La charge royale du sanctuaire de Némi dédié à Diane-origines; Frazer; Le Rameau d'or.

Comment expliquer une telle réminiscence « barbare » du temple de Némi en contraste frappant avec la société italienne policée de l’époque ? Commençons par exposer les quelques faits et légende qui nous sont parvenus sur ce sujet. Selon une relation, le culte de Diane à Némi fut institué par Oreste, qui après avoir tué Thoas, roi de la Chersonèse taurique (aujourd’hui la Crimée), s’enfuit avec sa sœur en Italie, emportant avec lui l’image de la Diane taurique, cachée dans un fagot. A la mort d’Oreste, ses ossements furent transportés d’Aricie à Rome et ensevelis devant le temple de Saturne, sur le flanc du Capitole, à côté du temple de la Concorde. Le rite sanglant que la légende attribue à la Diane taurique est familier à ceux qui connaissent leurs auteurs ; tout étranger débarquant sur le rive était sacrifié sur l’autel de la Déesse. Mais transposé en Italie, le rite pris une forme adoucie. Dans l’enceinte du sanctuaire de Némi se dressait un certain arbre dont aucune branche ne devait être cassée. Seul, un esclave fugitif avait le droit, s’il le pouvait de briser une de ces rameaux. Le succès de sa tentative lui permettait de défier le prêtre en combat singulier ; s’il parvenait à le tuer, il régnait à sa place, sous le titre du Roi du Bois (Rex Nemorensis). Selon l’opinion courante des anciens, la branche fatidique était le Rameau d’or qu’Énée, par ordre de la Sibylle, cueillit avant d’entreprendre son périlleux voyage au pays des ombres. La fuite de l’esclave passait pour représenter la fuite d’Oreste ; son combat avec le prêtre était une réminiscence des sacrifices humains offerts à la Diane taurique. Cette règle de succession par le Glaive fut observée jusqu’à l’époque impériale…… Quant au culte de Diane du Bois, on peut encore discerner quelques-uns des traits saillants. D’après les offrandes retrouvées sur place, la déesse était considérée non seulement comme chasseresse, mais encore comme bienfaitrice des humains, à qui elle accordait la fécondité et facilitait les enfantements1. Par ailleurs le feu semble avoir joué un rôle capital dans son culte. A sa fête annuelle, célébrée le 13 août, c’est-à-dire au moment des grandes chaleurs, le bocage sacré s’illuminait d’une foule de torches dont le lac reflétait les rougeoyantes lueurs, et il n’y avait pas un seul foyer domestique dans l’Italie entière qui ne célébrât la fête de Diane 1:Ainsi on a retrouvé de nombreuses représentation des organes de la génération, masculins et féminins, y compris des matrices, des figures de femmes portant des enfants sur les genoux ou dans les bras, et des couples assis côte à côte, la femme enceinte ou portant un enfant. pg 20-21 Frazer et le cycle du rameau d’or, Nicole Belmont et Michel Izard, Laboratoire d’anthropologie sociale; Collège de France.]]>

La race des héros; Les travaux et les jours; Hésiode

Mais lorsque la terre

eut aussi caché cette race –

c’en fut la quatrième

que sur la terre, bonne nourrice,

fabriqua Zeus le Kronide,

race noble et juste,

divine race d’hommes héros

que l’on appelle

demi-dieux, dernière race avant nous

sur la terre sans limites.

La guerre méchante

et la bataille affreuse

en ont tué certains sous Thèbes

aux sept portes, terre de Cadmos,

les faisant se battre

pour les moutons d’Oedipe,

en ont conduit d’autres dans des bateaux

sur le grand gouffre de la mer

pour aller à Troie à cause

des beaux cheveux d’Hélène.

C’est là que la mort

fit disparaître les uns ;

les autres, Zeus le Kronide

les installa au bord de la terre,

loin des hommes, leur donnant

un lieu pour vivre.

Ceux-là, le cœur insouciant,

ils ont leur habitation

dans les îles des Bienheureux,

près des tourbillons de l’Océan,

héros regorgeant de biens ;

trois fois par an la terre

leur donne en abondance

des fruits doux comme le miel.

Ils sont loin des Immortels,

et Kronos est leur roi.

Car le père des hommes et des dieux

a défait ses liens.

Il y a honneur et gloire

pour ceux-là qui sont les derniers.

Zeus qui voit loin n’a jamais

placé sur la terre

nonne nourrice une race d’hommes

qui soit aussi connue.

V.156-173

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La race d'or; Les travaux et les jours; Hésiode

Si tu veux , c’est un autre discours

que pour toi je ferai sonner,

bellement, avec maîtrise ;

toi, range-le dans ta mémoire.

De même lieu naissent les dieux

et les hommes qui meurent.

C’est en premier une race d’or

race d’hommes éphémères

que firent les dieux qui ne meurent pas,

qui ont leur maison dans l’Olympe.

C’était du temps de Kronos,

du temps où il régnait dans le ciel.

Et ils vivaient comme les dieux ;

le cœur insouciant,

sans peine, sans douleurs ;

et la sinistre

vieillesse ne venait pas sur eux ;

bras et jambes toujours forts

ils se tenaient en joie,

les maux étaient loin.

Ils mourraient comme pris

par le sommeil ; tout pour eux était

beau ; la terre, d’elle-même

féconde, leur donnait

du fruit abondant et sans tache ;

de bon cœur, en toute paix,

ils menaient leur vie

au milieu de grand biens,

riches de troupeaux,

chers aux dieux qui ne meurent pas.

Mais lorsque la terre

eut caché cette race –

on les appelle démons purs,

qui vont de par le monde,

qui, nobles, détournent les maux,

qui protègent les hommes qui meurent ;

ils voient les jugements droits

et les méchantes actions ;

vêtus de brumes, ils errent

partout sur la terre ;

ils donnent la richesse ;

tel est leur royal privilège

V.106-126

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Prise du pouvoir d'Éa; Bottéro-Kramer; Lorsque les dieux faisaient l'homme.

Lorsque Là-haut

le ciel n’était pas encore nommé,

et qu’Ici-bas la terre ferme

n’était pas appelée d’un nom,

seuls Apsû-le-premier,

leurs progéniteur,

et mère …-Tiamat,

leur génitrice à tous,

mélangeaient ensemble

leurs eaux :

Ni bancs-de-roseaux n’y étaient agglomérés,

Ni cannaies n’y étaient discernables.

Et alors que des dieux

nul n’étaient encore apparu,

qu’ils n’étaient ni appelés de noms

ni lotis de destins,

En Apsû-tiamat les dieux

furent produits :

Lahmu et Lahamu apparurent

et furent appelés de noms.

Avant qu’ils fussents devenus

grands et forts,

furent produits Anšar et Kišar,

qui leur étaient supérieurs.

Quand ils eurent prolongé leurs jours,

multiplié leurs ans,

Anu fut leur premier-né,

Conforme à ses parents.

Comme Anšar avait fait semblable à lui

Anu, son rejeton,

Anu pareillement, à sa semblance,

procréa (Éa) Nudimmud.

Or, Nudimmud, lui.

Le futur ordonnateur de ses parents,

était large d’entendement, sage

et doué d’une force immense ;

Bien plus puissant

que le procréateur de son père, Anšar,

il n’avait point d’égal,

comparé aux dieux ses frères.

Ayant dons fermé une bande

ces dieux-frères

troublèrent Tiamat

en se livrant au remue-ménage :

Bouleversant

l’intérieur de Tiamat,

ils tracassèrent, par leurs ébats,

le dedans de l’ « Habitacle-divin ».

Apsû n’arrivait pas

à calmer leur tumulte.

Tiamat, cependant,

demeurait impassible devant eux :

leurs agissements

lui étaient désagréables,

leur conduite, blâmable,

mais elle les épargnait.

Alors, Apsû,

Le producteur des grands-dieux,

appela son Mummu

et lui dit :

« Ô Mummu, toi, mon page

qui me contentes l’âme,

Viens,

allons trouver Tiamat! »

Ils s’en allèrent donc

et, assis en présence de Tiamat,

discoururent et discutèrent

touchant les dieux, leurs rejetons.

Apsû,

ayant ouvert sa bouche,

haussa la voix

et dit à Tiamat :

« Leur conduite

m’est désagréable :

le jour, je ne repose pas ;

la nuit, je ne dors pas !

Je veux réduire à rien

et abolir leur activité,

pour que soit rétabli le silence

et que nous autres, nous dormions! »

Tiamat,

entendant cela,

courroucée,

vociféra contre son époux,

et, s’étant montée d’elle-même,

récrimina aigrement contre Apsû,

parce qu’il avait insinué

du mal en son esprit :

« Pourquoi, nous-mêmes

détruirions-nous ce que nous avons produit ?

Leur conduite est fort désagréable ?

Patientons avec bienveillance! »

Mummu prit alors la parole

pour conseiller Apsû,

tout page qu’il était, récusant

l’avis de sa génitrice :

« Abolis donc, mon père,

cette activité turbulente

pour que tu reposes le jour

et que tu dormes la nuit! »

Apsû s’en réjouit

et les-traits-de-sa-face-brillèrent,

pour le mal qu’il avait machiné

contre les dieux ses enfants :

Il entoura-de-son-bras

la nuque de Mummu,

lequel s’assit sur ses genoux,

et l’Apsû l’embrassa.

Or, tout ce qu’ils avaient machiné

en leur réunion,

on le répéta

aux dieux, leurs rejetons.

L’ayant appris,

ces dieux s’agitèrent,

puis gardèrent le silence

et demeurèrent cois.

Supérieurement intelligent,

expérimenté, subtil,

Éa qui comprend tout

perça leur plan.

A l’intention d’Apsû, il combina

et agença un projet d’ensemble :

ayant ajusté contre lui

son charme auguste le plus fort,

Il le lui récita

et, d’un philtre, le mit au repos :

le sommeil l’envahit

et il dormait béatement.

Quand il eût endormi Apsû,

envahi de sommeil,

et que Mummu-le-conseiller

fut trop hébété pour se tenir-sur-ses-gardes.

Éa détacha le bandeau-frontal d’Apsû

et ôta sa couronne ;

il confisqua son Eclat-surnaturel

et s’en revêtit lui-même ;

Puis, l’ayant terrassé,

il le mit-à-mort

et enferma Mummu,

barrant sur lui la porte.

Il établit alors sur Apsû

son habitacle,

et se saisit de Mummu

qu’il tenait par sa laisse-de-nez.

La glorification de Marduk, l’épopée de la création, v.1-72

Lorsque les dieux faisaient l’homme, Mythologie mésopotamienne par Jean Bottéro et Samuel Noah Kramer, Bibliothèque des Histoires, nrf, Éditions Gallimard.

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Tous ceux-là, le grand Kronos les avalait dès le moment où, du ventre sacré de leur mère, ils tombaient entre ses genoux; Hésiode; Théogonie

Rhéïa forcée par Kronos

mit au monde de beaux enfants

Hestia, Déméter,

Héra aux sandales d’or,

et Hadès l’impitoyable,

dont la maison est sous la terre,

et Celui-qui-fait-trembler-la-terre

à grand fracas1,

et Zeus le très sage,

père des hommes et des dieux.

C’est lui dont le tonnerre fait frémir

la terre vaste.

Tous ceux-là, le grand Kronos

les avalait dès le moment

où du ventre sacré de leur mère

ils tombaient entre ses genoux.

Lui, il songeait que parmi

les descendants de Ciel,

quelqu’un deviendrait roi

de ceux qui ne meurent pas.

Il l’avait appris de Terre

et de Ciel parsemé d’étoiles :

sa destinée serait d’être vaincu par son fils

quelle que soit sa force.

Le grand Zeus l’avait voulu.

Sans fermer l’œil, il se méfiait ;

il restait aux aguets

et avalait ses enfants. Rhéïa

en souffrait terriblement.

Mais quand vint le moment où Zeus,

père des hommes et des dieux, devait

naître, alors elle supplia

ses parents (c’étaient aussi

ceux de Zeus), Terre, sa mère,

et Ciel parsemé d’étoiles,

de découvrir une ruse

pour qu’elle enfante sans qu’on la voie

son fils, et qu’un châtiment

mérité venge sur le père

les enfants avalés par

le grand Kronos Pensées-Retorses.

Ils écoutèrent leur fille qu’ils aimaient

et furent persuadés.

Ils lui firent connaître

ce qui avait été fixé

pour le sort de Kronos le roi

et de son fils au cœur dur.

Ils la firent aller à Lyktos,

dans le riche pays de Crète

le jour où elle devait

enfanter son dernier fils,

Zeus le grand. L’immense Terre

reçu dans ses mains l’enfant,

en Crète, vaste pays,

pour le nourrir et l’élever.

Elle s’en alla le portant

pendant que courait la nuit obscure

d’abord jusqu’à Lyktos.

Elle le cacha de ses mains

dans une caverne inaccessible,

au creux de la terre inspirée,

dans la montagne Aïgaïon

où sont des forêts très épaisses.

Puis elle langea une grande pierre

et la mit dans la main

du grand prince fils de Ciel,

premier roi des dieux.

Il la prit dans ses mains

et l’engloutit dans son ventre,

le malheureux ; il ne comprit pas

que grâce à cette pierre

son fils invincible, son fils

sans la moindre inquiétude,

était sauvé, et bientôt le battrait

de ses mains très fortes,

lui ôterait sa part et serait roi

de ceux qui ne meurent pas.

Par la suite on vit grandir

la force et le corps superbe

du jeune prince. Puis, lorsque furent

allées et venues les années,

trompé par la ruse très fine

que Terre avait inventée,

le grand Kronos Pensées-Retorses

recracha ses enfants,

vaincu par l’habileté

et par la force de son fils ;

il vomit tout d’abord la pierre

qu’il avait avalée en dernier.

Zeus la fixa en l’enfonçant

dans la terre où l’on chemine,

à Pythô2 l’inspirée,

près des grottes du Parnasse,

pour servir de stèle à jamais,

merveille pour ceux qui meurent.

Il délivra ses frères et ses sœurs,

les descendants de Ciel,

des liens affreux où les avait tenus

leur père en sa folie.

Eux désormais eurent pour lui

grande reconnaissance,

ils lui donnèrent le tonnerre

et la foudre étincelante

et l’éclair. Jusque-là Terre l’immense

tenait caché ce pouvoir,

qui le fait roi de ceux qui meurent

et de ceux qui vivent à jamais.

1:Poséïdon

2:Delphes

v 453 à 506

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Hécate; Hésiode; Théogonie

Généreuse dans les pâtis

avec Hermès elle (Hécate) multiplie

les vaches en troupeau

et les grandes tribus de chèvres

et les brebis laineuses par centaines

pour peu qu’elle en ait envie.

De peu elle fait beaucoup,

de beaucoup plus encore.

Elle a beau être fille

unique de sa mère

tous ceux qui ne meurent pas

lui font honneur avec des cadeaux.

Et le fils de Kronos

veut qu’elle donne pitance

à ceux dont les yeux regardent

les rayons d’Aurore Toute-Voyante.

Ainsi, dès le début, elle élève la jeunesse.

Tels sont ses privilèges.

v 444 à 452

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Tout d'abord exista Chaos; Hésiode; Théogonie

Faille (ndlr: en Grec Chaos) Large-Poitrine,

base sûre à jamais pour tous les êtres,

pour tous les immortels qui tiennent

les cimes enneigées de l’Olympe,

et le Tartare (ndlr: entrailles de la terre) plein de brouillard

au fond de la terre où l’on chemine,

et aussi Éros (ndlr: le désir), le plus beau

des dieux qui ne meurent jamais:

il brise le corps de tout les dieux,

de tous les hommes;

il est plus fort que la pensée du cœur,

que la sagesse des desseins.

De Faille naquit Érèbe (ndlr: Ténèbres)

et la Nuit toute noire (ndlr: en Grec Nyx).

De Nuit naquit Feu d’en-haut

et Lumière du Jour.

Elle enfanta, grosse

d’Érèbe, qui lui avait fait l’amour.

Terre (ndlr: en Grec Gaïa) d’abord enfanta

-il est aussi grand qu’elle-

Ciel (ndlr: en Grec Ouranos) tout couvert d’étoiles-

il peut la couvrir entièrement,

pour que les dieux bienheureux

y siègent à jamais en sureté.

Elle enfanta les grands Monts (ndlr: en Grec Ouréa),

lieux de délice pour les déesses,

Nymphes qui habitent

dans les replis des montagnes.

Elle enfanta Pontos (ndlr: le flot) l’infertile,

qui se gonfle et qui saute,

le gouffre de la mer,

sans aucun désir d’amour. Ensuite

couchant avec Ciel, elle enfanta

Océan Tourbillons-immenses,

puis Koïos (ndlr: celui qui sait, celui qui pense) et Krios,

et Hypérion (ndlr: celui qui est au-dessus) et Iapétos (ndlr: Japet, celui qui précipite)

Théïa et Rhéïa

et Thémis (ndlr: loi divine)et Mnémosyne (ndlr: mémoire)

et Phoïbè (ndlr: brillante) couronnée d’or

et Thèthys la désirable.

Le dernier de tous naquit

Kronos Pensées-Retorses;

c’était le plus terrible. Il détestait

la vigueur de son père.

V.116-139