu’à la terre.

Elle restait là, grimaçante.

Sur ses épaules

une épaisse couche de poussière

était mouillée de larmes.

1:Clotho, Lachésis et Atropos sont généralement appelées « Moires », en Grec Moïraï, ou, par recours à un mot latin, « Parques ». Le texte a l’air de les confondre parmi les Tueuses ou « Kères ».

La Tueuse: plus d’un traducteur calque le Grec et écrit: la Kère; d’autres préfèrent: la Destinée. La perception de ce que nous appelons « Destin » passe par l’image de la mort inattendue, notamment la mort dans un combat. « C’était son jour » dit-on en français

v 238 à 270

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Le « cadeaux » de Zeus à Prométhée; Les travaux et les jours; Hésiode

Car les dieux ont dissimulé

la pitance des hommes.

Il suffirait sinon que tu travailles

une seule journée,

et tu aurais de quoi vivre

une année, sans rien faire.

Tout de suite tu suspendrais

au-dessus du feu la grande rame.

Plus de travail pour les bœufs,

pour les mules prêtes à tout.

Mais Zeus a tout dissimulé ;

son cœur était en colère ;

car Prométhée Idée-Retorse

s’était moqué de lui ;

c’est pourquoi il a imaginé

pour les hommes les durs chagrins.

Il a caché le feu ; mais alors

le fils de Iapétos, le brave,

l’a volé pour les hommes

chez Zeus le prudent, l’a emporté

dans un roseau creux, sans que le voie

Zeus Joie-de-la-Foudre.

Donc s’est fâché contre lui

et lui a dit Zeus Maître des Nuages

« Fils de Iapétos, tu sais plus de tours que quiconque,

Tu es content d’avoir volé le feu,

et de m’avoir berné,

mais il t’en viendra malheur

à toi et aux hommes à venir.

Pour ce feu je lui ferai un cadeau.

Ils en seront tous contents

s’en réjouiront dans leur cœur,

choyant leur propre mal. »

Il dit et se prit à rire,

lui, père des hommes et des dieux,

À Héphaïstos le fameux

il donne l’ordre au plus vite

de mêler de l’eau, de la terre,

d’y mettre une voix, une force

humaines, d’y façonner la forme

d’une déesse immortelle,

belle forme d’une fille

qu’on aimerait ; et qu’Athéna

lui apprenne les ouvrages,

à tisser une toile avec des motifs ;

que sur sa tête Aphrodite

toute dorée verse sa grâce

et le désir qui fait souffrir

et les soucis qui vous laissent brisé.

Il donna l’ordre à Hermès,

le messager Argeïphontès,

d’y faire entrer un cœur de chienne

et des façons sournoises.

Il dit ; ils obéirent

au prince Zeus Kroniôn.

Tout de suite le fameux Bétourné1

fabrique avec la terre

selon les projets de Zeus

l’image d’une fille timide ;

Athéna Yeux-de-Chouette, déesse,

lui donna ceinture et parure ;

Autour d’elle les Grâces, déesses,

Persuasion la souveraine

mirent sur sa peau des colliers d’or. Et les Heures

(belles chevelures!)

la couronnent

avec les fleurs de printemps.

Pallas Athéna sur sa peau

dispose toute une parure.

Et dans sa poitrine

le messager Argeïphontès

place les mensonges, et les mots

douceureux et les façons sournoises

(vouloir de Zeus qui gronde

sourdement) ; et le héraut des dieux

lui donna une voix,

et cette femme fut nommée

Pandôra, car tous ceux

qui ont leur maison dans l’Olympe

lui avaient donné un don,

peste pour les hommes qui travaillent.

Quand il eut mis au point

ce piège terrible, imparable,

le père à Épiméthée dépêche

le fameux Argeïphontès2,

messager rapide des dieux,

pour apporter le cadeau. Épiméthée

ne réfléchit pas. Prométhée

lui avait dit pourtant de ne jamais

accepter un cadeau de Zeus

l’Olympien, mais de lui

retourner, de peur qu’un mal

n’advienne à ceux qui meurent.

Mais lui, il accepta, et lorsqu’il eut

en main son malheur, il comprit.

v. 42-89

1: Héphaïstos

2: Hermès

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